Faits divers
TRIBUNAL DE CHALON - Apologie du terrorisme ou pur acte imbécile, le tribunal a tranché
Publié le 27 Avril 2018 à 07h59
Il n’était que 10h30 du matin, le 22 avril lorsqu’une patrouille de la police nationale lui a demandé, dans le centre-ville de Chalon...
Il s’est « vu en prison » dit-il à plusieurs reprises, pour justifier ses réactions. Il dit aussi n’avoir « pas besoin de soins psychologiques », ce n’est pas l’avis du ministère public. Il a un problème de logique, dans tous les cas, car vu son casier (12 mentions dont des outrages, des rébellions, des violences), ses « réactions » étaient le plus sûr moyen de finir par être incarcéré. Mohamed X, 38 ans, ci-devant « père au foyer », est poursuivi pour outrage, menaces de crime, et apologie du terrorisme, refus de se soumettre à l’éthylotest.
« C’est un imbécile » En a-t-il également l’imagination ?
Il n’était que 10h30 du matin, le 22 avril lorsqu’une patrouille de la police nationale lui a demandé, dans le centre-ville de Chalon, de baisser le son de son autoradio, ce qu’il fit, en lâchant, rapporte le procès-verbal : « pauvre France ! », puis il démarre au vert mais aurait grillé le second feu. La patrouille le contrôle, il refuse de donner son identité, « arrogant, ironique ». « Il se serait tu, plaidera maître Varlet, on n’en serait pas là, c’est un imbécile ». En a-t-il également l’imagination ? « Je pisse sur la police, sur les flics comme vous », « au nom d’Allah je vais violer tous vos enfants », « au nom de Daech, dès que je sors je me fais plaisir », « par Allah je vais me faire plaisir, France de merde », « je ne partirai pas seul, je n’ai pas peur de mourir comme un djihadiste ». On vous fait un florilège. Lles menaces furent décochées au commissariat puis à l’hôpital. Oui, on a dû l’hospitaliser : sa garde à vue devrait laisser trace un moment dans la mémoire collective du commissariat de Chalon.
Après 48 heures de dinguerie, il a regretté
Dans le box de la salle d’audience des comparutions immédiates du TGI, ce jeudi 26 avril, Mohamed X est calme, enfin calme. Il s’exprime par des « il est vrai que… » et raconte les choses de son point de vue : il ne sait plus trop quand et quoi, il n’était pas lui-même, il n’a fait que vomir après que les policiers l’aient étranglé, on lui a mis un coup de pied dans le ventre. Il ne « comprend pas ». Mais c’est vrai qu’il s’est « énervé ». Après 48 heures de dinguerie, il a enfin accepté de parler, a regretté, s’est excusé, a pleuré plusieurs fois. La décrue après la tempête. Mais c’est la tempête qui lui vaut la comparution immédiate.
En garde à vue, il fait n’importe quoi
Au commissariat, Mohamed X refuse toujours le contrôle de son état alcoolique, refuse toujours de donner son identité ainsi que ses empreintes. Il monte en chauffe, balance ses menaces, perd toute mesure. Il se met en garde, invitant des policiers à venir « se battre », il refuse, alors qu’on le place en garde à vue, de donner le cordon de son caleçon, puis finit par se mettre totalement nu. Vu son état et ses antécédents, on le surveille également par caméra. On le voit se déplacer nu comme un ver, ses derniers vêtements à la main, et se dissimuler derrière la cloison des toilettes. Puis on entend des râles. Mohamed a déjà fait une TS lors d’une garde à vue, on se précipite : il s’étranglait avec son tee-shirt.
A l’hôpital, il remet ça
La garde à vue se prolonge alors en chambre sécurisée à l’hôpital où les agents notent qu’il parvient à se dégager de ses sangles et répète qu’il est djihadiste, qu’il mourra, mais pas seul, etc. Le médecin du service corrobore les propos « violents, il parle de vengeance sur des gens au hasard », le prévenu est « connu des services pour son comportement impulsif et parfois violent ». Maître Ronfard, qui intervient pour les policiers, précise qu’il n’est pas habituel qu’on ait un rapport d’une équipe médicale. L’avocat, habitué à représenter les forces de l’ordre, précise aussi que les policiers sont venus un à un à son cabinet pour expliquer les choses, et cela aussi est inhabituel : la charge fut particulièrement forte, l’impact, réel. « Dans un contexte d’état d’urgence, il outrage et menace ainsi des policiers, rappelle le ministère public. Leur dit ‘je vais violer vos filles au nom d’Allah’, l’identification est évidente. L’intention de passer à l’acte, ou pas, n’a aucune incidence sur la qualification. Monsieur X a une haine farouche des forces de police et de l’institution judiciaire. » Le parquet requiert une peine mixte : 18 mois de prison dont 6 mois assortis d’un sursis mis à l’épreuve de 2 ans avec obligations de soins psychologiques et de travailler, et maintien en détention.
En appeler à « Allah » pour menacer d’un crime
Maître Varlet conteste la qualification d’apologie du terrorisme, pense que le tribunal devrait requalifier en menaces de crime ou délit. L’avocat s’appuie sur le code pénal et la description du délit, puis il recourt à un argument qui semble avoir fait, hélas, long feu : en appeler à « Allah », c’est comme en appeler à « Dieu », ou à « Bouddha », comment serait-ce une apologie du terrorisme ? Mais les deux qui le 7 janvier 2015 ont assassiné 11 personnes à la rédaction de Charlie Hebdo, répétaient à chaque balle tirée « Allah Akbar ». « Ce cri, écho dément d’une prière rituelle, est devenu la réplique d’un film de Tarentino. Il aurait été facile de comprendre, à cet instant, quelle fascination inspire l’abjection (…). »* Associer désormais le nom d’Allah à un crime ou à une menace de crime, c’est faire l’apologie du terrorisme.
. « Il n’a été rien d’autre qu’un guignol dans ce dossier »
Quelle fascination exercent les attentats sur l’esprit faible de Mohamed X ? « Je ne voudrais pas qu’on lui colle une étiquette », continue maître Varlet : son client, ce prévenu-là, n’a rien de radicalisé, ne s’identifie à personne, à « pas grand-chose ». Du reste la perquisition à son domicile n’a rien donnée. « Il n’a été rien d’autre qu’un guignol dans ce dossier. L’esprit de la loi de novembre 2014 n’est pas de faire condamner les guignols et les imbéciles qui veulent provoquer les policiers. » L’avocat rappelle que son client ne s’est pas rebellé (pas de violences physiques), et qu’une fois calmé, il pleurait : « il s’est vu en prison ».
C’était bien vu : le tribunal condamne Mohamed X, né au Creusot en 1980, désormais 13 mentions à son casier judiciaire, à 8 mois de prison ferme, et à indemniser 5 policiers à hauteur de 400 euros chacun. Il est maintenu en détention.
FSA
*Philippe Lançon, Le lambeau, éd. Gallimard, page 78
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