Chalon sur Saône

Le dîner de cons a refait surface avec un froid réalisme

Le dîner de cons a refait surface avec un froid réalisme

Le con n’est pas une espèce en voie de disparition, pas plus qu’une denrée rare. D’aucuns auraient tendance à lui trouver des circonstances atténuantes, quand d’autres sans foi ni loi font fi de sa fragilité psychique pour l’avaler tout cru, avec bassesse. Au « dîner de cons » signé Francis Veber en 1993, présentement scénarisé par Agnès Boury, l’un des spécimens du vaudeville en question est désigné en qualité de victime expiatoire, et ses faux-pas sont autant de prétextes à la moquerie manquant singulièrement de finesse.

De l’huile sur le feu

Editeur parisien aisé, Pierre Brochant (José Paul) et ses camarades de jeu se fendent toutes les semaines d’un repas dont la particularité est que chacun des convives soit accompagné d’un imbécile heureux de son choix. Nec plus ultra, décroche la timbale qui déniche la personne la plus accablée  par la forme éminemment élaborée d’abrutissement. En l’occurrence, François Pignon (Patrick Haudecoeur), lequel n’est pas mal du tout dans son genre, fonctionnaire du ministère des Finances côté cour, et dévoré de l’intérieur par ce satané vif engouement des maquettes réalisées au moyen d’allumettes. Justice divine, concours de circonstances malheureux ? Toujours est-il qu’en ce soir-là Pierre Brochant va devenir très vite la cible favorite de l’adversité invisible : un tour de rein qui le met sur le flanc. Son calvaire ne va pas se limiter à cette incapacité physique. Son cheminement va alors aller de Charybde en Scylla. Son épouse tire sa révérence brutalement, sa maîtresse ajoute à la confusion en passant la surmultipliée. Et au milieu de tout ça, le souffre-douleur Pignon en preux chevalier des causes perdues. Qui tente de recoller à sa manière les pots cassés. C’est-à-dire que sa peu flatteuse compréhension, loin de temporiser ou d’harmoniser les relations, s’enlise dans le marigot des erreurs grosses comme une maison. Histoire de mettre du piment dans ce déjà inextricable capharnaüm humain, les deux excellents comédiens sont rejoints par un contrôleur fiscal grand supporteur des Verts de Saint-Etienne, censé communiquer au cornard l’adresse de la garçonnière du rival. Un contrôleur d’ailleurs désireux de prendre dans ses filets le mari éconduit au regard des soupçons sur la richesse matérielle dissimulée de ce dernier. Banderille supplémentaire…

 

Des cons triés sur le volet

« Ceux qu’on sélectionne sont champions, c’est de la haute compétition. Jamais un con n’a su pourquoi il avait été invité. Plus le con est passionné, plus il a des chances de remporter la palme », a clamé un Pierre Brochant avide de sensations fortes, ajoutant que Pignon lui a été recommandé par un copain, « un grand chasseur de cons. » Mais la comédie l’a bien démontré au gré des méprises et des situations dépassant l’entendement: les choses ne sont pas immuables. Elles peuvent fort bien s’inverser, le hasard de la vie faisant que le rapport de forces joue sa partition ; le dominant endosse à son tour le rôle de con à son corps défendant, et ainsi de suite. Vogue la galère ! Au cours de la pièce Le dîner de cons est un peu l’Arlésienne : beaucoup évoqué, jamais vu ! La verdeur de l’intrigue trouve refuge dans les avant-propos, les coups de boutoir riches en rebondissements alimentant de facto en rires les quelque sept cents spectateurs présents vendredi soir à la salle Marcel-Sembat de Chalon-sur-Saône. Con d’un jour, con de toujours…

 

Gérard Jugnot le 21 avril

En ce qui concerne ces Théâtrales englobant six spectacles, il n’y a plus qu’une marche à franchir pour Pascal Legros Productions et A Chalon Spectacles : celle qui mène à « Cher trésor », pièce encore une fois de Francis Veber, avec notamment Gérard Jugnot. Ce sera le cas le lundi 21 avril à 20h30, à l’espace des arts. Renseignements/Réservations : 03.85.46.65.89 ; www.achalon.com

                                                                                           Michel Poiriault