Chalon dans la rue

CHALON DANS LA RUE 2017 : Conversation avec un enfant sur ce que se révolter veut dire, à l'occasion du cuirassé Potemkine, de la Compagnie Tout en vrac

CHALON DANS LA RUE 2017 : Conversation avec un enfant sur ce que se révolter veut dire, à l'occasion du cuirassé Potemkine, de la Compagnie Tout en vrac

La révolte de juin 1905, à bord du cuirassé Potemkine, faisait l’objet d’un spectacle de qualité au Bastion bas de Chalon-sur-Saône. Le retour en images d’info-chalon.com.

- « Ils font quoi ? »

C’est ce que m’a demandé, hier, pendant Le cuirassé Potemkine*, un petit garçon de quatre ou cinq ans qui avait élu domicile contre mon genou gauche, sans doute parce que ses parents étaient trop employés à faire autre chose pour avoir la présence d’esprit de s’en occuper… « Ombre », qu’il s’appelait… J’imagine que sa sœur, s’il en avait une, s’appelait « Lumière », comme le terme qui sert à désigner une certaine capacité intellectuelle permettant notamment de comprendre qu’il y a des prénoms qu’il n’est peut-être pas judicieux de donner à un enfant.

- « Ils sont en train de se révolter », que je lui ai répondu, pour tenter de lui expliquer ce que faisaient les marins du spectacle à ce moment-là.

- « Ça veut dire quoi ‘’se révolter’’ ? », a-t-il aussitôt interrogé, me mettant ainsi quelque peu dans l’embarras, expliquer simplement à un gamin de cet âge ce que signifie ce verbe pronominal n’étant pas forcément aisé.

Après quelques (longs) instants de réflexion, j’ai finalement tenté la réponse suivante : « ‘’se révolter’’, c’est refuser d’obéir à quelqu’un quand tu penses que tu ne dois pas lui obéir ».

- « Pourquoi ils refusent d’obéir au chef ? », a alors demandé « Ombre » (même si je crois avoir bien compris ce qu'il m'a dit, je mets entre guillemets car je peine encore à croire qu’on puisse vraiment appeler ainsi son enfant, surtout quand je vois le nombre de bouquins de psychologie de l’enfance qu’on peut acheter en librairie ou consulter dans une bibliothèque universitaire).

- « Parce qu’un chef n’a pas toujours raison, parce qu’il peut dire ou te demander de faire des bêtises. Et que si c’est le cas, t’es pas obligé de lui obéir. Tu n’es pas toujours obligé d’obéir, surtout si tu ne comprends pas pourquoi on te demande d’obéir. Si celui qui te demande d’obéir a raison, il saura te convaincre d’obéir. S’il a tort, tu n’obéiras sans doute pas. Là, le chef, il a demandé à des hommes de tuer d’autres hommes qui ne voulaient pas manger de la viande pleine d’asticots. Tu penses qu’il faut obéir sans réfléchir à quelqu’un qui te demande de tuer un homme ou une femme, même s’il est chef ? »

- « Ouaheuh ben non, hé ! », a-t-il lâché avec ses mains cachant une bouche sur laquelle j’ai deviné un sourire.

Pour un enfant de quelques années, Le cuirassé Potemkine, c’était sans doute un peu hard. Encore que ça lui fasse sûrement moins de mal que de se retrouver planté devant Touche pas à mon poste… Pour les « grands », je ne saurais exactement dire comment a été reçu ce spectacle qui avait l’immense mérite de ne pas sombrer dans la reconstruction historique aussi enjolivée que pompeuse du film éponyme d’Eisenstein. Pour ce qui me concerne, même si une communicante de la compagnie m’a alpagué à la fin de ce dernier pour me soutenir qu’il n’y avait « rien de politique dans ce spectacle célébrant le vivre-ensemble », c’est-à-dire pour me dire n’importe quoi, je l’ai trouvé très réussi, nuancé, suffisamment pour que je reste embarqué jusqu’au bout, ce que j’aurais fait de toute façon, ayant un peu malgré moi eu charge d’âme pendant celui-ci : celle du petit matelot « Ombre », qui aura entendu au moins une fois la belle chanson de Jean Ferrat sur ce cuirassé**.

Samuel Bon

*Compagnie Tout en vrac - Le cuirassé Potemkine - Durée : 1 h 20

**Ecouter la chanson en question :

https://www.youtube.com/watch?v=MK6o_aldOcA