Pour François Lotteau, "l'Europe est une nécessité"

L'ex-maire de Rully est un infatigable écologiste. Candidat aux européennes derrière la tête de liste Sandrine Bélier, il fait le point pour info-chalon.com. Une table ronde est organisée à la Maison des Syndicats de Chalon ce lundi 19 mai à 19h.

La nécessité de l’Europe

"Les gens doivent se rendre compte de l’importance et la nécessité de l’Europe. L’Union européenne a été créée pour maintenir la paix entre les pays voisins. Même si l’Union paraît lointain, elle est essentielle, beaucoup de décisions sont prises là qui concernent la vie des citoyens de façon directe. On ne put s’abstenir de voter ni se limiter à cela, il faut comprendre un peu mieux comment cela fonctionne. Une chose importante à savoir est que depuis le traité de Lisbonne le Parlement a le pouvoir de dire non à la Commission dont les membres ne sont pas élus, ceux du Parlement oui et ce vote est celui que feront les citoyens en mai. Ils peuvent donc influencer les choix et les orientations.

L’enjeu cette fois est le TAFTA, le traité de libre échange commercial entre l’Europe et les USA. Les Usa essai de faire passer ce traité qui leur donnerait libre accès au marché et pourrait écouler ses produits. Mais les conséquences sont innombrables et catastrophiques pour les produits d’appellation, pour les marques.

Le Parlement ainsi s’est opposé une fois à la Commission sur le traité ACTA (contrefaçon de vêtement) qui était une préfiguration du TAFTA (libre échange) en cours. Si on ne veut pas que l’Europe soit tirée vers le bas à cause de ce TAFTA, il faut donner la majorité à un parti qui s’oppose à cela. Il y en a 3, le Front de gauche, le Front national mais ce sont des partis nationalistes. Europe-Ecologie est contre ce traité mais il est pour le fédéralisme, pour une Europe plus forte.

Europe Ecologie il faut une protection mais attention protection ne signifie pas isolement et fermeture. Si on veut protéger l’Europe il faut aussi protéger les travailleurs et réguler les statuts sociaux. Construire une Europe sociale par des règles de travail qui bénéficient autant aux travailleurs côté import que côté export. C’est différent d’un repli national prôné par les deux autres partis Front de gauche et Front national.
L’autre conséquence du TAFTA serait que les entreprises pourraient s’attaquer aux Etats en cas de refus d’implantation pour raison de non-respect de conditions de travail si ce refus va à l’encontre de ses intérêts comme cela se fait aux USA où les multinationales gagnent les procès sur ce prétexte. Ici cela signifierait l’autorisation de l’utilisation des marques ailleurs que dans la région ou le pays d’origine, la disparition des savoir-faire et de la qualité. Qu’est-ce que cela veut dire pour la Bourgogne ? Des vins de cépage pourraient être plantés n’importe où (droits de plantation).

La protection du bio, des appellations, des origines, doit s’accompagner d’un droit social, c’est aussi privilégier les circuits courts, la proximité, la protection du secteur".

Une Europe fédérale

"L’Europe n’intéresse pas les citoyens français dit-on. Il y a eu des débats avec les candidats européens, retransmis par les télés européennes mais pas en France. Cela est la responsabilité des médias qui ne relaient pas l’information.

C’est aussi une question d’éducation civique. Il y a une certaine conscience européenne qui existe, les jeunes en général se sentent européens. Faut-il maîtriser l’instrument européen, son fonctionnement ? Il faut au moins comprendre l’importance du vote et développer la pratique démocratique européenne.

Rendre l’Union européenne plus fédérale, pas d’emblée, petit à petit à partir du noyau dur des pays fondateurs puis évoluer aux 28. Mais surtout se donner les moyens de fonctionner avec un véritable budget spécifique. Un impôt sur les transactions financières serait un premier pas.

Si l’Europe avait les moyens de fonctionner, elle pourrait mieux fonctionner en international et surmonter les crises énergétiques par exemple comme en ce moment en Ukraine.

