Saône et Loire

LEGISLATIVES : Quand les candidats se frottent aux réalités agricoles de la Saône-et-Loire

LEGISLATIVES : Quand les candidats se frottent aux réalités agricoles de la Saône-et-Loire

A l’initiative du conseil de l’agriculture et en partenariat avec L’Exploitant Agricole de Saône-et-Loire, creusot-infos, info-chalon, autun-infos, macon-infos et montceau-news, les candidats aux législatives ont été invités à répondre à des questions sur les enjeux agricoles.

Une plongée dans les réalités de l’agriculture de chez nous qui a permis à chaque camp d’effectuer des constats et de formuler des propositions. Pour que la main reste tendue entre agriculteurs et députés.

 
 
Ce 30 mai, le monde agricole et viticole de Saône-et-Loire faisait entendre sa voix auprès des candidats aux prochaines élections législatives. Un message que la profession entend tourner vers l’avenir en dépit du contexte de crise que traverse celle-ci. Retour.
Les candidats aux prochaines élections législatives étaient venus nombreux ce mardi 30 mai à Chalon-sur-Saône, dans les locaux de la CCI, répondant ainsi à l’invitation que leur avait adressé le Conseil de l’Agriculture de Saône-et-Loire (lire ci-dessous).
Au total, ils étaient ainsi trente-deux sur les soixante-six ayant déposé leur candidature à la préfecture. Surtout, tous les candidats des prétendants éligibles étaient présents, qu’ils soient issus des rangs d’En Marche, des Républicains ou du Parti socialiste. Toutes les formations étaient représentées en dehors de Lutte Ouvrière, du Parti écologiste indépendant et de divers autres micro partis non présents sur les cinq circonscriptions que compte la Saône-et-Loire. A n’en pas douter, les cinq futurs députés du département étaient présents, et cela quelle que soit l’issue du scrutin des 11 et 18 juin prochain.
Une mobilisation exceptionnelle et sans doute unique en son genre lors de ce scrutin ! La qualité des échanges et des efforts de concision réalisés par les candidats en faisait un moment fort pour les membres du Conseil de l’Agriculture de Saône-et-Loire pour lesquels ces élections sont une nouvelle occasion pour la profession agricole et viticole, et plus largement pour la ruralité, de tendre la main aux élus, « pour engager un dialogue constructif qui permette la meilleure défense de nos territoires et de leur économie », comme le rappelait Bernard Lacour dans son mot d’accueil.

Une mâtinée en trois temps

« Nous entendons par cette rencontre faire en sorte de rechercher entre nous une complémentarité qui bénéficie à notre agriculture de Saône-et-Loire », poursuivait le président du Conseil de l’Agriculture départementale, rappelant que cette « agriculture d’excellence est aussi une agriculture qui souffre. Et la terrible actualité de ces derniers jours l’a rappelé à tous s’il en était besoin ».
Après que David Barthe, directeur de la chambre d’Agriculture, ait rappelé aux candidats quelques chiffres clés de notre agriculture départementale (lire encadré ci-dessous) qui en font incontestablement un poids lourd de l’économie saône-et-loirienne, les travaux s’ouvraient, axés autour de trois temps forts :
1) les réponses des groupes politiques présents dans les cinq circonscriptions aux questions suivantes :
-    Elu député de Saône-et-Loire, quelle sera votre priorité pour l’agriculture du département ?
-    L’Europe, opportunité ou frein pour notre agriculture de Saône-et-Loire ?
-    Comment les employeurs agricoles peuvent-ils appliquer le "Compte pénibilité" ?
-    Une action concrète pour améliorer la place, la compétitivité de notre agriculture départementale ?
2) Témoignages et cas concrets, suivis des interventions de la salle, et des contributions des candidats au débat.
3) Enfin, un buffet était servi par circonscription électorale pour favoriser les échanges entre candidats et exploitants d’un même secteur.
Animée avec rigueur et impartialité par Alain Bollery et Cédric Michelin, tous deux journalistes, respectivement à Creusot Infos - et représentant les médias web - et à L’Exploitant Agricole de Saône-et-Loire, la matinée a permis à chacune et chacun de passer ses messages.

