Faits divers

TRIBUNAL de Chalon - « Un colonel de l'armée est intervenu pour faire pression sur le Parquet »

TRIBUNAL de Chalon - « Un colonel de l'armée est intervenu pour faire pression sur le Parquet »

Audience d'homologation des CRPC* jeudi matin au TGI de Chalon. Monsieur M., 22 ans, en costume tiré à quatre épingle, s'avance à la barre. Il a rencontré une procureur ce matin, pour une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité* : il avait outragé, « par la parole », deux fonctionnaires de police, « allez vous faire foutre, bande de connards », dans un contexte particulier.

Monsieur M. est militaire. Il était en sentinelle à Chalon au mois de mai dernier. Pendant un quartier libre, il va boire des coups avec ses collègues, et ressort du bar, passablement éméché. Or une voiture arrive sans respecter la limitation de vitesse, Monsieur M. l'évite, mais son coude heurte la carrosserie. Le véhicule alors s'arrête net, des hommes en sortent, « allez vous faire foutre, connards » : c'était la BAC.

« J'ai mis du temps à comprendre qu'ils étaient de la police », plaide le jeune homme.

- Monsieur, vous êtes militaire, vous avez des missions proches de celles de la police. Madame le procureur a proposé une peine de 3 mois de prison avec sursis, et dispense d'inscription au bulletin numéro 2 du casier judiciaire, dit le juge. C'est une peine relativement lourde. 

- Oui, elle a tenu compte du statut de mon client, pour le B2, mais il a déjà été condamné par sa hierarchie. », précise l'avocate de la défense.
Celui des policiers n'attendait que ce moment pour développer leur point de vue, « côté off » tout d'abord : « La mission de la police est une mission de protection, ils n'ont pas à être traités comme des vauriens. », puis « côté on » : « Un colonel de l'armée est intervenu pour faire pression sur le Parquet, sur le mode 'les fonctionnaires n'ont-ils pas autre chose à faire que d'interpeller des militaires de l'opération sentinelle ?', et cela a contraint les policiers à multiplier les rapports, à s'expliquer, à se justifier. Je demande 800 € d'indemnisation pour chacun, et 500 € pour l'administration qui finance les frais de conseil juridique pour la police. 

- Mon client accepte la sanction, même si elle est sévère. Je déplore l'attitude des policiers qui viennent demander des dommages et intérêts, en se plaignant d'avoir à rédiger des rapports alors que c'est leur travail aussi. 

Le juge homomogue la peine, et condamne Monsieur M. à verser 200 € d'indemnité à chacun des policiers, et 500 € pour les frais de justice : « Les policiers sont trop souvent insultés, outragés, il n'y aura aucune impunité. Mais, eu égard à votre qualité... »

 

FSA

*La CRPC, comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, est également appelée le « plaider-coupable ». Elle ne s'applique pas aux mineurs, et ne peut concerner que les délits (crimes et contraventions en sont exclus) à l'exception des délits de presse, des délits politiques, des homicides involontaires et des violences, menaces, agressions sexuelles ou atteintes involontaires à l’intégrité de la personne, pour lesquelles une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure ou égale à 5 ans est encourue. L'assistance d'un avocat y est obligatoire. Le procureur reçoit le prévenu et l'avocat, et à l'issue d'un entretien, fixe une peine, la personne peut la refuser et passera alors en jugement. Si la peine est acceptée, elle est validée dans la foulée lors de l'audience d'homologation à laquelle le procureur n'assiste pas. La CRPC peut faire droit aux victimes, cas échéant. 
Cette procédure existe depuis 2004, et visait à désengorger les audiences, mais aussi à faire flamber les statisitiques : en dehors de cette pression (statistique), le plaider-coupable reste un gain de temps et évite la publicité des débats à certains justiciables. Au cours de l'audience d'homologation, le juge valide les peines, et ne peut ni les compléter, ni les modifier, il peut en revanche les refuser lui aussi, ce qui maintient un peu de suspens dans la tête des « CRPC ».