Cette taxe sur les transactions financières ferait évoluer les fonctions d la banque centrale sur le modèle de la FED. Pour le moment, son fonctionnement est assez opaque, une première mesure serait de défaire cette opacité et revoir les statuts de la BCE. Il faudrait aussi séparer banques de dépôt et banques d’investissement.

Le problème est la spéculation excessive. Il faudrait réguler la spéculation".

Une Europe sociale

"Une Europe sociale ? C’est proposer un salaire minimum européen, ce qui changerait la vision de l’économie, la circulation des travailleurs, la délocalisation. Cela changerait aussi l’agriculture.

Europe Ecologie défend une agriculture familiale. Il faudrait appuyer l’installation de jeunes agriculteurs et soutenir les petites exploitations plutôt que concentrer les aides sur quelques grosses exploitations qui raflent les subventions. D’autant que cette concentration serait aggravée par ce traité TAFTA et augmenterait la dépendance financière ce qu’on essaie justement de diminuer. Cela demande de réformer l’APAC. Remettre 50% des aides de l’APAC à l’agriculture paysanne alors que pour le moment 20% des exploitations concentrent 80% des aides. Il faudrait doubler les petites exploitations pour tout ce qu’elles apportent en matière d’emplois, de maintien des sols, de biodiversité, et d’environnement.

Tout cela, c’est reconnecter l’économie avec une économie réelle, contre l’excès de financiarisation de l’économie telle qu’elle est pratiquée particulièrement aux USA.

Et cela demande de réformer le mode de gouvernance vers plus d’Europe".

Un des succès d’Europe Ecologie

"Qu’a fait Europe Ecologie ? Quelle est l’utilité de voter pour ce parti ?

Dans la 1^ère mandature, Europe Ecologie a empêché le traité ACTA et a réussi à rallier les libéraux à son refus. Le traité ACTA n’a pas été voté et a été refusé. Cela donne une chance au sujet du refus du Traité TAFTA en cours de discussion.

La spécificité d’Europe Ecologie, c’est d’être à la fois pour un protectionnisme et une Europe citoyenne et d’être pro-européen".

L’Europe culturelle

"Une chose essentielle, c’est le modèle européen en matière de droits et de liberté. Il ne s’agit pas d’organiser plus de spectacles ni de parler identité, sinon de cette culture européenne de droits et de liberté. Il faudrait peut-être améliorer le statut des femmes.

Les minorités et les langues régionales sont reconnues.
L’Europe a une histoire, les histoires de ses Etats, mais il y a une histoire de l’Europe elle-même.

Il faudrait défendre et développer les logiciels libres, se dégager de la publicité et des droits à payer aux géants comme Google et Microsoft.

Il y a aussi la question des droits d’auteurs à défendre.

Ce traité TAFTA aurait aussi un impact sur la culture et sur le patrimoine".

Une Europe de la santé et une politique environnementale

"Il y a des choses à faire en matière de prévention, un principe de précaution en ce qui concerne les ogm, l’impact environnemental et la pollution.

Une politique environnementale c’est renforcer la surveillance des produits chimiques fabriqués et utilisés, ceux qui sont cancérigènes.

C’est faire reconnaître la notion de préjudice environnemental.

Un plan social avec un statut des travailleurs détachés permettrait d’éradiquer la pauvreté et la précarité et assurer une sécurité santé. (La question des Roms est un problème d’intégration, le gouvernement de leur pays doit assurer les mêmes droits qu’aux autres et permettre de sortir de la précarité.)

Il faudrait instaurer une pollutaxe".

