Chalon sur Saône

Mastodontes à la force tranquille, mais en même temps si vulnérables, les baleines de l'Atlantique nord comme si vous y étiez

Mastodontes à la force tranquille, mais en même temps si vulnérables, les baleines de l'Atlantique nord comme si vous y étiez

Ingénieur écologue, Alain Desbrosse a eu l’opportunité de par son statut, de fréquenter le milieu fascinant des baleines. Une aubaine pour l’Association Ornithologique et Mammalogique de Saône-et-Loire, sise à Chalon-sur-Saône, laquelle l’a convié à sa table pour qu’il anime une conférence sur ces mammifères marins soumis à l’Atlantique nord. Interview pour info-chalon.com

Suite à quel contexte êtes-vous intervenu pour l’A.O.M.S.L. ?

« C’était organisé pour les quarante ans de l’association. C’est lié à mon parcours professionnel et personnel  durant lequel j’ai passé sept ans à Saint-Pierre-et- Miquelon, où j’ai eu l’occasion de pouvoir observer des baleines. »

 De quelles baleines avez-vous parlé ?

« Les différentes baleines que l’on voit dans l’Atlantique nord : rorqual commun, baleine à bosse, baleine bleue, un peu des baleines de l’Arctique : bélouga, narval, et puis baleine franche du Groenland. »

Quel secteur géographique avez-vous balayé ?

« Essentiellement le secteur de Saint-Pierre-et-Miquelon – Terre-Neuve, où j’étais, ainsi que le Spitzberg, au nord. »

Comment se portent-elles, et quelles menaces pèsent sur elles ?

« Globalement il y en a beaucoup moins qu’il y a quatre cents ans. Nos ancêtres ont copieusement tout massacré, mais bon, elles sont apparemment en train de se refaire une santé. Au niveau des effectifs, on a l’impression qu’on en observe plus au fil des années. En revanche, la baleine franche du Groenland ou la baleine franche de l’Atlantique sont des espèces qui restent en danger critique d’extinction. Il n’y a plus que quelques dizaines ou centaines d’individus. Pour les baleines franches du Groenland il y a un petit espoir, parce que l’on ne sait pas combien de temps elles vivent. Il y a des données qui disent qu’elles peuvent vivre jusqu’à deux cents ans, donc qu’est-ce que ça veut dire du point de vue de l’espérance de vie ? Quand vous êtes capable de vivre deux siècles, peut-être qu’à partir d’un petit nombre d’individus, si on leur fout la paix, elles pourront reconstituer une population que l’on n’a pas connue il y a quatre cents ans, quand nos ancêtres basques sont allés massacrer au large de Terre- Neuve.» 

Quels sont les pays exemplaires en matière de protection, ainsi que les mauvais élèves ?

« La Norvège, l’Islande, le Groenland, chassent toujours. Bon, ils chassent le petit rorqual, en termes de conservation des espèces ce n’est pas une espèce menacée. Ce sont davantage des questions d’ordres éthique, philosophique de continuer à flinguer des baleines. C’est en train, ceci dit, pour la Norvège, le Japon c’est la même chose, de lentement mourir, parce qu’il n’y a plus de débouchés. »

Que faire pour améliorer leur sort ?

« Arrêter de consommer comme des dératés, de foutre du plastique partout, qu’il y ait de la chimie agricole, en particulier, et industrielle, à tout va, dans les eaux, dans les airs. On sait très bien ce qu’il faut faire, après il faut être plus costauds que les lobbies chimiques, militaires et compagnie que l’on a en face de nous… »

Avez-vous l’impression que la population mondiale devient de plus consciente, à distance, de la présence des espèces baleinières, et des problèmes qui sont les leurs ?

«Au niveau mondial, oui, maintenant la population est pour moitié urbaine. Globalement il y a plutôt une prise de conscience ou une certaine forme de protection, ça n’empêche pas que plusieurs milliards d’êtres humains qui veulent tous consommer comme des Européens ou des Américains ça fait trop de monde sur la planète de toute manière. Ca s’appelle du développement non durable, on parle beaucoup de développement durable, mais pour l’instant c’est complètement l’inverse avec en particulier les émissions de CO2. Aux infos ils ont dit qu’on allait dans le mur le pied à fond sur le champignon. »

Quel chemin suivre pour quelqu’un qui souhaiterait participer à son humble niveau à une étude par exemple, ou simplement observer les cétacés ?

« Le plus facile pour les gens qui sont en France c’est d’aller du côté de la Méditerranée. Le simple fait de prendre un ferry pour aller en Corse vous voyez forcément des baleines et des dauphins, et puis il y a des programmes de comptage qui sont organisés sur la Méditerranée. Il y a sûrement des trucs aussi en Atlantique, mais je ne suis pas au courant. »

 

Une personnalité incontournable

Alain Desbrosse intervient depuis 1991 sur les régions Bourgogne-Franche-Comté et Rhône-Alpes. Il est doté d’une grande expérience, s’agissant des zones agricoles et des milieux humides, ainsi que de la faune et de la flore inféodées aux cultures et secteurs boisés, spécialement pour ce qui a trait à l’avifaune : il fut biologiste en ce qui concerne les populations d’oiseaux de 1983 à 1990 à Saint-Pierre-et-Miquelon, de même que pour les mammifères. Le bocage, il s’en est par ailleurs fait une spécialité, puisqu’il a réalisé une étude sur l’évolution des techniques d’entretien sur la commune des Bizots, 1942-1982, il a été nommé correspondant-formateur du réseau bocage pour Alterre Bourgogne, entre autres. Alain Desbrosse a également apporté sa contribution à la constitution de divers documents d’urbanisme, notamment sur les évaluations environnementales liées à Natura 2000, et a été l’auteur de nombreuses études d’impact de ZAC.  L’homme bûche sur les nébuleuses de la biodiversité et sa préservation. Il est expert auprès de l’UICN, ses expertises s’adressent aussi à l’Outre-mer, aux ZNIEFF de Saint-Pierre-et-Miquelon. Il a mis en place l’atlas de la biodiversité des communes de Chalon-sur-Saône et Montceaux-Ragny, fait l’inventaire des arbres remarquables de Bourgogne, assuré l’animation du groupe de travail HQE Performance pour la définition d’un indice de performance biodiversité, ainsi que la conception et l’aménagement de sentiers de découverte nature pour plusieurs communes. Administrateur et ancien président du Conservatoire régional d’espaces Naturels de Bourgogne depuis 1991, Alain Desbrosse est de surcroît guide-conférencier polaire, arctique et antarctique.

 

Photos d’Alain Desbrosse                                     Propos recueillis par Michel Poiriault

                                                                                   [email protected]