Chalon dans la rue

La machine à écrire, objet du délit

La machine à écrire, objet du délit

Dans un espace réduit des hommes se focalisent sur un unique objectif les yeux rivés sur leur instrument de torture, vu la mine défaite et l’air déconfit qu’ils affichent en permanence : aligner quantité de lettres et de chiffres sur leur antique machine à écrire. Avec leur gestuelle machinale pour partie archaïque, les représentants de la gent masculine n’ont de cesse de taper, sans mot dire, sur un clavier se tordant de douleur dans un climat austère. Cette invasion de cliquetis, les visages figés par l’effort de concentration, fait qu’ils entrent dans la peau de percussionnistes au cours d’espèces de monologues durant lesquels la litanie le dispute à la monotonie. Auditive, la prestation communautaire est la somme de duels homériques à leur manière entre l’employé de bureau et son matériel. Ce concerto à plusieurs mains finit par s’apparenter à un grand défouloir, tant la rage de vaincre en est la pièce maîtresse. Et cela ira crescendo. Jusqu’au point de non-retour. A savoir l’indescriptible chaos d’un épilogue où plus rien n’est maîtrisé, la violence inouïe dévastant mobilier et vedettes matérielles de ces duels acharnés empreints de désuétude. Une revanche des victimes expiatoires sur un état de dépendance, une forme d’esclavagisme moderne, ou bien un combat pour la suprématie ? Nul ne sait. Grandeur et décadence…Au travers de « L’orchestre de machines à écrire » le collectif Tricot est tombé de charybde en scylla dans la cour de l’école du centre. Aura-t-il éloigné définitivement le spectre du mal ?

Michel Poiriault