Faits divers

L'évadé de Chalon sur Saône condamné à 2 ans de prison dont 1 avec sursis

L'évadé de Chalon sur Saône condamné à 2 ans de prison dont 1 avec sursis

Les faits s'étaient déroulés le 6 janvier dernier. Il avait été interpellé à Beaune par les policiers de Chalon sur Saône après avoir semé les gendarmes qui l'escortaient au Palais de justice pour être jugé.

« Une évasion ! » Branle-bas de combat au palais le 6 janvier dernier. L'homme sortait tout juste du bureau du procureur. Il repartait menotté et escorté pour le centre pénitentiaire de Varennes. Et, en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, il devient l'homme le plus recherché de la ville. Tout le commissariat se mobilise : le genre de moment qui fait monter l'adrénaline mais aussi les heures supp, et en ces temps de sous-effectifs, de flux tendus et d'état d'urgence, cela a un coût.

« Je ne voulais pas aller en détention, 1 an, c'était trop pour moi »

Bastien a 26 ans. Une vie familiale chaotique. Il a une sœur jumelle, son père vit dans l'Ain, sa mère à Montceau. Mais sa mère a déclaré une maladie invalidante, elle est souvent hospitalisée, son père l'a fichu dehors, et Bastien, lui, vole. C'est pour des vols qu'il était convoqué le 2 janvier, mais il ne s'est pas présenté. Jugé en son absence, il est condamné à 1 an ferme : le tribunal a estimé que sa désinvolture n'augurait rien de bon. Somme tout le juge des libertés l'avait placé sous contrôle judiciaire lui évitant ainsi une détention provisoire, et voilà ce qu'il en fait. Il se rend pourtant à la convocation des gendarmes, le 6 janvier. Il est alors placé en garde à vue, puis présenté au parquet qui lui notifie le mandat d'arrêt dont il est l'objet, et le jugement rendu. 1 an ferme.

Les gendarmes l'installent à l'arrière de leur véhicule, mais pour sortir du tribunal ils doivent faire une manœuvre délicate : les deux hommes d'escorte descendent pour guider le conducteur. Bastien parvient alors à ouvrir une portière et il part en courant comme un dératé.

Courte et éprouvante cavale

Il perd une chaussure dans sa course, mais une des menottes se décroche, il retrouve l'usage de ses mains, et escalade un portail. Il entre alors dans l'enceinte d'un immeuble, rue Saint-Alexandre. Il monte, et sonne au hasard à l'une des portes. Mme X, persuadée qu'il ne peut s'agir que de quelqu'un de l'immeuble, ouvre et se trouve nez à nez avec un jeune homme hagard, qui demande de l'argent liquide, prend les baskets du mari, et file par une des fenêtres. Il saute, s'explose un genou. Il trouve une béquille de dépannage dans une pharmacie, croise « un jeune » à qui il propose 50 euros pour le conduire à Beaune, Beaune où il a loué une chambre. Sa vie est compliquée.

Des policiers surveillent justement son domicile et l'un d'entre eux y est caché : Bastien est arrêté. Le policier dira avoir eu du mal. La rébellion s'ajoute à l'évasion, à la séquestration, et à l'extorsion par violences.

Traduit en comparution immédiate le 8 janvier, il demande un délai pour préparer sa défense, le tribunal ordonne une expertise psychiatrique. Il comparait à nouveau ce lundi.

Un jean et un sweat shirt, les cheveux soigneusement coupés à ras, il est blanc et rose, il est poupin.

Du point de vue de la victime

La femme qui s'est vue enfermée dans son propre appartement n'est pas là, « pas en état, 3 mois après, d'être là ». Maître Guignard va prendre le temps de raconter à nouveau la scène, la peur, et ses effets : « Je ne regardais que mes pieds, et ses mains ». Elle présente des symptômes d'anxiété aigüe. « Il a violé son espace personnel, il l'a sequestrée, elle a perdu son énergie, son dynamisme, l'appartement est une source d'angoisse. » L'avocat prend son temps : il faut faire droit à la victime, à cette irruption traumatisante dans un quotidien paisible, fût-ce face à un jeune homme aux abois, qui a bien précisé ne pas vouloir lui faire de mal, mais qui en a fait.