Agricoles et alimentaire…

Tour à tour, les candidats étayait leurs propositions autour des questions posées et des problématiques soulevées par les témoignages concrets (lire ci-dessous).
Sans jamais engager de polémiques stériles, tous illustraient leur réel intérêt pour la profession, prouvant leur volonté de travailler les questions soulevées par la profession et de tenter d’y apporter les meilleures réponses. En cela et quelles que soient les options proposées, ils argumentaient et s’accordaient en fin de compte sur la nécessité collective de reprendre la main sur des dérives qui ont floué le monde agricole et l’ont démuni de sa capacité à conserver de la valeur ajoutée au sein des filières. Et si les solutions avancées ne sont pas les mêmes, elles sont même parfois radicalement opposées, toutes témoignaient de l’intérêt qui font des questions agricoles et alimentaires des vraies questions de société, au sujet desquelles la profession a rappelé son ras-le-bol des vues caricaturales trop souvent véhiculées à tort sur la profession… Et en cela aussi, les futurs élus sont invités à "changer" le logiciel qui conduit trop souvent à apporter des réponses trop simplistes à des questions infiniment plus complexes qu’il n’y paraît à prime abord. Pas de propos caricaturaux, mais du travail ! Voilà ce qui attend manifestement les futurs députés qui pourront compter sur la profession pour travailler concrètement - et dans le sens de l’intérêt général - les dossiers de leur mandature. C’est en substance le message que Joffrey Beaudot, président des Jeunes agriculteurs de Saône-et-Loire, et Bernard Lacour leur ont adressé au nom de l’agriculture saône-et-loirienne. Une main tendue pour « travailler ensemble ».
Nicolas Durand
Rédacteur en Chef de l’Exploitant Agricole

Face à la théorie

Des interpellations concrètes

Parce que la profession n’en peut plus des débats idéologiques qui opposent plus qu’ils ne rassemblent, qui discréditent plus qu’ils n’encouragent, plusieurs témoignages et cas concrets ont été apportés aux débats pour illustrer diverses problématiques et réalités qui nécessitent des réponses rapides, pour l’heure restées en suspens…
Rapide passage en revue des interpellations.

 
Récemment installée en élevage caprin, ovin et bovin avec transformation laitière fermière à Sivignon, Stéphanie Martin est hors cadre familial. Elle qui emploie deux temps partiel vit intensément son projet, comme une véritable chef d’entreprise : avec foi et passion. Reste qu’après deux contrôles, dont le premier alors que cela faisait tout juste cinq mois qu’elle était installée et en pleins travaux, puis un second six mois après, elle apprend en mai 2016 que son dossier n’est pas éligible à la Pac pour 2015. Avec à la solde une perte nette de 25.000 € et… aucun recours ! « Comment peut-on laisser des exploitations sans aucun recours possible ? », lançait-elle manifestement éprouvée par la suite incessante de contacts, ici ou là, engagés pour tenter de faire bouger les choses. Et en vain…

 
Jeune éleveur engagé dans le syndicalisme agricole, Guillaume Gauthier mettait en avant la nécessité de doter la profession d’outils de gestion des risques. Il écharpait au passage la gestion du précédent gouvernement qui a prélevé près de 250 millions d’€ au Fonds national de gestion des risques agricoles. « Le moindre incident qu’il soit climatique, économique, sanitaire ou autre se paie cash ! », rappelait-il, avant de souligner que les Jeunes agriculteurs ont consacré leur prochain rapport d’orientation à ce thème devenu plus que majeur. Le président des JA de Bourgogne Franche-Comté appelait ainsi de ses vœux « une contractualisation qui mutualise le risque au sein des filières » et « des leviers fiscaux pour aider chacun à faire à la fluctuation des résultats selon les années ».

 
Exploitante en Gaec avec ses parents en cultures et élevage, Hélène Doussot témoignait de son vécu, de son quotidien d’exploitante mais aussi d’épouse d’artisan et de mère de famille. Des mots simples qui sonnait justes. Et si on y lisait une vraie passion et un vrai amour du métier, la jeune agricultrice n’en est pas moins lasse : « est-ce trop demander que d’espérer un revenu pour les agriculteurs ? », lançait-elle, détaillant, exemples à l’appui, la montée en puissance de la paperasserie dans le quotidien d’une ferme. Dernier en date, l’obligation qui lui est faite de réaliser le Document unique alors que l’exploitation a temporairement recours à de la main-d’œuvre salariée. « Un classeur entier à renseigner ! », sans doute le même que dans les entreprises de grande taille… « Il y a tellement de règlements et de contraintes qu’on finit par ne plus savoir si l’on est ou pas en règle ! », confiait-elle. Et d’alerter chacun qu’« une agriculture qui se meurt à petit feu, c’est aussi tout un réseau économique qui en subit directement les conséquences, déclinant lui aussi inexorablement ».

