Chalon sur Saône
TRIBUNAL DE CHALON : Il avait la haine des gendarmes - 2 ans de prison ferme
Publié le 22 Janvier 2014 à 16h29
En cette fin août 2013 le fait-divers avait fait la une des médias locaux... Imaginez-vous un jeune homme de 18 ans qui durant trois heures tient tête à une trentaine de gendarmes, à Flacey-en-Bresse, petit village situé aux confins de la Saône-et-Loire et du Jura, de mémoire d'anciens on n'avait jamais connu cela.
Cinq mois après les faits, l'auteur de ce western, version 21e siècle, Dimitri Garnier, était jugé par le tribunal correctionnel de Chalon. Il a été condamné à 5 ans de prison, dont 3 ans avec sursis, assorti d'une mise à l'épreuve de 3 ans, avec obligation de travailler, de se soigner, et d'indemniser les victimes et avec interdiction de détenir des armes. Son permis de conduire a été annulé avec interdiction de le repasser dans un délai d'1 an. Il devra en outre payer au total 6 800 € de dommages-intérêts aux différentes parties civiles et 1 000 € au titre des frais de défense. Enfin le Tribunal a décidé son maintien en détention. Le prévenu encourait jusqu'à 10 ans d'emprisonnement et le parquet avait requis 7 ans de prison.
« On a retrouvé quarante-huit douilles »
Les faits se sont déroulés le 25 août 2013.Tout a débuté par un banal accident matériel de la circulation, survenu en milieu d'après-midi. Dimitri Garnier, qui revenait d'une fête patronale en compagnie d'un copain, a perdu le contrôle d'un Nissan Patrol, roulant à vive allure, lequel a fait un tonneau et a endommagé une haie. Au lieu de s'arranger avec le propriétaire de la haie, le conducteur est rentré tranquillement chez lui, après avoir réussi à redresser le 4x4. Ne se doutant pas que dans cette cascade inopinée il avait perdu son portefeuille contenant sa carte d'identité. Vers 18 heures, les gendarmes se sont présentés à son domicile pour lui demander des explications. Contre toute attente, le mis en cause a déclenché « un véritable état de guerre », pour reprendre l'expression de Me Jean-Philippe Morel, du barreau de Dijon, conseil des parties civiles. Dans un premier temps, au volant d'un second 4x4, il a foncé dans un véhicule de la gendarmerie, obligeant quatre gendarmes à sauter dans le fossé pour ne pas être percutés. Revenant sur les lieux quelques instants plus tard, il a tenté de percuter à nouveau un militaire, puis est descendu de son 4x4 pour donner un coup de poing à un autre militaire. « Je vais vous mettre une balle entre les deux yeux. Il y aura des cadavres partout » a-t-il crié à l'intention de la maréchaussée, avant de s'enfermer dans l'habitation de sa mère. Dans un état de surexcitation extrême, Dimitri Garnier, utilisant pas moins de sept armes de chasse, a alors tiré à quarante reprises en direction des deux véhicules de gendarmerie. « On a retrouvé quarante-huit douilles » a précisé le vice-procureur Isabelle Durnerin. Le prévenu a été finalement appréhendé chez un ami, mais là encore la perquisition, qui s'en est suivie, s'est très mal passée, les militaires ayant dû faire usage de la force.
« Le sujet n'était pas en possession de tous ses moyens, au moment des faits »
Il ne pouvait guère faire autrement. Le jeune Flacéen n'a pas tardé à reconnaître les faits. Tout en essayant de trouver des circonstances atténuantes. « Je n'étais plus moi-même », ajoutant une précision qui a toute son importance. « Je ne les aurais pas buté. Je sais trop ce que c'est de perdre un proche ». Le mis en cause faisait allusion à son père, mort brutalement dans ses bras le 26 mars 2013. « Je regrette ce qui s'est passé, ça n'aurait pas dû aller aussi loin. Je me suis senti en danger, quand j'ai vu les gendarmes, l'arme au poing ».
Après avoir indiqué que « le prévenu ne cherche pas à se défausser, à fuir ses responsabilités », l'expert psychiatre, qui a examiné Dimitri Garnier, évoque « un état dépressif pas soigné », « une ivresse pathologique avec fureur classique », envisageant même « des intentions suicidaires » et conclut « le sujet n'était pas en possession de tous ses moyens, au moment des faits ». Dimitri Garnier n'avait jamais accepté de ne pas avoir pu sauver son père, un père qui lui avait appris l’art de la chasse, en lui faisant du bouche à bouche, mais pourtant il ne prenait plus son traitement antidépresseur depuis juillet 2013. Qui plus est, le jour des faits, il avait bu une dizaine de verres de rosé. Au point d'avoir encore un taux d'1,56 g d'alcool dans le sang, quatre heures après son interpellation. Et en plus, la veille, il avait fumé un joint.
« J'ai de nombreuses raisons d'être inquiet par la gravité des faits et par la personnalité du prévenu encore entrevue à la barre » a affirmé Me Morel, qui défendait les intérêts de sept gendarmes. « A plusieurs reprises, ils ont eu peur pour leur vie. Je n'ai jamais vu une telle détermination dans le passage à l'acte ». Des inquiétudes partagées par le vice-procureur Durnerin, laquelle a mis en avant « la haine pour les gendarmes » éprouvée par le mis en cause. Rappelant ainsi que durant sa garde à vue ce dernier avait soutenu que, s'il le fallait, il n'hésiterait pas à mitrailler une gendarmerie.
Défenseur de Dimitri Garnier, dont le casier judiciaire était jusqu'alors vierge, Me Bertrand Bonnamour n'avait pas la tâche facile. Après avoir constaté que « le plateau des charges est lourd », l'avocat burgien a souligné « Mon client a adopté une ligne de conduite digne et courageuse ». Et de faire remarquer « Lorsque je suis allé le voir en prison, je pensais rencontrer une brute épaisse, un péquenaud, un cul-terreux et finalement j'ai trouvé un garçon qui assume, qui regrette, qui a de la force de caractère ». Un jeune homme de 18 ans, qui dès sa sortie de prison entend bien travailler pour rembourser les « bêtises » de ce fol après-midi d'août 2013.
Gabriel-Henri THEULOT
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