Chalon sur Saône

Bruno Solo ne l'enverra pas dire dans L'heureux élu, le samedi 30 septembre à Chalon

Bruno Solo ne l'enverra pas dire dans L'heureux élu, le samedi 30 septembre à Chalon

C'est le grand retour des Théâtrales ! Les trois coups de la saison 2017-2018 seront donnés ce samedi 30 septembre à 20h en la salle Marcel-Sembat de Chalon-sur-Saône, de par L'heureux élu, une comédie qui devrait mettre les zygomatiques en état de marche. Et le mot est faible, sachant que parmi les protagonistes officieront Bruno Solo et Yvan Le Bolloc'h, un tandem de choc aux dents longues lorsque se marrer figure à son registre. Il reste des places, profitez-en ! Interview de Bruno Solo pour info-chalon.com

 

Quel vécu a L'heureux élu, et quid de l'avenir ?

« La pièce a débuté au mois de septembre 2016 au Théâtre de la Madeleine (à Paris NDLR), et on a prolongé de deux mois devant le succès rencontré. On a terminé fin février 2017. La tournée a commencé le 23 septembre à Meudon, alors ce qui est très drôle, c’est qu’elle a démarré dans la ville où j’habite, et le jour de mon anniversaire, puisque je suis né le 23 septembre 1964. Donc je veux croire que les planètes sont bien alignées ! C’est la première fois que je me retrouve dans cette situation : commencer une tournée de pièce le jour de mon anniversaire, pourquoi pas, mais en plus dans ma ville ! Ca durera jusqu’au 15 janvier 2018, et je suis super heureux de venir jouer à Chalon-sur-Saône.»

Quelle est la teneur de votre rôle ?

«Je joue Jeff, qui est un enfant gâté, pourri, plutôt un peu cynique, neurasthénique, un homme à qui la vie a fait beaucoup de cadeaux d’un point de vue pécuniaire puisqu’il est issu d’une famille immensément fortunée. Mais il est très névrosé, mal dans sa peau, complexé par son argent, et en même temps il est assez arrogant, sûr de lui. C’est une sorte de morceau de névrose sur pattes qui retrouve accidentellement la femme qu’il a tant aimée et qui revient enfin en France pour lui présenter son heureux élu. Et je vais affronter cet homme, mais pour de mauvaises raisons, c’est-à-dire pas pour des raisons idéologiques ou intellectuelles, mais juste par jalousie, alors que le type est une ordure sans nom, et qu’il suffirait juste de se confronter à lui avec un peu de courage et de le casser en deux. Mais je suis tellement aveuglé par ma jalousie que je suis incapable d’avoir une vraie confrontation d'idées avec lui. Et ce qui est le cas de mon meilleur ami joué par Yvan le Bolloc’h, qui lui est d’une lâcheté sans nom, car il s’avère qu’il a couché avec ma nana sans que je le sache, et ça le public le sait tout de suite. Donc il y a un vaudeville amoureux avec une louche politique un peu transgressive et cynique, une très belle écriture dont Eric Assous est coutumier avec une double lecture : amoureuse sur le coup avec les lâchetés du couple, un peu comme chez Pinter, et en même temps c'est une fable politique terrible où un couple d’amis et moi-même, pleins de bon sens, d’humanisme, d’altruisme, de pseudo-générosité dès lors qu’ils sont confrontés à de vraies idées diamétralement opposées aux leurs, deviennent un peu lâches. »

Passe-t-elle un ou plusieurs messages, ouvertement ou mine de rien ?

« C’est le principe des comédies. Oui, en général, quand une comédie n’est là que pour faire du rire, c'est du burlesque, ça peut être extraordinairement réussi, mais dans le vaudeville ou le boulevard, parfois, il faut qu’il y ait un sous-texte, là c'est un sous-texte politique. C’est l’histoire d’un homme qui arrive avec des idées assez radicales sur le monde, et qui est confronté à des gens qui, au lieu de l’affronter sur ses idées, n’osent pas lui rentrer dedans, l’un par lâcheté, et l’autre par jalousie. »

Une fois de plus votre vieille complicité avec Yvan Le Bolloc’h éclate au grand jour. Professionnellement, comment le situez-vous ?

