Opinion de gauche

Le monde devient-il fou ?

La victoire de Trump livre ses premiers enseignements. Il ne devait pas gagner : vulgaire, machiste, raciste, incompétent…Pourtant, le milliardaire du business le plus dur, de la télé-réalité la plus botoxée, du conservatisme religieux le plus exacerbé a réussi à séduire de larges couches de la population américaine abandonnées par leurs représentants politiques traditionnels.

 

En utilisant toutes les méthodes de manipulation : l’appel à l’ignorance, la technique du bouc-émissaire, la manipulation statistique, le mensonge, le dénigrement, l’insulte, Trump a déjoué tous les pronostics et les sondages. Les médias, les experts et les politologues doivent aujourd’hui en tirer les leçons.

 

La responsabilité des politiques doit aussi être analysée. Le déferlement des politiques libérales, la dérégulation des marchés, le démantèlement des services publics et des protections sociales, l’explosion des inégalités, la promotion des thèses les plus passéistes, les crispations identitaires, ont ouvert la voie, en Europe, en Asie, en Amérique Latine et aujourd’hui à Washington, au protectionnisme le plus conservateur et le plus sectaire.

 

La victoire de Trump est un nouveau symptôme d’une crise économique et démocratique mondiale dont il n’est plus possible d’ignorer les causes. En France, les partis traditionnels de la droite républicaine et d’une certaine gauche réformiste, en benêts de la conversion libérale, de la soumission aux technocrates européens, du suivisme de la crise identitaire, ont, pour les mêmes raisons, ouvert un boulevard à l’extrême droite. L’addition risque d’être lourde dans les prochains mois.

 

Donner une perspective à ceux qui souffrent le plus et à ceux qui sont délaissés est un préalable urgent pour éviter que la maison commune France ne s’écroule sous les décombres de politiques calamiteuses qui perdurent sans jamais régler les problèmes. Il est temps de revenir aux fondements du vivre ensemble : l’éducation, la culture, la laïcité, les services publics, le barrage aux idées les plus nauséabondes.

 

N’en déplaise aux adeptes de la pensée unique et du conformisme bourgeois, il existe des alternatives économiques à l’orthodoxie libérale. Il existe des perspectives pour remplacer la faillite démocratique. Il existe des solutions humanistes pour construire un monde meilleur. Il est encore temps.

 

Aujourd’hui, au lendemain de l’élection de Trump et à la veille de l’hommage national aux victimes de tous les attentats, je pense au dernier ouvrage de Bernard Maris, écrivain, économiste, chroniqueur de France Inter, victime de l’attentat de Charlie Hebdo. Il l’avait intitulé : « et si on aimait la France ? ». Le 2 janvier 2015, il terminait son livre par ces mots : «  On est en République…quel espoir donne aujourd’hui aux enfants et aux jeunes gens, ce cri joyeux poussé par les générations de leurs parents et grands-parents ?... ».

 

12 novembre 2015

Lucien Matron