Opinion de gauche

"Sortir de l'oubli des peuples" pour Phiippe Baumel, Député de Saône et Loire

"Sortir de l'oubli des peuples" pour Phiippe Baumel, Député de Saône et Loire

Le choc du Brexit rend absolument nécessaire une refonte en profondeur du projet européen tel qu'il s'est construit depuis trente ans : dans l'oubli des peuples. Jeudi dernier, un peuple a de nouveau dit non, démocratiquement. Il faut aujourd'hui en tirer les conséquences.

 

L'heure n'est pas à donner des leçons de morale politique, à expliquer que ce vote est une erreur, une inconséquence, voire le symptôme d'un populisme xénophobe rampant, quitte pour cela à bafouer la démocratie en voulant faire retourner aux urnes ceux qui ont mal voté et qui décidément ne comprennent rien à rien... Il ne s'agit pas non plus de pousser des cris catastrophés, comme si ce Brexit était une apocalypse ; ni encore de jouer les Cassandre en prédisant ce qui va maintenant se passer.

Une chose, en revanche, est certaine : c'est tout le projet européen qu'il faut aujourd'hui repenser, sereinement. La question déborde largement le cas du Royaume-Uni et interroge tous les peuples d'Europe. Pour cela, il faut comprendre les multiples raisons de ce divorce. Il y a bien évidemment cet oubli des citoyens qui est au cœur d'une construction européenne aveugle et sourde aux voix des peuples qui la composent. Il faut aujourd'hui renouer avec la légitimité populaire, sans quoi la légitimité populaire défera l'Europe, sans états d'âme. Car ce que montre ce Brexit, c'est qu'il n'y a pas d’irréversibilité de la construction européenne, pas de fatalité historique, de sens de l'histoire contre lequel la volonté populaire ne pourrait rien. Non, cette Europe de l'austérité et de la mise en concurrence forcenée n'est pas une vérité indéboulonnable face à laquelle il faudrait s'incliner.

Ce Brexit, c'est aussi une protestation contre l'Europe économique, une Europe vécue comme le cheval de Troie d'une mondialisation incontrôlée, qui met en concurrence les travailleurs, creuse les inégalités entre ses gagnants et ses perdants. Une mondialisation qui marginalise, entretient cette insécurité, cette peur du déclassement et cette inquiétude du quotidien que ressentent de nombreux citoyens.

Nous ne voulons plus de cette Europe de l'austérité et du mépris des peuples. L'Europe que nous devons construire est celle qui associe les peuples et les protège, une Europe de l'investissement, de la croissance et de l'emploi, une Europe de la solidarité.

 

Il est aujourd'hui des voies d'évolution souhaitables pour redonner sens au projet politique européen. Il faut d'abord définir un périmètre d'intervention des politiques européennes plus restreint, mais plus approfondi dans les domaines retenus. Par exemple par l'édification d'une politique européenne de l'énergie et de l'environnement, en proposant un nouveau bouquet d'énergies pour rénover notre filière industrielle et l'orienter progressivement vers des ressources renouvelables, garantissant la protection de notre environnement et représentant un élément-clé de notre compétitivité. Plus largement, l'investissement dans un petit nombre de secteurs-clés doit être une priorité, notamment par le déploiement de fonds structurels dédiés à la recherche sur des enjeux de développement, santé, agriculture, industrie afin de renforcer notre compétitivité et de créer croissance et emplois. En complément, il apparaît nécessaire de mettre en place une solide politique européenne de protection du travail par la taxation significative aux frontières de l'UE des produits fabriqués à bas coups sociaux.

Peut-être est-il également temps de repenser le périmètre géographique de l'Union européenne et de donner corps à la vision de Jacques Delors d'une « fédération d'Etats-Nations », respectant les volontés populaires nationales. L'intégration à marche forcée d'un trop grand nombre de pays a été une erreur et un échec. Cette nouvelle construction s'articulerait autour d'un groupe de pays plus restreint, avançant plus rapidement dans une intégration validée par les citoyens. Autour, les pays aspirant à les rejoindre se verraient fixer des objectifs dont le respect serait strictement contrôlé. En effet, nous ne pouvons pas continuer à déverser la manne des crédits de l'UE dans des pays qui ne reconnaissent même pas l'Euro ou qui favorisent le dumping social...

Il est temps. Temps d'arrêter avec cette construction à marche forcée, qui n'a produit qu'un zombie institutionnel illisible et menaçant, tournant à vide, déconnecté, hors-sol. Temps de prendre le temps, et de réfléchir à l'Europe que nous voulons, car nous sommes aujourd'hui dans une impasse. Cette Europe-là sera le fruit du débat démocratique. Si nous ne parvenons pas à renouer avec une Europe protectrice et porteuse d'avenir, nous verrons ressurgir l'affrontement des nationalismes putrides et meurtriers, dont la disparition, qui avait présidé à la naissance du beau projet européen, nous semblait acquise.