Opinion de gauche

Macron-Fillon, le libéralisme économique en son miroir

Comme un air de bonnet blanc et blanc bonnet pour les deux candidats. L’un veut moins de protection des salariés, l’autre plus de liberté pour les patrons. Revue de détail de deux projets aux visées similaires, achever la mue libérale du pays.

On n’est jamais si bien reconnu que par les siens. L’économiste libéral Nicolas Bouzou l’affirmait récemment sans crainte : « Le programme de Macron est de même nature que celui de Fillon. » Le très libéral think tank Ifrap a d’ailleurs du mal à les départager dans son évaluation des programmes économiques, tous deux « procèdent à des économies de dépenses nettes qui font diminuer le poids des dépenses publiques dans le PIB ». Il préfère finalement Fillon, « le seul candidat à opter pour une stratégie de baisse des prélèvements obligatoires ». Nicolas Bouzou concède que « si Emmanuel Macron prévoit à ce stade beaucoup moins d’économies que François Fillon, c’est sans doute qu’il anticipe plus que lui la résistance des Français en cas de réformes trop radicales ». « Le programme d’En marche ! est tout sauf déraisonnable », note de son côté Gaspard Koenig, du think tank Génération Libre.

Comment ne pas donner crédit à François Fillon quand, cri du cœur, il s’exclame que Macron « copie » son programme ? Bouzou, encore, distingue bien que Fillon « n’accompagne pas sa politique d’un plan d’investissement conséquent », que Macron met « beaucoup plus l’accent sur la transition écologique », pour conclure que « les deux programmes se distinguent principalement par leur dimension », en ce qui concerne la réduction de la dépense publique.

Si Emmanuel Macron verrait bien ubériser la société tout entière, Fillon n’est pas en reste. Celui qui a été aux premières loges pour la création du statut d’autoentrepreneur va plus loin dans son programme, et propose un « contrat de trois ans pour permettre de travailler pour des entreprises sans que l’administration vienne transformer ça en contrat de travail ». Les plateformes, dans le collimateur de l’Urssaf pour travail dissimulé, apprécieront.

Pas d’angle mort dans la surenchère

Même dans les angles morts de leurs programmes, les deux se rejoignent : sur l’évasion et la fraude fiscales, Emmanuel Macron veut « alourdir les sanctions » sans plus de précisions qui inquiéteraient les multinationales et les fraudeurs, tandis que François Fillon n’en fait pas mention dans son programme. La seule fraude qui l’intéresse est celle à l’assurance-maladie, marginale. Comme s’il n’y avait aucun problème à voir filer 80 milliards chaque année.

Alors, n’y aurait-il que des différences de style, de degré seulement entre ces deux candidats ? Austérité, libéralisation, stigmatisation… Nous avons  passé en revue les points saillants de leurs programmes économiques. Au jeu des différences, il faut avoir l’œil aiguisé.

  • Une même méthode autoritaire

Sans doute échaudés par les luttes contre la loi El Khomri, les deux candidats, qui veulent conserver, voire amplifier les contre-réformes de la loi travail, prévoient de passer outre le Parlement pour défaire les droits des travailleurs et n’excluent pas d’employer la même méthode sur d’autres sujets. Macron n’a d’ailleurs que récemment avoué qu’il y recourrait, tandis que Fillon avait annoncé la couleur dès mars 2016 en prévoyant une « blitzkrieg ».

Emmanuel Macron, le Journal du dimanche, le 9 avril 2017 :

«  Je souhaite introduire dès l’été un projet de loi d’habilitation pour simplifier le droit du travail et décentraliser la négociation. (…) Le tout par ordonnances, pour procéder de manière rapide et efficace. » (Le Journal du dimanche, le 9 avril 2017.)

François Fillon à la Fondation Concorde, le 10 mars 2016 :

«  J’utiliserai tous les moyens que donne la Ve République : le 49-3, les ordonnances, les votes bloqués. » (À la Fondation Concorde, le 10 mars 2016.)

 

  • La purge comme seul horizon

À première vue, la purge promise par Emmanuel Macron (60 milliards d’euros) est moins brutale que le choc à 100 milliards de François Fillon. À première vue seulement. Des économistes ont levé un lièvre. 60 milliards, c’est bien l’équivalent d’une baisse de 3 points de PIB… mais sur un an seulement. « Sur cinq ans, le total des baisses de dépenses est, en adoptant les hypothèses de croissance de Macron, de l’ordre de 170 milliards », analyse Bruno Amable, professeur à l’université de Genève. Si le candidat d’EM ! veut ramener le ratio dépenses publiques sur PIB vers la moyenne de la zone euro, « il faudrait baisser les dépenses maladie de 42 milliards, et non de 15 milliards, et celles de l’assurance-chômage de 28 milliards et non de 10 milliards ». Elle est belle, la magie des chiffres !

