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Avec « Dérapage », David Desgouilles ne rate pas le tournant

Avec « Dérapage », David Desgouilles ne rate pas le tournant

Après « Le bruit de la douche », qu’Info-Chalon.com avait repéré pour ses lecteurs, David Desgouilles revient avec un deuxième roman : "Dérapage". Et le moins que l’on puisse dire est que, loin de s’essouffler, le franc-comtois d’origine transforme avec brio l’essai, s’impose parmi les écrivains de politique-fiction avec lesquels il faudra compter désormais.

Bien connu des lecteurs du mensuel Causeur, le journaliste David Desgouilles s’était laissé convaincre par l’un de ses amis, le romancier Jérôme Leroy, de commettre un tout premier roman : Le bruit de la douche. Et le moins qu’avait pu en dire Info-Chalon.com à l’époque* était qu’il avait bien fait, celui-ci étant particulièrement réussi. Après cette première et heureuse tentative, David Desgouilles revient avec un autre roman, de la même facture : Dérapage**.

Dans Le bruit de la douche, David Desgouilles se livrait « au plaisir mélancolique de l’uchronie, qui consiste à imaginer, à partir d’une date, un présent tout autre, plus satisfaisant à ses yeux »***. Comment ? En se posant cette question : « Et si Nafissatou Diallo n’avait pas croisé DSK au Sofitel de New York, le 14 mai 2011… », point de départ d’une intrigue qui tenait en haleine le lecteur jusqu’à la dernière page. Cette fois-ci, point d’uchronie. David Desgouilles a choisi d’innover, du moins d’éviter un bis repetita assez récurrent chez les auteurs qui, ayant trouvé un bon filon, l’exploitent sans vergogne – on pense ici à Marc Lévy, Guillaume Musso, Mary Higgins Clark, c’est-à-dire à toute la cohorte d'escrocs de l'écriture, naturellement têtes de ventes de bouquins et qui, chacun à leur manière, racontent toujours la même chose, selon une structure bien rôdée, se contentant, on n’exagère à peine, de changer les noms des personnages et de décor...

David Desgouilles, loin de se reposer sur ses lauriers, a donc pris des risques. Lesquels ? Ce serait vraiment cruel de notre part de vous les détailler. En revanche, on peut sans doute, pour vous mettre en appétit, vous dire que David Desgouilles maîtrise comme jamais l’art de la politique-fiction, tout en faisant entrapercevoir à son lecteur les dangers d’une société BFMTVisée, pourrie par la "dictature de l’immédiateté" ****, rongée par les hordes de censeurs de tout poil prompts à vous sauter à la gueule pour le moindre mot de travers, la moindre parole hétérodoxe, non certifiée conforme à la bien-pensance, pas dans les clous. On peut aussi vous dire que le fait que l’action se déroule pour partie dans la Bresse jurassienne, la Franche-Comté est loin d’être désagréable. Du moins si, comme David Desgouilles, franc-comtois d’origine, l’on ne peut s’empêcher de trouver un certain charme à l’évocation de ces terres qui, loin de l’agitation superficielle de la capitale française, procurent la douce sensation de se trouver près d’un feu de cheminée, un soir d’hiver, tandis qu’au dehors se déchaînent les éléments, souffle un vent mauvais et glacial, semblable à celui qui, actuellement, congèle peu à peu la société française.

Bref, à lire et ceci sans hésitation. 

Samuel Bon

*Lire la chronique d’Info-cHalon.com : http://www.info-chalon.com/articles/a-lire/2015/06/29/14725/info-chalon-a-lu-pour-vous-le-bruit-de-la-douche-de-david-desgouilles-rafraichissant/

**David Desgouilles, Dérapage, Editions du Rocher, 2017, 205 p, 16,90 euros (prix conseillé)

***Jérôme Leroy, Causeur, juin 2015, p 94

****Lire l'article de votre serviteur sur cette expression :

https://blogs.mediapart.fr/steve-renaud/blog/040611/la-dictature-de-limmediatete-1