Cinéma

CINEMA A CHALON - La Cour de Babel à l'Axel

CINEMA A CHALON - La Cour de Babel à l'Axel

Lundi soir, La Bobine, en partenariat avec l’Axel, projetait, en présence du producteur Johan Broutin et de deux collégiens qui en sont les « acteurs », le dernier film de Julie Bertucelli : La Cour de Babel [1]. Le sentiment d’Info-Chalon.

Au début de La Cour de Babel, on se dit qu’on aurait mieux fait de rester chez soi, à lire un de ces romans prometteurs qui s’amoncellent depuis des mois sur notre table de chevet : Canada, de Richard Ford [2], ou bien encore Le mec de la tombe d’à côté, de Katarina Mazzetti [3]. En effet, les films documentaires sur les chemins de croix suivis par tous ceux qui débarquent dans un pays qui n’est pas le leur à l’origine ne manquant pas, trouver la force d’en voir un de plus n’est pas forcément dans l’ordre des choses…

Mais pourtant, l’envie initiale que l’on peut éprouver, de s’en aller sur la pointe des pieds, pour ne pas encourir la vindicte d’un public acquis, venu assister en masse à la projection et prompt à crier au fascisme et à la peste brune si vous avez le malheur de ne pas abonder en son sens…Cette envie de se casser sans autre forme de procès s’estompe vite. En effet, la réalisatrice, Julie Bertucelli, sait suffisamment bien manier la caméra pour nous faire épouser la « cause » de ces adolescents d’une classe d’accueil d’un collège parisien, qu’elle a filmés pendant plusieurs mois, un peu au petit bonheur la chance, n’ayant pas préalablement conçu de scénario. Des jeunes qui, venus de Chine, d’Irlande, du Brésil, de Croatie, de Serbie, de Guinée, de Roumanie, « ont déjà vécu bien des évènements dans leur pays ». Une histoire qu’on lit dans leurs yeux souvent tristes ou humides, qu’on devine en écoutant leur voix qui, tout à coup, se casse.

Savaient-ils qu’une fois arrivés en France, une autre épreuve les attendrait : apprendre une langue qui n’est pas la leur, et dont la méconnaissance suffit à les stigmatiser aux yeux des jeunes français de leur âge, enclin au mépris, autant qu’à l’exclusion ?

Quoi qu’il en soit, pas dit qu’ils regrettent un jour l’expérience. En effet, comme l’a souligné une personne dans le public, lors du débat qui a suivi la projection de ce film émouvant dans le bon sens du terme, en fréquentant « ce monde en miniature » que renfermait cette salle de classe atypique, ils n’ont « pas appris que le Français ». Ils ont sans doute découvert qu’au-delà de la punition infligée par Dieu aux hommes pour avoir érigé la Tour de Babel – le brouillage du langage et la dispersion des humains sur la Terre -, nous sommes tous frères, même si, c’est entendu, nous ne sommes pas jumeaux. Bref, ils ont appris le sens du mot « fraternité », que la France a eu le bon goût, un jour, d’inscrire au frontispice de ses mairies.

Et que nous ferions peut-être bien, à notre tour, de découvrir. Ou plutôt redécouvrir…

 

S.P.A.B.

 

[1] 2014. Durée : 1 h 29.

Bande-annonce : http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19541945&cfilm=221636.html

[2] Richard Ford, Canada, Editions de l’Olivier, 478 p, 22 euros

[3] Katarina Mazetti, Le mec de la tombe d’à côté, Babel, (1999) 2009, 253 p, 8 euros