Du côté du prévenu, « J'ai fait une erreur »

« J'étais seul avec le conducteur, la détention me faisait peur, j'ai pas réfléchi, j'ai couru, j'ai perdu une chaussure dans ma course et une menotte s'est détachée. J'ai escaladé un portail, je suis monté dans l'immeuble et c'est là que j'ai un peu foiré, parce que je suis entré. Elle a bien vu que j'étais paniqué, elle l'était aussi. J'avais besoin de chaussures. Je lui ai dit que je ne lui ferai rien. »

« Monsieur, vous avez connu une hospitalisation d'office, interroge la présidente.

- C'est à cause d'un simple mensonge, un problème avec les forces de l'ordre : j'ai donné un jour un autre nom que le mien, et ils n'ont pas apprécié.

- Et on vous garde 2 mois en hôpital psychiatrique pour ça ? C'est étonnant.

- Ils voyaient bien que j'étais renfermé sur moi-même, c'est pour ça. »

Un peu plus tard, Bastien déclare :

« J'ai fait une erreur.

- C'est pas une erreur, c'est une accumulation d'infractions ! contre la présidente.

- Vous voyez ça comme vous voulez, vous êtes du bon côté de la barrière. »

« Il est malade », plaide maître Sarikan, « Il s'évadait... pour rentrer chez lui ! »

L'avocat revient sur ces 2 mois passés en 2015 au centre psychothérapique de l'Ain (CPA), car si l'expertise psychiatrique faite à Varennes conclut à la responsabilité pénale du jeune homme, l'expert psychiatre précise également n'avoir en réalité pas pu faire son travail correctement, faute d'interlocuteur : Bastien reste, comme à l'audience, laconique, et pas en phase avec les enjeux des réalités. « Nous tenons à souligner que monsieur est resté en-deçà de l'examen. Il y a forcément des problèmes psychiques, nous n'avons pas pu discerner lesquels. »

En octobre 2015, Bastien est hospitalisé « dans un contexte de décompensation psychotique ». Le garçon tient parfois des propos incohérents, chez son père (qui ne le gardera pas chez lui) il s'enferme dans sa chambre, fait des trous dans les murs, et a développé des comportements obsessionnels de propreté, de rangement, et de vérifications : l'angoisse déborde, mais Bastien reste dans le déni. Son « vécu persécutoire intense » s'améliore toutefois, il peut passer en hôpital de jour, avec un traitement adapté : Bastien ne le prendra pas, la rupture sociale se double d'une rupture de soins. Bastien quitte Bourg-en-Bresse pour Montceau. Il est psychotique, il est malade. Déni, clivage, projection sur le monde extérieur de ce qui agite et angoisse son monde intérieur : « Il relève de l'affection longue durée, selon le code de la santé publique », insiste son avocat qui marque son immense regret que le service médical du centre pénitentiaire n'ait pas transmis l'épais rapport du CPA à l'expert psychiatre missionné par le tribunal. « Il s'évadait... pour rentrer chez lui ! » conclut maître Sarikan.

La mère de Bastien est dans la salle. Elle nous dira après l'audience que son fils a pour l'instant refusé tous les parloirs, mais qu'elle lui a demandé des les accepter enfin. Pendant le délibéré, la mère regarde son fils, et le fils a le regard fixé en direction du tribunal. Il est calme, et vraisemblablement convaincu que nul ne le comprend. Sur ce point il a également vraisemblanlement raison.

 

2 ans de prison dont 1 avec sursis, interdiction de paraître à Chalon

Le tribunal tiendra compte des éléments de plaidoirie, il tient compte aussi des préjudices de la victime, il tient compte également et évidemment de la gravité de la courte évasion qui mit sur le pied de guerre tout ce que la police comptait d'hommes disponibles le 6 janvier.

 

Bastien est condamné à 2 ans de prison dont 1 avec sursis assorti d'un suivi mise à l'épreuve de 2 ans. Il est dans l'obligation de suivre des soins, d'indemniser les victimes (250 € pour le policier qui l'a arrêté chez lui, et 1000 euros de provision pour cette femme qu'il a séquestrée chez elle : ses préjudices seront évalués ultérieurement). Il a l'interdiction de paraître à Chalon-sur-Saône. Il va partir en prison.

 

Il essuie ses mains moites sur son jean avant de signer les documents. Il est menotté, l'escorte ne le lâchera pas d'une semelle. « Il voudrait qu'on aille dans son monde, qu'on le comprenne, dit sa mère, mais c'est impossible. »

 

Florence Saint-Arroman