Chalon sur Saône

Delphine de Vigan a partagé un moment de lecture à Chalon sur Saône.

Delphine de Vigan a partagé un moment de lecture à Chalon sur Saône.

Deux moments privilégiés réunissaient Delphine de Vigan et le public de Chalon sur Saône : un partage de lecture et la projection de son film "A coup sûr."

Denis Bretin, qui animait la soirée, a présenté l’auteure et posé la question rituelle qui ouvre la rencontre : par quelle lecture êtes-vous venue à l’écriture ?

Delphine de Vigan a répondu : je lisais beaucoup de bandes dessinées, et je suis passée presque sans transition de Gaston Lagaffe à Madame Bovary. Le plaisir de la lecture m’a habitée avant d’écrire, et écrire avant de devenir écrivain, ce sont deux choses différentes. Ce qui pousse quelqu’un à s’asseoir et écrire et rester des heures des mois à la table pour écrire, est un mystère. Pas du tout envie d’écrire après une lecture, pour prolonger une lecture, mais des livres que j’aurais aimé écrire oui, il y en a beaucoup, et c’est parfois inhibant.

 

Les questions du public : émotion et vérité

 

Lire un livre est un travail également, autant qu’écrire. C’est interroger l’œuvre d’un écrivain. Les questions du public se succédaient et Delphine de Vigan répondait avec fluidité, semblable à celle de ses livres de son écriture ses livres alternent comédie et noirceur. Les deux genres coexistent en elle, comme on a deux faces, comme sont le jour et la nuit. Ecrire, c’est aller vers la lumière, comme on approche de la fin du livre, il faut que cela s’ouvre.

L’auteure a tenu un journal intime avant d’écrire des romans, mais au début d’un nouveau roman, on se pose d’abord des choix comme écrire à la 1ère ou la 3e personne, quelle voix, quelle musique. Elle attache plus d’importance à la fluidité de l’écriture, elle écrit au son, et se relit les passages à voix haute. Le journal intime est une écriture brutale, elle n’est pas travaillée pour être lue. Mais certains passages sont repris et sont intégrés à un roman, par exemple dans rien ne s’oppose à la nuit, pour trouver des traces de ma mère pour les intégrer à la langue qui est la mienne aujourd’hui. Des extraits aussi du journal même de sa mère, qui avaient été destinés à être publiés bien que sans succès de son vivant, elle voulait rendre hommage à cela.

L’écrivain n’écrit pas le vrai. Une histoire personnelle, familiale, celle d’un parent, est une reconstitution, une vision personnelle, c’est une quête de la vérité, mais pas La vérité. Elle vise plutôt la sincérité.

Il y a une méta-vérité au-delà de la vérité de l’auteur, dit Denis Bretin, comme disait ma grand-mère "mais c’est vrai, ce mensonge ?"

Elle écrit dans des lieux différents au hasard des déménagements, parfois entourée de gens. Elle aime encore, quand c’est l’apéro en été, s’asseoir sur un bout de table et écrire tout en écoutant les autres bavarder et même parler avec eux. Elle a écrit au milieu du salon entourée des enfants. Plus tard, elle a eu une chambre pour écrire, un luxe qu’elle apprécie. (Virginia Woolf préconisait cela pour la femme, qu’elle ait un lieu à elle, dans "Une chambre à soi") Mais, globalement, écrire est un acte solitaire. Ceci dit, indépendamment d’un lieu, chaque livre a sa propre dynamique, son propre rythme.

Ecrire à l’os

L’écriture ne peut rien, le livre rend audible ce qui ne pouvait pas s’entendre, que vous contestez. L’écriture donne à sentir, rend le réel, donne à réfléchir, ce n’est pas thérapeutique, elle enfonce plutôt. C’est une quête de la vérité mais pas une recherche de la réconciliation.

Mais le titre du livre est important, cela résonne de façon différente pour les lecteurs. Il y a une affection émotionnelle à ses livres, chacun d’eux a une odeur, une musique, est un pan de vie.

Cela forme un tout, indépendamment de la qualité du livre et du succès qu’il a pu connaître ou non.

La première personne à lire le livre une fois écrit ? Delphine de Vigan raconte d’abord l’idée du livre à son éditrice, qui aime, elle écrit 20-30 pages, l’éditrice donne son avis, ses conseils, puis elle s’isole et écrit tout. Son compagnon lit la première épreuve, quand tout est fait déjà.

 

Comment écrit-elle ? Se lancer, ou faire un plan ? Elle construit tout en amont, plan avec flèches collages. Elle construit avant de commencer à écrire, parfois l’histoire prend une autre direction que celle imaginée, évidemment il y a les imprévus.

L’écriture naît de l’émotion, c’est le point de départ, mais on n’écrit pas avec cela, l’émotion que l’auteur éprouve est un danger, l’important est de travailler la langue, ce sont des choix constants.

(pas facile d’être fluide, il faut être portée par un flot, une vague qui inspire)

Le 1er et le dernier de mes livres sont des autobiographies. Dans le 1er, il s’agissait d’écrire à l’os, ce plaisir prenait le pas sur le reste. Dans "Rien ne s’oppose à la nuit", c’est lié à la famille et cela a suscité beaucoup d’émotions, de discussions.

 

La soirée s’est terminée sur la lecture d’un nouvel extrait, avant de se prolonger par petits groupes autour du bar ou des tables.

 

Prochaines dates :

Vendredi 11 avril : Femme disant adieu, lecture-concert avec Pascal Quignard et Lorenda Ramou, Conservatoire, 20h.

Samedi 12 avril : Flore Vasseur, 18h30 dédicace, 19h rencontre, à l’Espace des arts.

 

S.B.