Chalon dans la rue
CHALON DANS LA RUE 2017 : Intense stimulation des glandes lacrymales avec la Compagnie Bougrelas
Publié le 24 Juillet 2017 à 16h13
Avec leur spectacle intitulé « Ils étaient plusieurs fois », la Compagnie Bougrelas a fait fort, très fort. Et ce ne sont certainement pas les festivaliers l’ayant vu, en déambulant dans les rues du quartier de la Citadelle, qui vous diront le contraire !
D’ordinaire, c’est plutôt à l’occasion d’un mariage que les cadavres ressortent des placards, les membres de votre famille n’ayant pas trouvé de date plus opportune que ce qui est censé être le plus beau jour de votre vie pour plomber l’ambiance en ressortant toute une panoplie de drames refoulés, enfouis, parfois putrides. Là, c’est pour « une répétition d’obsèques » à venir, celles de Catherine Guimbert, que les drames les plus intimes d’une femme pas encore décédée ont ressurgi, jusqu’à prendre le spectateur à la gorge, la lui serrer au point qu’il éprouve l’irrésistible envie de sangloter.
Au début, pourtant, bien malin qui aurait pu deviner que ce spectacle allait particulièrement vous stimuler les glandes lacrymales. En effet, quand commence Ils étaient plusieurs fois, tout un chacun peut légitimement se dire qu’il va assister à une énorme farce « burlesque », qualification qui revient souvent dans le programme de Chalon Dans La Rue. Faut dire que l’idée même de répéter des obsèques en famille, parce que « si vous ne pouvez pas choisir la date » vous pouvez choisir « l’ambiance », est complètement ahurissante. Tout autant que l’est la « large gamme de forfaits sur mesure pour partir en toute tranquillité » par l’entreprise de pompes funèbres « alloleciel ».
Au début, donc, le spectateur peut croire qu’il va assister à une parodie de toutes ces entreprises qui ont fait de la mort leur métier et leur gagne-pain, dont on peut régulièrement mesurer l’incitation à être le plus triste possible à certaines obsèques parce que, peut-être, « un bel enterrement, [c’est] quand les gens [pleurent] beaucoup » (Georges Bernier, alias le Professeur Choron*]. Mais, si de cela il y a un peu, c’est sur un tout autre terrain que la Compagnie Bourgelas nous entraîne : celui des drames personnels d’une femme issue de l’immigration italienne, qui a rompu avec son père voulant la marier à un dérivé de « cousin du bled », ceci pour « être libre » d’aimer l’homme de son choix. Une décision qui l’a contrainte à tirer un trait sur toute une partie de son histoire, de sa famille, de ses origines. Soit autant des meurtrissures dont sa fille, France, ignorait tout et que cette « répétition d’obsèques » va lui apprendre.
Le terrain ainsi choisi aurait pu être miné mais la Compagnie Bougrelas le traverse sans encombre, en nous emmenant avec elle, pour nous faire toucher du cœur l’universel, en nous faisant ressentir avec acuité ce qu’implique, encore de nos jours, le fait d’être une femme, c’est-à-dire un être à qui certaines traditions dénient encore le droit d’être libre.
Un mot : MAGNIFIQUE !
Samuel Bon
(Photos : Samuel Bon & M.B.)
*Une analyse que celui-ci livre, brut de décoffrage as usual, dans le documentaire que lui ont consacré Pierre Carles et Eric Martin : Choron dernière – Vie et mort de Charlie Hebdo (2009). Une analyse qui le conduit à déclarer, toujours provocateur, que, du coup, à la mort de son père, quand il avait 12 ans, il s’est donc forcé « pour entraîner l’émotion de tout le monde ».
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