Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - A 18 ans, il avait foncé sur un gendarme avec sa moto à Givry

TRIBUNAL DE CHALON - A 18 ans, il avait foncé sur un gendarme avec sa moto à Givry

Il arrive que des ados aillent se confronter aux représentants de la loi pour rencontrer les limites dont ils ont besoin pour grandir, et qu’ils n’ont pas trouvé chez eux, mais celui-ci, là, du haut de ses 18 ans, a carrément, dans un instant de « panique », dit-il, renversé volontairement un gendarme, jeudi dernier à Givry, avec sa moto cross dont il avait relancé le régime plein gaz pour la peine. Les effets immédiats : un major blessé à la hanche, une comparution immédiate ce lundi 29 janvier flanqué de 4 gendarmes, dans la salle, des officiers venus au soutien d’un des leurs, et de leur corps tout entier, dont le commandant du groupement de Chalon-sur-Saône en personne.

« Vous faisiez quoi sur votre moto ? demande la présidente Aussavy au jeune homme. – Je circulais dans Givry et dans les chemins. » Il circulait en réalité sur un engin non homologué, sans plaques d’immatriculation, et sans feux. Il était presque 19 heures ce jeudi 25 janvier, il faisait nuit. Les pompiers intervenaient rue de la Gare accompagnés des gendarmes pour une odeur suspecte. Un groupe de jeunes traînait là, et Aurélien (prénom modifié) faisait le cake sur sa monture. Le gendarme qui est sur place veut faire un contrôle rapide de tout le monde, alors que la moto repartait. Lorsqu’elle revient, il traverse la rue pour lui faire signe, il sort son bâton de défense pour être davantage signalé, fait un geste du bras et invite le motard à décélérer. Aurélien fait mine de ralentir, le gendarme en prend acte, mais subitement l’engin reprend de la vitesse, Aurélien donne un coup de guidon et percute le militaire. L’homme est tombé, le jeune homme prend la fuite. 

L’enquête sera « rapide et efficace » saluera le ministère public : les identités du groupe de jeunes, leurs auditions, et surtout des visites de leurs comptes sur les réseaux sociaux. On trouve la photo de la moto, on trouve son jeune propriétaire, on l’entend d’abord comme témoin, et très vite Aurélien reconnaît tout, sauf l’intention d’avoir voulu blesser le représentant de l’autorité publique. « J’avais très peur, je ne savais pas ce qui allait m’arriver. »
Comment se représenter cela ? Que sous l’effet de la peur (sa moto n’est pas conforme à ce que la législation exige et il le sait), son « réflexe » ait été de renverser le gendarme ? L’uniforme ne l’a pas arrêté, c’est pourtant un réflexe élémentaire, qu’il plaise ou pas, comme celui de s’arrêter au feu rouge, que ça plaise ou pas. On ne réfléchit pas, on obéit à un signal qu’on a intériorisé. Eh bien ce jeudi, le jeune Aurélien, lycéen, élève de terminale pro, avec des projets d’études, dont l’établissement scolaire ne connaît pas de problèmes avec lui, jeune majeur au casier néant, n’a pas eu le réflexe de respecter et de s’incliner devant la limite que le major de gendarmerie incarnait alors, et cela « est inquiétant », dit Marie Gicquaud, substitut du procureur. 

La substitut a du mal à se représenter aussi comment on peut volontairement percuter une personne avec une moto, « sans vouloir la blesser », puisque la blessure, à quelque degré que ce soit, est, dans ces conditions, inévitable. Une des surveillantes du lycée décrit Aurélien comme « sans problème avec l’autorité », Marie Gicquaud apporte une nuance à ce tableau lisse, et démenti de toute façon par les faits de jeudi dernier : Aurélien a eu un rappel à la loi au printemps, pour port de taser. Alors, quitte à avoir peur, elle dit au lycéen qu’il encourt jusqu’à 5 ans de prison et elle requiert 18 mois, dont 10 avec sursis simple, annulation de son permis de conduire fraîchement acquis, un stage de citoyenneté et la confiscation de la moto-cross, devenue « arme par destination ». Il s’agit, dit-elle « d’assurer la protection de l’ensemble de nos forces de l’ordre qui assurent notre sécurité, et de restaurer le respect de l’autorité de la loi républicaine ». 

Personne n’envisage que le jeune majeur scolarisé et sans casier judiciaire, écope d’une si lourde peine, mais le major n’envisageait pas, lui, qu’un gamin puisse, pris par une panique diffuse et certainement la crainte de perdre sa moto, lui foncer délibérément dessus puis prendre la fuite. Aurélien est certainement très sympa, ses qualités propres ne sont pas en cause, mais il y a sûrement eu des marches de manquées sur la question symbolique (et donc réelle) de la légitimité de l’autorité publique. A quoi sert-elle ? Quelle sens elle a sur le plan collectif ? D’où tire-t-elle sa légitimité justement ? In fine, cela interroge le premier lieu où s’exerce une autorité, la famille, l’autorité parentale. Aurélien n’est pas spécialement en opposition aux forces de l’ordre, d’ailleurs il présente des excuses au major en le regardant, mais visiblement certains enjeux sont mal posés en lui, ou alors c’est juste une crise d’ado, comme maître Varlet va l’exposer pour sa défense. 

« Il n’a voulu que faire le malin devant ses copains, il y a eu un effet de groupe, ce n’est pas un voyou. Les témoins confirment que son comportement est alors de faire du bruit, d’attirer l’attention et de narguer les forces de l’ordre. Il fait ronfler le moteur sans rouler, puis il roule sur la roue arrière, il veut se distinguer. Il faut prendre en compte son intention, car les violences sont volontaires, c’est vrai, mais il n’a pas souhaité faire mal. » Damien Varlet s’oppose à ce que le tribunal, suivant les réquisitions, fasse du lycéen « un exemple », car « faire un exemple c’est toujours créer une injustice, c’est la rupture de l’égalité des citoyens devant la loi ». 

Le tribunal condamne le jeune homme à 8 mois de prison, dont 6 mois avec sursis. Il devra suivre un « stage de citoyenneté », son permis de conduire est suspendu pendant 6 mois, sa moto est confisquée. Les 2 mois de prison ferme sont aménageables, Aurélien a donc 6 mois en réserve en cas de nouvelle infraction. Sa mère éclate en sanglots.

FSA

Le tribunal ordonne un renvoi sur intérêt civil en mars, car la blessure du major de gendarmerie n’est pas encore consolidée.