 
Agriculture et société, quelles relations ? Comment renouer le contact avec la population ? Voilà en somme les thèmes que Christophe Brenot, viticulteur en chai particulier, a choisi de mettre en avant au regard de la polémique qui agite régulièrement nombre de communes viticoles. Une carte a été signée, le dialogue est engagé, mais il ne faut pas demander l’impossible à la profession qui, par ailleurs, conduit depuis de nombreuses années d’importants efforts. Et toutes les données en témoignent. Celui qui est aussi président de l’Union viticole de Saône-et-Loire ajoutait un paragraphe sur la gestion des risques au sein des exploitations « pour pouvoir lisser les résultats pour protéger nos entreprises en cas de coup dur ». Et le risque des coups durs est bien réel : grêle, gel…

 
« Nous réclamons juste ce que les autres ont déjà ». La demande de la présidente de la section des Anciens exploitants de la FDSEA, Danièle Jaillet, est tout juste normale. Partout on parle d’équité et de justice, eh bien voilà une belle occasion de traduire les belles paroles en réalité ! Ainsi, l’ancienne viticultrice alertait-elle les futurs députés sur les réalités des retraites agricoles, sur les promesses et engagements plus ou moins tenus, et plutôt moins que plus ! On pense à l’engagement portant sur des retraites à hauteur de 85 % du Smic ou au débat sur la retraite complémentaire obligatoire (RCO) au sujet desquels Danièle Jaillet plaidait en faveur d’un « financement basé sur la solidarité nationale ». Et maintenant, les choses vont-elles changer ?


Président du comité départemental de la MSA de Bourgogne, Jean-Charles Blanchard alertait les candidats sur la situation de crise dans laquelle est plongée la profession. Au-delà, il abordait la question de la protection sociale et de son avenir.

 
Sobrement, Colette Perrot, président de la commission des Agricultrices, portait lecture de la lettre poignante que lui a remis une agricultrice, lettre publiée dans cette même édition en page 2. Ecrite avant les terribles évènements qui ont marqué et marqueront l’agriculture, cette lettre ouverte dépeint parfaitement l’ambiance et l’état d’esprit qui règne dans la profession, elle qui lançait « un cri d’alarme », celui d’une profession en danger.

Une urgence absolue : Donner du sens

« Derrière tous ces débats, il y a des femmes et des hommes  qui se battent chez eux, sur leur exploitation, et qui ne comprennent plus toujours ce que la société attend d’eux », alertait Bernard Lacour, faisant référence directement à la crise qui secoue le monde agricole et dont les traces étaient visibles tout au long de la mâtinée. Il faisait aussi référence aux attaques incessantes dont la profession ne cesse d’être la cible et sur bien des sujets, et cela à tort, faut-il le répéter.
Surtout, le président du conseil de l’Agriculture de Saône-et-Loire invitait les candidats à ne pas « opposer », mais plutôt « à réunir, à fédérer » et cela tant dans leurs propos que dans leur vision des choses. Il leur demandait sans détour d’œuvrer pour défendre et renforcer l’agriculture qui, dans notre département, compte et demeure un réel atout pour l’économie et pour les territoires. « Ne perdez jamais de vue que la quasi-totalité des agricultures mondiales sont aidées » parce qu’il s’agit de questions stratégiques comme la souveraineté alimentaire mais aussi de la géostratégie. « Notre agriculture, nous en sommes fiers, alors soyez-le aussi avec nous ».
« Nous devons donner des lignes claires aux femmes et aux hommes qui vivent de l’agriculture et qui s’y investissent au quotidien et donnent le plus souvent le meilleur d’eux mêmes », poursuivait-il, rappelant que « les agriculteurs sont des gens responsables, ce sont aussi des citoyens ». Et d’inviter à « cessez de suspecter  sans cesse le monde agricole et regardez-le comme une chance ! Une chance pour nos territoires, pour notre économie mais aussi pour notre société ».


Une dynamique réelle

 
« Chaque année, nous installons entre quatre-vingt-dix et cent jeunes dans le département », rappelait Joffrey Beaudot (à gauche sur la photo), président des JA de Saône-et-Loire, mettant en exergue le travail réalisé dans le domaine. On le sait, une profession qui ne se renouvelle pas est une profession qui se meurt, d’où les efforts portés en faveur de l’installation, du renouvellement des générations, de la transmission, mais aussi en faveur des hors cadres familiaux, lesquels sont une réalité en agriculture.
Et se tournant vers les candidats à la députation, il les invitait à « prendre en compte la condition humaine » : avant de focaliser sur le bien-être animal, et non pas que ce sujet ne soit pas important, « pensez aussi au bien-être des agriculteurs », une profession manifestement meurtrie et dont les membres « ne trouvent pas de reconnaissance dans leur métier ».

