Chalon sur Saône

Jérémy Ferrari, une bête de scène aux vérités assassines...

Jérémy Ferrari, une bête de scène aux vérités assassines...

Jamais l’impayable Jérémy Ferrari n’aura courbé l’échine devant le politiquement correct. Pas le genre de la maison. Au contraire, samedi soir en la salle Marcel-Sembat de Chalon-sur-Saône, l’humour clivant de l’artiste a d’entrée de jeu repoussé les limites de l’acceptable pour qui se cloître dans sa zone de confort, en tout bien tout honneur. Vilipender, certes, toutefois dans les règles de l’art

Une palanquée de piques peu ou prou sans foi ni loi

Deux heures dix durant le feu follet-boule de nerfs-trublion se sera aventuré dans des contrées très marécageuses aux relents nauséabonds, avec cependant toujours chevillée au corps la dévorante envie de prendre le contre-pied des situations désolantes, afin que ses coups d’épée soient instantanément la risée des entendants. Bien qu’imbibés de dramatisation la plupart du temps, ses traits d’esprit, corrosifs et cyniques, rencontraient l’adhésion d’un public averti, perspicace quant à la façon d’ingurgiter nullement au premier degré une liste longue comme le bras de faits et gestes douteux au premier abord. Jérémy va loin. Très loin, n’hésitant pas à parodier la tragédie du Bataclan.« Je veux que mon public meure avec de la classe. Généralement ils (les terroristes) attaquent du fond de la salle. Les gens du fond, perdus pour perdus, faites barrage… » Vivant, enlevé, cadencé, son spectacle « Vends deux pièces à Beyrouth » qui n’a poussé ses premiers vagissements qu’au terme d’un long travail de documentation, trace son sillon sans jamais se dévoyer, ce dans l’inconsistance. Ses parents, la pauvreté, Dassault, la police équestre, les attentats perpétrés par les frères Kouachi , le monde musulman, le conflit israélo-palestinien, Daech, Al-Qaïda, la formation des terroristes, le 11 septembre 2001…ont fait les frais de son humeur…massacrante. Oeil pour œil, dent pour dent. « Je ne défends personne, moi d’ailleurs personne ne me défend », a-t-il  jeté en pâture. Même ses aficionados en ont pris pour leur grade, c’est dire ! «Vous les cons, les petites gens, les exclus de la réussite », une manière jusqu’au-boutiste de n’épargner personne, lui y compris. Ses insinuations ou condamnations prennent racine sur du concret. « N’importe quel président qui déclenche la guerre dans le Monde remonte dans les sondages… » Les dénigrements sont allés grand train. «Je vais vous résumer les ONG en trois mots : honnêteté, honnêteté, honnêteté. » Et d’épingler « Action contre la faim » qui, à force d’ajouts successifs, présente un excédent de quarante millions au plan comptable, arguant que c’est pour se prémunir en cas de coup dur…Dans les travées on lui a su gré de détourner à leur profit quantité de choses, qui, tout bien considéré, n’étaient pas des paroles en l’air, ni des messages subliminaux. Encore fallait-il avoir la faculté de rire sans être bloqué par les garde-fous d’une éducation droite comme un i…Au bout du bout Jérémy Ferrari a reçu une standing ovation. Preuve s’il en était que les spectateurs avaient su séparer le bon grain de l’ivraie, adoubant en quelque sorte le personnage pour l’ensemble de son œuvre.

                                                                                                          Michel Poiriault

                                                                                                          [email protected]