Chalon sur Saône

A Chalon, les avocats en grève contre la lenteur de la réforme de l’aide juridictionnelle


A Chalon, les avocats en grève contre la lenteur de la réforme de l’aide juridictionnelle


A l’appel du Conseil national des barreaux, une quarantaine d’avocats du barreau de Chalon a observé jeudi une journée de grève, afin de protester contre la lenteur de la réforme de l’aide juridictionnelle, initiée par Christiane Taubira, Garde des Sceaux.

En n’intervenant pas ce jour-là, au titre des missions qui leur ont été confiées dans le cadre du secteur assisté, dans les audiences civiles et pénales des tribunaux du ressort du Tribunal de Grande Instance de Chalon.
Constatant l’importance de l’accès aux juges et la reconnaissance des droits de ceux dont les revenus sont particulièrement bas, le Garde des Sceaux s’était engagé prioritairement à réformer l’aide juridictionnelle et avait confié fin octobre 2013 à Alain Carre-Pierrat, avocat général honoraire à la Cour de cassation, une mission en ce sens devant aboutir à des propositions et à un calendrier fixée au 1er mars 2014. Le rapport a été déposé le 10 février 2014 à la Chancellerie. Jusqu’alors sans effet. Même après un courrier de relance de la profession. 


Aucune revalorisation depuis plus de sept ans


En France, l’aide juridictionnelle permet tous les jours à des milliers de personnes de défendre leurs droits, les dossiers d’admission ne cessant d’augmenter. Mais, en raison de la diminution des dotations (baisse de 9,3% entre 2012 et 2013), l’indemnisation des avocats qui les assistent constitue toujours l’une des plus basses des pays européens et ne leur permet pas d’assurer l’équilibre économique de leurs missions.
« L’indemnisation des avocats au titre de l’aide juridictionnelle n’a fait l’objet d’aucune revalorisation depuis plus de sept ans, ce qui est inacceptable. » a souligné Me Frédéric Hopgood, bâtonnier du Conseil de l’ordre des avocats du barreau de Chalon. Avant d’ajouter « Dans le même temps, l’Etat augmente les champs d’intervention de l’avocat au titre de l’aide juridictionnelle en rendant obligatoire l’assistance du patient hospitalisé d’office par un avocat à compter du 1er septembre 2014, et en créant le statut de suspect libre, qui lors de ses auditions par les services de police et de gendarmerie, pourra demander l’assistance d’un avocat ». De nouveaux champs d’intervention, qui vont représenter un coût d’environ 30 millions d’euros, rien que pour les réformes pénales.


Non à la taxation du chiffre d’affaire des cabinets


Face à une situation qui se dégrade - baisse des dotations avec des demandes en accroissement - la profession a formulé à plusieurs reprises des propositions de financements complémentaires, telles que la taxation des contrats d’assurance protection juridique, qui permettrait un doublement du budget de l’aide juridictionnelle sans alourdir les charges de l’Etat. Des propositions repoussées par la Chancellerie, laquelle est plutôt favorable à une contribution des professionnels du droit sous la forme d’une taxation du chiffre d’affaire des cabinets. « C’est inadmissible, les avocats ne l’accepteront jamais » a confié le bâtonnier Hopgood. « Existe-t-il dans ce pays une autre profession qui accomplit des missions de service public tous les jours moyennant une rémunération notoirement insuffisante et qui devrait à l’avenir payer sur son chiffre d’affaire pour accomplir ses missions ? La stratégie du gouvernement est scandaleuse et nous la combattrons » a-t-il encore ajouté.
Frédéric Hopgood a aussi dénoncé le manque de moyens humains mis par l’Etat pour favoriser le travail du Greffe chargé de l’examen des dossiers et de la délivrance des attestations de fin de mission. « A Chalon, malgré les efforts du Greffe, les délais dans certains cas sont encore trop longs et pénalisent non seulement les justiciables mais également la situation économique des cabinets d’avocats ».
Le mouvement de protestation ne devrait pas en rester là, puisque d’autres actions nationales devraient être décidées lors de l’assemblée générale du Conseil national des barreaux du 13 juin 2014 en fonction des propositions formulées d’ici là par le gouvernement.
En attendant, le Conseil de l’ordre des avocats du barreau de Chalon dans une motion adoptée en réunion le 5 juin 2014, notamment :
- demande au gouvernement de respecter les engagements pris, à plusieurs reprises devant les avocats, de doubler le montant des crédits de l’aide juridictionnelle à périmètre constant, préalable indispensable à l’engagement d’une réforme globale de l’accès au droit.
- réitère sa ferme opposition à toute taxation, quels qu’en soient l’assiette et le taux, de la communauté des avocats pour contribuer au financement de l’aide juridictionnelle dont ils assument déjà en grande partie la charge.
- met en garde solennellement le gouvernement sur la responsabilité qu’il prendra seul du blocage du système de l’accès au droit, s’il persiste dans la voie d’une telle taxation des avocats.

Gabriel-Henri THEULOT