Un poids lourd de l’économie

En dépit de la grave crise qu’elle traverse, l’agriculture de Saône-et-Loire demeure un poids lourd de l’économie du département, rappelait David Barthe. Avec 15.700 actifs, dont 9.100 chefs d’exploitation, les près de 7.000 exploitations mettent en valeur près de 550.000 hectares, autour de deux filières majeures que sont l’élevage allaitant et la viticulture.
En gros, l’agriculture départementale représente près d’un quart des exploitations et des actifs agricoles de l’ensemble de la région Bourgogne Franche-Comté.
Avec un milliard de chiffre d’affaires, l’agriculture de Saône-et-Loire représente plus de 10 % du PIB (produit intérieur brut) du département, mais ce pourcentage fluctue selon les territoires et peut, localement, être infiniment plus élevé.
Reste qu’avec un revenu moyen de 15.000 € annuel, la situation économique est des plus dégradées et, selon plusieurs sources, près de 27 % des exploitations sont considérées comme fragilisées… La situation peut légitimement être considérée comme grave et sérieuse.
Et le directeur de la chambre d’Agriculture de poser quelques uns des enjeux à venir pour la profession : la question de l’accompagnement des chefs d’exploitation, celle de la captation de la valeur ajoutée par certains opérateurs au détriment des producteurs, celle de l’installation et du renouvellement des générations, ou encore la question du maintien d’un tissu rural dont l’économie est aujourd’hui marquée par les conséquences directes et indirectes de la crise agricole…

Le Conseil de l’Agriculture

 de Saône-et-Loire c’est quoi ?

Le Conseil de l’Agriculture de Saône-et-Loire est une instance qui fédère autour des problématiques communes à la profession les organisations suivantes :
-    FDSEA de Saône-et-Loire
-    JA de Saône-et-Loire
-    Chambre d’agriculture de Saône-et-Loire
-    Délégation départementale du Crédit agricole Centre-Est
-    MSA de Bourgogne
-    Fédération départementale des caisses locales de Groupama Rhône-Alpes Auvergne
Participent également aux travaux : Alsoni Conseil Elevage, l’Union viticole de Saône-et-Loire, la Fédération des caves coopératives Bourgogne-Jura, l’Antenne Saône-et-Loire de la FRCuma, AS 71, CerFrance 71, Bourgogne du sud, Téol, Charolais Horizon, Feder, Elvéa 71-58, GDS 71, Safer, le Syndicat des commerçants de bestiaux de Bourgogne et Services de remplacement de Saône-et-Loire…

Une journée Porte-voix

La FNSEA et les Jeunes agriculteurs organisaient ce 30 mai une journée Porte-voix : dans toute la France, les agriculteurs sont allés à la rencontre des candidats aux législatives pour rappeler les problématiques du monde agricole et le poids de l’agriculture sur les territoires. Interview de Jérôme Despey, secrétaire général de la FNSEA.
Pourquoi organiser cette journée ?
Jérôme Despey : tout au long de la campagne présidentielle, la FNSEA a porté à la connaissance des candidats son ambition pour l’agriculture française. Aujourd’hui, alors que le monde agricole est toujours confronté à des crises économiques dans de nombreux secteurs, que les aléas climatiques ont encore frappé, nous souhaitions avec les Jeunes agir sur l’ensemble du territoire avec une journée "porte-voix".
Quel message avez-vous fait passer ?
J. D. : nous voulions leur faire entendre la voix de l’agriculture, leur rappeler le poids de notre secteur en matière d’emploi, nos difficultés mais aussi nos propositions : sur l’Europe, qui doit être plus harmonisée, sur le fait que les producteurs doivent vivre dignement de leur métier, sur la simplification des normes, sur l’emploi, sur la fiscalité. Il s’agit aussi de montrer que la crise agricole est toujours là, même si l’actualité politique fait la une depuis plusieurs semaines.
De quelle façon ?
J. D. : à partir des treize propositions formulées par la FNSEA et JA pour les deux cents premiers jours du mandat et du manifeste des JA. Nous avons réalisé un film (qui a été projeté à Chalon-sur-Saône, NDLR) pour met cela en exergue. En effet, nous inscrivons résolument dans un syndicalisme de construction, de propositions et de solutions !