Emmanuel Macron dans les Échos, le 27 février 2017 :

«  Le poids de la dépense publique devra être progressivement ramené vers la moyenne de la zone euro. Je prévois donc une baisse de 3 points de la part des dépenses dans la richesse nationale. Cela représente 60 milliards d’économies. »

François Fillon lors de sa visite à Sophia-Antipolis, le 12 janvier 2017 :

« Moi, je n’avance pas masqué, je suis clair sur mon projet. Emmanuel Macron veut aussi baisser à 50 % du PIB la dépense publique. C’est ce que je propose, c’est 100 milliards et cela fait hurler. »

 

  • Punir les chômeurs

Les deux libéraux veulent radier au plus vite les demandeurs d’emploi. Ils souhaitent aussi que l’État reprenne la main sur le système d’assurance-chômage (Unedic) – « à défaut d’accord » pour Fillon – alors que le patronat et les syndicats le gèrent. « Pour sauver l’Unedic », le Sarthois va encore plus loin en annonçant une baisse accrue des allocations, au fil du temps.

 

 

 

François Fillon, projet officiel :

«  Responsabiliser les demandeurs d’emploi en rendant obligatoire la motivation d’un refus d’emploi et en sanctionnant un deuxième refus insuffisamment motivé. »

Emmanuel Macron dans les Échos, le 23 février 2017 :

« On pourra refuser une offre d’emploi mais pas deux. »

 

  • Le statut des fonctionnaires en ligne de mire

Fillon comme Macron comptent sabrer drastiquement dans les effectifs de fonctionnaires, au détriment de la collectivité. Le premier promet la suppression de 500 000 postes. Le second, 120 000, dont 70 000 dans les collectivités territoriales. Sans en préciser davantage, les deux candidats menacent ouvertement le statut de la fonction publique. Ils s’entendent aussi pour réintroduire la journée de carence pour les agents malades (deux journées pour Fillon, contre une pour l’ancien banquier d’affaires).

Emmanuel Macron dans les Échos, le 23 février 2017 :

« Les protections légitimes des fonctionnaires ne justifient pas d'avoir des droits exorbitants. »

François Fillon dans Acteurs publics, le 9 février 2017 :

«  Je n’ai jamais envisagé de supprimer le statut des fonctionnaires (…) mais nous en reverrons progressivement le périmètre, en assumant que le contrat puisse être un mode de recrutement complémentaire au statut. »

 

  • L’impôt sur la fortune: à tuer absolument

Alors qu’ils contribuaient à hauteur de 5,2 milliards d’euros dans les recettes de l’État en 2015 à travers l’ISF, les riches risquent d’être encore davantage épargnés avec Macron et Fillon. Le candidat d’En marche ! ne souhaite plus ponctionner les actionnaires au motif que les actions, parts et titres d’entreprises « servent » l’économie. Quant à François Fillon, il prévoit sa suppression pure et simple, en invoquant lui aussi le « découragement » (jamais démontré) de l’investissement en France que provoquerait cette taxe, et veut remplacer « les mécanismes de déduction existants sur l’ISF (qui financent les entreprises innovantes ou les fondations) par des mécanismes de même nature s’appliquant à l’impôt sur le revenu ». Avec le programme de l’un ou de l’autre, les coffres des puissants sont bien gardés.

Emmanuel Macron, programme d'En marche ! :

« L’ISF ne concernera plus l’investissement qui sert l’économie (actions, parts, titres d’entreprises). Il sera remplacé par un impôt sur la fortune immobilière. »

François Fillon, projet officiel :

« Supprimer l’ISF dès 2018 pour garder en France des capitaux qui seront investis dans des entreprises françaises et qui créeront des emplois en France. »

 

 

  • L’arnaque du «salaire net»

C’est une double arnaque. Car ces candidats ne disent jamais qu’ils obligeront les employeurs à augmenter les salariés, comme ils disent. Et le salaire brut, c’est aussi du salaire ! Du salaire socialisé et différé, certes, mais du revenu sonnant et trébuchant lorsqu’on est au chômage ou en arrêt maladie. La compensation de cette baisse par une TVA sociale (Fillon) ou une hausse de la CSG (Macron) a un autre effet pervers, celui de voir les droits sociaux transformés en prestation universelle non contrôlée par la Sécu, et donc par les travailleurs, et dont le niveau pourrait facilement baisser à l’avenir.

