Chalon sur Saône

Le photographe Maurice Roux s'est posé à l'iUT de Chalon sur Saône

Le photographe Maurice Roux s'est posé à l'iUT de Chalon sur Saône

Maurice Roux, photographe du monde rural, était accueilli à l’IUT de Chalon par Diane-Sophie Girin, professeur de sociologie à Ema Fructidor. Le public, majoritairement étudiant, a pu découvrir un monde rural méconnu grâce aux photos projetées sur grand écran.

 Maurice Roux racontait ses portraits, en évoquant les personnes photographiées, avec des anecdotes et cet accent occitan inimitable que l’on entend résonner dans les photos mêmes. Il expose partout dans le monde, mais il dit "je suis un simple artisan".

 

Les photos de Maurice Roux sont une émotion partagée. La photo est un témoignage. C’est une langue : "qui tient la langue, tient la clé". Ses photos sont tellement réelles, qu’on perçoit le soleil, les sons de la nature, le bruit des pas, la langue et tout le Béarn qui résonne avec les sonnailles des bêtes, le marché de Tarascon… Ses photos, elles ont été prises pour ceux qui sont dessus. C’est une manière "de donner la parole à ceux qui ne l’ont jamais, et quand ils s’expriment, il y a tant d’émotions dans la voix…"

 

Les photos de Maurice Roux, c’est la famille interrompue, Magali la bergère, la vieille Maria… des portraits de paysans au travail, des couples dans leur masure, les matières comme le bois, les haies et les vignes qu’il y avait devant chaque ferme, les paysages changeant au fil des décennies…

 

La photographie du monde rural est un genre à part entière, qui témoigne de l’évolution sociologique du milieu et du cadre de vie aussi. C’est la trace du temps, le temps de vivre. C’est un regard sur un monde en train de disparaître au profit d’une américanisation des pratiques et de la destruction de ce qui était et est encore un certain art de vivre. "En Gascogne, on mange bien, on boit bien, on rit bien aussi." Maurice Roux raconte que "on prenait le temps de s’arrêter, causer un brin". Il vit parmi eux, il venait vers eux en frère et leur donnait les photos. C’était un troc, il recevait en échange de la volaille ou des produits de la terre.

 

Maurice Roux a commencé en 1950, avec un petit appareil, il avait 9 ans, un cadeau inhabituel, quand on a de l’argent on achète des outils. La photographie rurale s’inscrit dans un courant qui connaît une certaine vogue aux USA et en Europe, avec Adams, Russell Lee, Bérénice Abbott, Dorothée Allenge…  Maurice Roux a mis ce genre à l’honneur en Europe. Au début du 20e s, les seules photographies qu’on faisait dans le milieu rural, c’était la noce, les paysans mettaient alors leurs beaux costumes pour poser fièrement. C’était la représentation pour tout le village, un point d’honneur à tenir : la belle allure. Ce n’est que plus tard qu’il a pris les gens en action, dans leur vie quotidienne. "La photo c’est une émotion."

 

On l’expose partout. Ses photos sont des témoins. Ses photographies, ses personnages, sont une question posée au monde. Certes, ils étaient pauvres, "les vêtements déchirés, les masures en terre battue, mais on était libre, on se débrouillait" sans tout ce système de subventions et de règles qui écrasent les gens, qui tuent l’agriculture.

 

Maurice Roux est un homme de cœur et quand il parle de tout ce qu’il a connu, toute son émotion, sa joie, sa révolte, tout éclate en un bouquet qui passe du rire aux larmes. De ce qu’il a connu dans le passé et que  mécanisation et finance sont entrain d’étouffer. Mais il peut aussi se réjouir, car il y a de la relève, elle est peut-être encore maigre, mais des jeunes s’installent, font ce choix, même s’ils ne sont pas issus d’une tradition familiale rurale. Son fils est devenu "jardinier" en Amap. Aujourd’hui, Maurice Roux photographie encore, la terre comme une Terre-mère.

 

Ses photographies sont poignantes et belles. Maurice Roux est un personnage : proverbial, humaniste, révolté, ému aussi. Un homme de la Terre, qui la connaît de l’intérieur, habité par elle, et qui en parle au monde. Ses photographies sont une expérience, celle d’une vie.

 

S.B.