«Je travaille avec lui depuis vingt-sept ans, avec évidemment de longs moments d’absence car nous ne sommes pas toujours collés l’un à l’autre, mais là nous retrouver à l’occasion de cette pièce c’est merveilleux, parce que cela faisait treize ans que l’on avait pas retravaillé ensemble ! On se voyait quand même, on était toujours aussi proches et camarades. Je faisais beaucoup de théâtre, de films, et lui il tourne un peu moins, mais c’est un formidable acteur et camarade. Je pense que si la pièce a été un énorme succès, c’est d’une parce qu’au début il y avait un attelage qui attirait un peu, les gens disaient : « Oh, Bolloc’h et Solo qui se retrouvent après tant d’années séparés l’un de l’autre !» Mais si c’est juste une curiosité de façade et que la pièce ne suive pas derrière…Vous savez, au théâtre le public est impitoyable, c’est le bouche-à-oreille plus que n’importe quel autre support (cinéma, télé) qui permet d'entraîner des gens dans une salle. Au théâtre, au bout d’un moment, si les gens viennent et qu’ils ont impression d’être trompés un peu sur la marchandise, ils ne viennent plus, ça se sait très vite, vous pouvez toujours faire de la publicité, aller sur les réseaux sociaux…Mais il y avait une promesse, et elle est tenue parce que la pièce est très drôle et en même temps assez sarcastique, c’est le moins que l’on puisse dire, et qu’elle remue un petit peu au niveau des idées. Elle peut même choquer certaines personnes, c’est ce mélange-là qui fait que le succès est là, un peu aussi grâce à notre talent et à nos partenaires. A la baguette c’est quand même Jean-Luc Moreau, qui a fait plus que ses preuves, et Eric Assous qui depuis des années enchaîne les Molières et les pièces à succès. Effectivement nous sommes partis avec de jolis atouts. Maintenant, quand vous avez tous ces atouts, vous avez encore moins le droit de tromper les gens et de les décevoir. La tournée se présente sous les meilleurs auspices, et c’est pour ça que nous sommes très heureux. »

Etre amuseur public, ou à l’inverse porté sur la gravité, qu’est-ce qui vous attire le plus ?

«Je ne suis attiré que par les projets. La comédie est évidemment quelque chose de plus technique, qui demande plus d’exigence. Il y a beaucoup plus de mauvaises comédies qui me tombent des mains, que l’on m’envoie et que je refuse, que de drames. Comme j’ai une propension à la comédie, depuis quelques années je fais plutôt des films un peu plus sombres parce que c’est là que je trouve le plus de satisfactions, et scénaristiques, et en tant qu’acteur. Maintenant, c’est vrai qu’on n’a pas tous les jours la chance de lire une comédie de la tenue de L’heureux élu, ou de quelques films que j’ai pu faire, Comme La Vérité si je mens pour prendre un exemple célèbre, ou de l’émission Caméra Café telle que nous l’avions conçue Yvan et moi. Je tombe souvent sur des comédies que je trouve paresseuses, scabreuses, un peu feignantes, faciles, lourdingues. Ce n’est pas tous les jours que l’on tombe sur des comédies comme Intouchables, 9 mois ferme, Victoria, etc. , des comédies comme ça. Autrement, j’ai une vraie appétence pour la comédie, mais justement avec plus d’exigence pour elle que pour le drame. Et pour l’instant, depuis quelques années, tant au théâtre qu’à la télévision ou un peu au cinéma, je suis plus tourné vers le drame. C’est pour ça que je suis très content de faire L’heureux élu, car elle mène très habilement le destin très contrarié d’un homme pris dans une sorte de tragédie intérieure qui est la jalousie qui le dévore, l’empêche d’être lucide et objectif, et en même temps c'est un personnage qui se réfugie dans l’alcool. Mon ivresse montant au fur et à mesure de la pièce, me donne tout d’un coup le courage que je n’ai jamais eu. Les gens rien beaucoup, et je crois que le personnage de Jeff est touchant pour ça, car il est dans un drame personnel terrible, mais qui fait rire celui qui l’observe. C’est le secret de la comédie : jouer avec la plus grande sincérité un drame qui apparaît léger aux yeux des spectateurs, et c’est là que vous êtes le plus drôle. Quand Charlie Chaplin se cassait la figure mais gardait son visage extrêmement triste et mélancolique, c’est là où il nous faisait le plus rire. C’est le grand exemple vers lequel on doit tendre, c’est-à-dire jouer la comédie avec un semblant de vrai. »

Vous avez une multitude de casquettes, laquelle vous convient le mieux ?

«Si la loi m'obligeait à effectuer un choix, si on me disait que je n'avais plus le droit d'être producteur, réalisateur, etc., je choisirais acteur. Je crois que l'expression la plus exaltante de mon métier, c'est être acteur, même si comme Michel Bouquet le dit, l'expression la plus paresseuse de toutes les strates artistiques, de tous les métiers artistiques, est celle de comédien, parce que nous recréons ce qui a déjà été inventé par de grands auteurs. Mais je pense que c'est de la fausse modestie de la part de Michel Bouquet, parce qu'il va interpréter un texte d'une manière si différente d'un autre comédien, que tout à coup vous avez l'impression d'avoir une pièce différente. Dans le roi se meurt, L'avare de Molière, Tartuffe ou Le misanthrope, il le fait différemment d'autres comédiens, et pourtant c'est le même texte.  Mais notre premier devoir est d'être au service d'un texte, ensuite de nos partenaires, vous n'êtes que le réceptacle de l'expression de votre partenaire pour pouvoir être le meilleur possible, et aussi de la vision d'un metteur en scène ou d'un réalisateur en fonction du support, que ce soit le cinéma ou la télévision. Donc c'est quand même effectivement une école d'humilité. Maintenant les comédiens ont un ego, et à nous de le mettre au service de notre art, et pas de nous-mêmes. J'y suis très attentif, et quand je donne des cours, je demande à mes jeunes élèves d'être très attentifs, aussi. »

Hormis L’heureux élu, où vous regarder et vous entendre ces temps-ci, et vers quoi tendrez-vous à l’avenir ?