La pensée politique et l’action

Un mot sur François Lotteau. Il a été maire à Rully où il a défendu l’écologie. C’est parfois simplement ceci, inaugurer un marché bio de producteurs locaux dans le village qui n’en avait pas. Sur la liste des Verts en région en 2010. Sur la liste régionale Europe Ecologie. Il s’est intéressé de près à la fusion Verts-Europe Ecologie. Sa sensibilité écologique remonte aux années 70, avec René Dumont. Cette année, l’écologie politique aura 40 ans d’existence et d’action. Il y aura des fêtes lors des Journées d’été et d’autres aussi en France. Cela marque. Un journal important qui l’a marqué La Gueule ouverte, il était créé par des gens de La Clayette. Il a participé aux Amis de la Terre. Sandrine Bélier dirigeait France Nature Environnement FNE pour l’Est et est devenue députée ensuite. C’est ainsi qu’on commence.

Il y a des choses à défendre sur terre. Et par de nouvelles formes de lutte comme les ZAD. Zad c’était à l’origine zone d’aménagement différé, cela concernait Notre-Dame des Landes, on en a fait Zone à défendre. Grâce aux médias et internet, la réaction est immédiate, cela permet de mobiliser le monde entier et cela a des résultats sur le terrain. Des mouvements citoyens apparaissent comme les Indignés. Mais il faut aussi que cela soit relayé au niveau parlementaire européen. Il faut les deux, l’action citoyenne sur le terrain et l’action parlementaire européenne. Ce sont des anti-partis actifs et efficaces, mais à un moment donné, ils ont besoin des politiciens et des institutions, de même les partis politiques ont besoin de gens sur le terrain. La nouvelle efficacité est la conjonction des deux.

Il y a aussi les Colibris, et d’autres mouvements citoyens semblables, des associations militantes pacifiques et a-politiques qui vivent leurs choix de vie. Pierre Rabhi a le rôle de source vive, comme d’autres penseurs -Illitch ou Gorz. Ces hommes sont dans les pas de Gandhi ou Lanza del Vasto, les premiers qui ont sensibilisé à la mouvance de vie écolo et qui y apportent une dimension spirituelle. Cela va jusqu’à Nicolas Hulot, Arthus Bertrand… Il ne faut pas perdre de vue l’utopie qui mène le mouvement, au-delà de la Droite et de la Gauche politiques habituelles. Il faut réveiller les consciences, et c’est le rôle de ces personnalités. Les associations locales aussi sont utiles et efficaces pour agir localement (dans le Morvan, contre la scierie, par exemple).

Il faut dépasser le clivage gauche-droite pour faire autre chose, faire autrement.
 

"Voilà pourquoi il faut voter. Et voter Vert. Vert pour l’environnement, pour les paumons de la planète, pour la beauté du monde, pour la qualité de la vie, pour la couleur symbolique de la paix. Vert, la couleur préférée de François Lotteau ! Le bleu aussi, c’est la couleur du drapeau européen, avec des étoiles".

Le rêve de François Lotteau pour l’Europe en cette journée de l’Europe ? "Une Europe fédérale, une citoyenneté européenne, qui défende le social, l’Europe des fondateurs"

Sa crainte ? "Le retour aux nationalismes, à l’encontre de l’esprit de la création de l’Union européenne".

Son étoile ? "L’étoile du Berger. Mais Saint François d’Assise aussi, dit-il, parce qu’il parlait aux animaux, mais aussi pour l’œcuménisme et la réconciliation des Rencontres religieuses d’Assise inaugurées par le saint pape Jean-Paul II, où l’on a vu représentées toutes les religions, même les animistes amérindiens étaient présents avec leurs coiffes de plumes, impressionnant… un beau moment".

François Lotteau, un bien beau et bon berger qui sait parler et agir avec une parole de la pensée et du cœur, une parole d’expérience aussi, celle d’un homme qui sait être sur le terrain et qui sait répondre aux attentes en agissant en salles de réunions.

Pour plus d’informations :

François Lotteau est secrétaire régional d’EELV Bourgogne.

Il est sur la liste Europe Ecologie menée par Sandrine Bélier.

Europeecologie.eu/-Sandrine-Belier

Bourgogne.eelv.fr

Table ronde : Quelle Europe voulons-nous ?

19 mai, à la Maison des syndicats, salle 2, à 19h

S.B.