Saône Doubs Bresse
Ecuelles : Pierre Vaux symboliquement de retour chez lui
Publié le 04 Octobre 2017 à 12h43
Lors d’une poignante cérémonie en l’hommage de l’instituteur victime de l’une des plus criantes erreurs judiciaires à la française, durant laquelle a été inauguré un parcours en sa mémoire, Pierre Vaux, mort au bagne de Cayenne et dont aucune photographie ne subsiste, est en quelque sorte, symboliquement en tout cas, revenu chez lui, à Ecuelles.
Au début du Second Empire, la commune de Longepierre est frappée par une série d’incendies criminels, qui détruisent de nombreux bâtiments et font deux morts. Très vite, deux personnes se retrouvent accusées d’en être à l’origine : l’instituteur Pierre Vaux et Jean-Baptiste Petit, dont le républicanisme hérisse le conservatisme des notables de Longepierre. Le premier exaspère parce que, « hussard de la République » avant le fameux mot de Charles Péguy, celui-ci s’est montré particulièrement pugnace pour que les enfants déshérités de Longepierre puisse bénéficier gratuitement d’une instruction. Il exaspère d’autant plus que, élu maire de la commune, celui-ci a résisté aux tentatives de remise en cause, de la part des notables locaux, du partage des communaux, mesure adoptée sous la Révolution française (loi du 10 juin 1793) pour « restituer leurs droits aux Français et anéantir les usurpations du régime féodal », comme l’on disait alors sur les bancs de la Convention. Ce qui lui vaudra d’ailleurs d’être classé parmi ceux que l’on qualifiait de « rouges » ou de « partageux », termes à fortes connotations péjoratives. Surtout pour ceux qui les emploient.
Accusés, Pierre Vaux et Jean-Baptiste Petit ont beau protester de leur innocence, ils sont condamnés le 25 juin 1852 aux travaux forcés à perpétuité, puis déportés comme le seront plus tard les « Communards », déportés, eux, en Nouvelle-Calédonie.
Problème : une fois Pierre vaux et Jean-Baptiste Petit derrière les barreaux, les incendies reprennent à Longepierre… Si bien qu’il faut se résoudre à trouver de nouveaux coupa…, pardon : suspects.
Au bout d’un moment, un certain Gallemard est finalement confondu. Mais comme celui-ci se suicide en prison, « ceux que l’on sait désormais être innocents ne sont pas blanchis pour autant » (Louis Devance). Et ils ne le seront pas avant le début d’une autre affaire dans laquelle un autre innocent, le capitaine Dreyfus, sera lui aussi broyé par la machine judiciaire, bien que finalement innocenté, lui aussi, en 1906, par la Cour de cassation. En effet, ce n’est que le 16 décembre 1897 qu’interviendra la réhabilitation de Jean-Baptiste et (à titre posthume) de Pierre Vaux, mort au bagne de Cayenne…
Ce n’est donc qu’à l’issue, comme l’a très bien rappelé Guy Thiebaut samedi dernier, à Ecuelles, d’une « très longue marche pour la réhabilitation » qu’une forme de justice, très imparfaite, sera rendue. Parce que cette justice ne sera jamais qu’imparfaitement rendue, des gens, ceux du comité pour la mémoire de Pierre Vaux et Jean-Baptiste Petit, se souviennent inlassablement. Leur but n’est pas, ainsi que l’a dit Guy THiebaut samedi, d’en faire des « saints laïcs » auxquels il s’agirait de vouer un culte. C’étaient « des hommes de leur temps, avec leurs défauts et leurs qualités ». Il s’agit, bien plutôt, de « célébrer leur mémoire, de leur rendre hommage ».
(Guy Thiebaut)
Pourquoi rendre cet hommage à Ecuelles, et non pas à Longepierre, où s’est concrètement déroulé ce drame historique que Guy Thiebaut sait si bien raconter les soirs d’été, en arpentant un « sentier historique » situé sur la commune ? Parce que Pierre Vaux était originaire d’Ecuelles, plus exactement de Molaise, un hameau du village. Et que c’était une façon de faire revenir chez lui celui qui est mort loin de la terre qui l’a vu naître lui et loin des siens.
(Le maire d'Ecuelles, Guy Carlot)
Et, en attendant d’acquérir la certitude qu’une certaine maison est bien celle dans laquelle Pierre Vaux a vu le jour et grandi, le parcours en sa mémoire, inauguré samedi, rappellera à tous que la commune d’Ecuelles fut le berceau de cet instituteur injustement accusé de crimes qu’il n’avait pas commis, ceci pour des raisons politiques.
Samuel Bon
(Photo de une, premier plan : à g., Guy Thiebaut ; à d., Violaine Gillet, conseillère départementale du canton de Gergy)
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