«Pendant que je serai en tournée avec L'heureux élu, il y a une très, très belle série que j'ai coproduite et coécrite, qui va passer sur France 3 courant octobre ou début novembre, trois mardis de suite, et qui s'appelle L'accident. Il s'agit d'un homme qui vient de perdre son épouse dans un accident de voiture. Il est persuadé, ce petit bonhomme anonyme qui a une petite entreprise de BTP, que sa femme n'est pas morte d'un accident, mais il est bien le seul à en être persuadé. Donc c'est l'enquête solitaire d'un homme désespéré qui va tenter de rendre l'honneur perdu à sa femme. Il est hanté par le fantôme de sa femme, que tout le monde accuse d'avoir créé cet accident sous l'emprise de l'alcool, mais lui il est dans son for intérieur, même si tout accuse sa femme d'avoir provoqué cet accident. Il a enquêté et est allé au plus profond de lui-même pour découvrir des secrets inavouables. C'est tiré d'un magnifique roman américain, dont j'ai acheté les droits il y a quelques années. Après je serai au Théâtre de l'Atelier dans une pièce très sombre qui s'appelle Baby, mise en scène par Hélène Vincent. C'est une pièce américaine mise en scène par Jodie Foster, Il y aura Isabelle Carré, Camille Japy, Vincent Deniard et moi-même, à partir du 16 janvier prochain. »

Votre meilleur souvenir artistique ? Et le plus mauvais ?

« J'en ai tellement, tellement ! C'est très difficile de faire un choix...Peut-être que la première fois où enfin après dix années de galère, quand j'ai entendu « Silence, Moteur, Action ». C'était sur le film Tom est tout seul, de Fabien Onteniente.  C'est le premier réalisateur qui m'a donné confiance, et qui m'a dit : «Montre-moi un peu ce que tu sais faire ». Le jour où aussi Yvan m'a découvert dans le public en train de faire la claque en me disant : « Viens voir un peu ici... » Depuis ce jour-là je n'ai jamais cessé de travailler. C'était en 1989, Ardisson et lui ont décidé de me garder. Les plus mauvais, ce sont peut-être les fois où je me suis retrouvé à faire des choix contre ma volonté, contraint et forcé, car il fallait remplir le frigo, mais c'est comme ça dans tous les métiers. A faire une émission de télé alors que je n'avais pas envie d'y être, tenir des propos alors que je n'avais pas envie, mais par devoir, par obligation, parce que je n'avais pas le choix. Je pourrais en dire d'autres de mauvais, comme de bons souvenirs. »

Qu’est-ce qui vous agace dans la vie sociétale ?

« On fait un métier public, donc quand on vous demande, sous prétexte que nous sommes des personnages publics, que l'on vous force à faire des choses alors qu'on n'en a pas envie, des choses que l'on n'oserait pas demander à quelqu'un, comme ça dans la rue. De devoir être aimable, souriant, etc. car si vous ne le faites pas, on vous soupçonne d'avoir la grosse tête . On n'a pas parfois le droit d'avoir trop d'humeurs lorsque nous sommes en représentation publique, alors que chacun d'entre nous a ses humeurs. Il y a un court-métrage qui dit que des journées méritent qu'on leur casse la gueule. Vous êtes en fin de journée, vous avez fait de mauvaises rencontres, une journée chiante, quoi, personne ne vous demandera rien.En revanche, si vous êtes connu, on dira : « Eh ben dis donc vous tirez la gueule ! ». On est jugé alors que nous sommes comme tout un chacun. On ne peut pas être en représentation permanente, alors qu'on a simplement envie d'être tranquille. « 

Les renseignements pratiques

Des places sont vacantes, à 37,00, 47,00 et 57,00 euros. Infos auprès d'A Chalon Spectacles (03.85.46.65.89, [email protected]). Points de vente : www.les-theatrales.com, l'Office de tourisme du Grand Chalon (4, place du Port Villiers à Chalon, 03.85.48.37.97), FNAC (www.fnac.com, 0 892 68 36 22), Magasins carrefour (www.spectacles.carrefour.fr), Géant, Magasins U...

 

Crédit photo : Bernard Richebé Propos recueillis par Michel Poiriault

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