François Fillon, programme officiel :

«  Mettre en place un abattement forfaitaire généralisé des cotisations sociales salariées, ce qui permettra une augmentation immédiate des salaires nets sur la fiche de paie de l’ordre de 350 euros par an par salarié (700 euros par an pour un ménage où les deux travaillent). »

Emmanuel Macron, programme d'En marche ! :

« Nous augmenterons le revenu net de chacun, en réduisant les cotisations sociales. Par exemple, si l’on gagne 2 200 euros net par mois, ce sera 500 euros net supplémentaires par an. »

 

  • Un droit du travail piétiné

Il n’y a pas qu’en matière prud’homale que les deux sont en phase. Fillon veut « lever le verrou des 35 heures » pour parvenir à 39 heures. Ce qui fait travailler, sur une carrière entière ininterrompue, l’équivalent de trois ans de plus. Macron souhaite en apparence conserver la durée légale du travail à 35 heures dans la loi, mais renvoie « à l’accord de branche, l’accord d’entreprise la possibilité de négocier d’autres équilibres ». Un deuxième étage à la loi El Khomri, en sorte.

Emmanuel Macron, programme d’En marche! :

« Nous instaurerons un plafond et un plancher pour les indemnités prud’homales pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. »

François Fillon, projet officiel :

«  Je veux faire disparaître la peur d’embaucher. Pour cela, il faut (…) sécuriser la rupture du contrat en plafonnant les indemnités prud’homales. »

 

  • Une «flat tax» pour soigner le capital

Milton Friedman serait heureux de voir Fillon ou Macron l’emporter. Car ils ont tous les deux remis au goût du jour une « flat tax », promue par l’inventeur du néolibéralisme, pour offrir un nouveau « bouclier fiscal » aux détenteurs de capitaux. L’imposition sur les dividendes, les intérêts bancaires et autres plus-values ne pourraient excéder un taux uniforme de 30 %. L’objectif de taxer les revenus du capital comme ceux du travail, affiché un temps par François Hollande, est abandonné. Pis, cela signifie que, désormais, pour les capitalistes, le taux d’imposition n’augmenterait plus selon le revenu. Si un patron du CAC 40 voit ses dividendes exploser, aucune mesure fiscale ne viendra corriger cette hausse de profit. Les inégalités peuvent prospérer avec ce nouveau cadeau aux ultrariches, qui va coûter 3 milliards d’euros aux contribuables.

Emmanuel Macron, Les Échos, le 23 février 2017 :

« Un prélèvement forfaitaire unique au taux de l’ordre de 30 %, prélèvements sociaux inclus pour tous les revenus du capital : intérêts, loyers, dividendes, plus-values, etc. Cela (...) simplifiera considérablement la fiscalité du capital. »

François Fillon, projet officiel :

« Un taux unique d’imposition des revenus du patrimoine à 30 % pour favoriser l’investissement. »

 

L’autonomie, un autre point commun

« Préserver l’école de la République, c’est notamment donner plus d’autonomie aux communautés pédagogiques », a clamé Emmanuel Macron, quand il a visité une école à Hellemmes (Nord). Il se trouve sur les mêmes positions que François Fillon, qui veut, lui, « une plus grande liberté, une plus grande autonomie (…) laissées aux établissements scolaires ».  Une logique de la compétition et de la concurrence qu’ils souhaitent tous deux approfondir à l’université. François Fillon compte offrir une « autonomie pédagogique et budgétaire », quand Emmanuel Macron envisage une liberté de recrutement dans les facs, où une sélection pourra être imposée dès la licence.

Blanc bonnet ou bonnet blanc, voilà le choix que vous aurez au second tour si vous votez pour l’un ou l’autre.

Ne parlons pas de la candidate de l’extrême droite qui, elle, cumule les propositions de ces deux candidats avec en plus le racisme et l’antisémitisme qui sont toujours le terreau de son programme.

 

Un seul candidat a une autre vision et un autre projet pour le pays : Jean-Luc Mélenchon. C’est pourquoi nous votons et nous appelons à voter pour lui.

 

 

Parti Communiste Français