Cinéma
"Le sens de l'humour"... Maryline Canto et Antoine Chappey se livrent à info-chalon.com
Publié le 18 Avril 2014 à 21h16
Un film délicat, féminin, intimiste, avec des hommes au milieu de tout cela. Un film teinté de douceur, de mélancolie, fait de petites touches, des impressions, des suggestions, d’évocations à travers la vie quotidienne, faite d’habitudes, les mêmes gestes qui se répètent chaque jour, et au milieu de cela, des moments privilégiés, petits drames, petits cadeaux, ces riens qui font bonheur et souffrance tour à tour.
Monet imprègne tout le film, par la couleur bleue omniprésente, vêtements aux tons bleus, décor, pénombre, lumières…
Maryline Canto, réalisatrice et actrice dans le rôle d’Elise, et Antoine Chappey, acteur dans le rôle de Paul, étaient présents lors de la projection du film "Le sens de l’humour" proposé par la Bobine ce jeudi 17 avril, en partenariat avec le cinéma Axel. Tous deux se sont prêtés au jeu des questions-réponses de la salle, enthousiastes de l’intérêt de la salle et de la formule de ce cinéma art et essai.
Résumé du film : Elise, conférencière au Louvre, vit seule avec son fils Léo, son mari est décédé. Elle rencontre Paul un vendeur de livres et disques aux Puces. Liaison heureuse et orageuse. Elle ne parvient pas à oublier son mari. Paul et Léo s’entendent bien, pourtant elle doute de la viabilité de sa relation avec cet homme. C’est la ténacité du garçon et de Paul qui vont finalement la convaincre d’oser revivre, et avec eux.
Ce film traite du deuil, de cet attachement, la peur d’oublier et de revivre. Mais en filigrane seulement. Car il traite surtout de ce sentiment de doute, oser faire le pas, oser cheminer aux côtés d’un autre, aller vers l’inconnu de la vie, vers le nouveau.
Ce nouveau, cet inconnu, est incarné par les enfants, son fils d’abord qui la tire vers l’avant, ouvre la porte, comme une permission tacite ; par la classe de petits de 4 ans qui viennent voir les Nymphéas de Monet à l’Orangerie. La transmission est importante pour Maryline Canto. Ce qu’on donne à l’autre, ce qu’on laisse aux enfants, ce qu’on partage avec eux.
Léo a reçu une clarinette ayant appartenu à son père, disposée en parties dans son coffret. Il tente de la monter, maladroit, n’arrive pas à assembler les morceaux. Plus tard il y parvient, signe qu’il a grandi, qu’il peut assembler les choses.
Maryline Canto fonctionne ainsi par signes, ces petites touches de vie au sein du quotidien. Les tableaux du Louvre, comme Sainte Anne de Léonard de Vinci, dont le sourire illumine la scène. Ce sourire éveille Elise : c’est le sourire de la vie, de l’enfance, d’un nouvel enfant à venir (Elise sera enceinte). Les nymphéas de Monet, ces fleurs qui s’épanouissent, qui sont à peine esquissées par quelques touches, c’est comme dans la vie, ces mouvements qui font bouger les choses, parfois trois fois rien. La vie est mouvement.
Ainsi Elise est une femme qui bouge tout le temps, elle marche, mais autant elle marche dans les salles du Musée, autant elle a besoin des autres pour la faire avancer et qu’elle fasse son chemin. On n’a cependant pas besoin d’appréhender un second degré pour apprécier et comprendre le film, il est assez transparent à ce sujet.
Mais c’est ainsi que se dessinent peu à peu les personnages, par les détails, ces non-dits qui parlent. Cela fonctionne grâce à la sincérité des personnages, et de la réalisatrice.
Il y a aussi la montre. Quand Elise retrouve la montre de son mari oubliée dans un tiroir, elle la remonte et la met à l’heure présente : c’est remettre le temps en marche, le temps de la vie, les choses continuent, elles peuvent reprendre, c’st reprendre le cours des choses.
Difficile d’être actrice et réalisatrice en même temps ?
Non, Maryline avait préparé le terrain en amont avec le chef-opérateur. Elle avait défini les plans, défini comment filmer, choisi les plans. Ensuite il n’y avait plus qu’à jouer. Maryline Canto avait envie d’incarner ces émotions qu’elle voulait voir jouer dans le film. Elle voulait être dans les émotions. C’était aussi facilité parce qu’elle connaît bien Antoine Chappey, il y a une grande complicité entre eux. Quant à Léo, le jeune garçon, elle l’avait repéré par un casting sauvage, elle voulait un enfant qui n’avait jamais joué au cinéma. Elle a pris le temps de le connaître, le rencontrant régulièrement. Elle l’attendait alors à la sortie de l’école, l’emmenait au musée et au resto. Samson alors était familiarisé avec les acteurs. Quand il a fallu filmer, tout coulait de source, naturel. La gaucherie, la maladresse de Samson, cette tristesse qu’il a dans le regard, tout cela a charmé Maryline Canto : on fait de belles rencontres au cinéma, ce sont des amis pour la vie.
Antoine Chappey a aimé voir cette complicité s’installer entre les trois. Seuls les regards, sourires, gestes, signent cela et avec le temps, cela gagne en force et en vérité. Il ne faut pas se priver de cela.
Sans le fils, les deux adultes n’auraient peut-être jamais continués à se voir ?
Les trois sont à égalité dans le film. Chacun entraîne l’autre. Dans une énergie de vie, dans un mouvement continu. Le fils apprend à Elise sa mère à aimer, s’autoriser à aimer. Quelques phrases jalonnent ce parcours : on ne voit plus Paul, fais-moi un petit frère, j’en ai marre de toi… Ces phrases ordinaires qu’on lance ainsi…
Comment la vraie maman a-t-elle pris cela, cette complicité, ces rencontres un an avant le tournage, et le film ?
Elle a joué le jeu, son fils était heureux, il réussissait bien à l’école.
Antoine rappelle que ce garçon avait 9 ans au moment du tournage, il est grand physiquement, au point que ses camarades de classe lui arrivent à l’épaule !
Samson était amateur de jeux vidéos, il croyait qu’il allait tourner dans un film de ce genre, avec aventures incroyables, il était un peu déçu au début, mais très vite il a compris ce qu’on attendait de lui et il s’est mis dans le rôle facilement. Il était aidé par Hadrien, l’autre garçon plus âgé, qui lui a dit tout de go : tu vas voir, jouer, c’est ne pas jouer !
C’est une happy end à la fin, cela a dû aider ?
On ne sait pas précisément, elle reste ouverte. C’est une fin où les choses continuent. Tout n’est pas résolu mais leur histoire continue.
Que dire de la scène où ils sont tous trois ensemble dans le métro ?
Elise se rend compte alors du lien qui unit le fils et son compagnon. Elle ne peut détruire cela. C’est par ces petites touches (petites prises de conscience) que peu à peu elle change d’attitude vis-à-vis de Paul et l’accueille mieux dans sa vie.
D’autres projets ?
Oui bien sûr. Maryline Canto éprouve beaucoup de plaisir à faire un film. C’est une expérience d’une grande force, comme une bataille. C’est une dure bataille. Il faut se bagarrer, s’acharner, être obstiné, jusqu’à la sortie du film. Mais c’est très heureux aussi, tourner est très joyeux. C’est très joyeux de faire un film.
Le sens de l’humour, de Maryline Canto, cinéma Axel, samedi et mardi, 18h45.
S.B.
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