La librairie du Châtelet est en vente à Chalon

La librairie du Châtelet  est spécialisée dans la littérature religieuse et l’on y trouve divers articles religieux comme les croix, chapelets, encens, statuettes… Chaque année, les étagères sont remplies par les crèches et ces objets votifs qui font de jolis cadeaux. Mais elle est aussi une librairie laïque qui occupe une bonne moitié de l’espace. C’est un magasin de 100m2 qui offre un certain choix de livres et surtout un service généreux de conseils, de recherches de titres, de commandes auprès de ses clients, des plus fidèles aux plus touristes. On la repère facilement dans la rue du Châtelet avec les présentoirs de cartes postales d’un grand choix et de belle qualité.

Entre les deux parties de librairie, il y a deux clientèles qui se côtoient et certains clients achètent dans les deux parties, religieuse et laïque. Un équilibre fragile à maintenir, qui pâtit de plusieurs facteurs conjugués –la perte de clientèle vieillie, les travaux du centre ville, l’installation d’Amazon, le changement de culture, de mode de lecture et de mode de vie, la crise, la pression par les grands groupes et les grandes surfaces, et une sort d’indifférence générale devant la situation économique et ces facteurs…

Geneviève et Jean-Yves Blard venus du Midi il y a 17 ans, ont eu un coup de cœur pour cette librairie qui existe depuis bien plus longtemps. Ils se sont attachés à servir les clients le mieux possible avec l’amour du livre, apportant beaucoup de vie et de nouveautés à cet espace. Ils ont souvent invité des auteurs pour une dédicace. Geneviève Blard prépare alors la table avec un bouquet de fleurs, un verre d’eau et des chocolats. Il y a dans cette librairie cette attention respectueuse pour chacun. Un de leurs meilleurs souvenirs fut la rencontre avec Jean-François Kieffer qu’ils avaient invité pour une dédicace en librairie. Le soir, invité à la maison, il a improvisé un mini-concert de luth pour eux. Le livre est toute leur vie, mais le temps passe, les temps changent, et devant la situation actuelle, ils préfèrent prendre leur retraite et vendre la librairie.

La situation des petites librairies indépendantes

Une petite librairie n’a pas beaucoup de marges quand l’économie fluctue. On peut s’étonner qu’un groupe international comme Amazon ait reçu tant de facilités d’installation de la part des instances politiques. Cet appui aurait pu être apporté, semble-t-il, aux librairies locales indépendantes qui peinent à survivre, en leur apportant non pas une masse de subventions, mais en accordant certaines facilités comme prêter une salle municipale pour faire venir des auteurs et créer un événement littéraire, en réduisant des charges ou des coûts (com, transport ou tva…). Le gouvernement aurait pu établir des lois à l’avantage des librairies et non à l’avantage des grands groupes internationaux qui veulent faire la loi et imposer leurs conditions. Amazon réussit à contourner la loi en appliquant les 5,5% de tva requis mais en baissant le coût du transport à quelques centimes, expliquent les libraires, et finalement l’ensemble du procédé est déloyal de part et d’autre, car ce sont justement tous ces frais qui pèsent sur les épaules du libraire (logiciel interne à la librairie, abonnement à Electre, site internet, commande, frais de transport de la commande de livres et des retours de livres non achetés, en plus des frais de gestion, de comptabilité, de la tva, des charges et des impôts).

Mais Amazon a joué sur le flashy, promettant des tas d’emplois mais n’a pas engagé autant de personnes, et ce sont des temps partiels, corvéables ; Amazon promet une livraison en 24h mais cela ne concerne que le stock.

La librairie vit sur une remise accordée par l’éditeur. Un livre de 20€ : 2€ pour la tva et le transport, 14€ à l’éditeur, 4€ pour la librairie. Ces 4€ ne sont pas du bénéfice net, il faut en retirer tous les frais, etc. De même pour l’éditeur, il y a 20% pour le distributeur, puis le personnel, les coûts de publication, la com, l’auteur…Certaines librairies bénéficient d’une aide minimale, pour un complément de trésorerie déficiente, si on a le courage de s’attaquer à la tonne de paperasserie administrative…

Ne parlons même pas de l’auteur, s’il ne vend pas 100.000 exemplaires, il galère dans la misère et a besoin d’un autre métier alimentaire.

Internet et le livre

Avec internet, les gens ont pris l’habitude d’avoir du tout cru tout fait qui tombe dans la bouche, glisse dans la poche, arrive d’un claquement de doigts. Mais cela ne fonctionne pas ainsi. Un livre appartient à tout un circuit qui va de l’auteur, puis de l’éditeur, au libraire en passant par le distributeur et les intermédiaires, jusqu’au lecteur.

Acheter sur internet est peut-être facile, cela semble moins cher, mais cela a ses revers. Le comportement des gens change : ils deviennent exigeants, veulent leur commande tout de suite, sans tenir compte des délais de livraison. Les librairies sont livrées en général une ou deux fois par semaine, ce qui est bien au regard des coûts de livraison. Parfois les clients viennent à la librairie demander des conseils ou des informations, et puis achètent sur internet. En fait, ils prennent le service mais ne l’honorent pas alors que le libraire a passé du temps à les satisfaire et qu le prix du livre est le même partout.

Cela ferme des commerces, des entreprises, des emplois et surtout cela réduit fortement la vie commerciale, le regain de vitalité d’une ville, les échanges directs entre les personnes. 

On assiste à un changement de société et de comportement, certes, mais il y a peut-être un peu trop de laissés-pour-compte dans l’affaire, au détriment de la qualité de la vie.

Une solution 

Permettre plus de choix de livres sur les tables de cette librairie, des livres qui puissent rester afin que la clientèle ait le temps de les découvrir, délai de livraison plus court, réduire les coûts de transport. Il serait bon de ne pas freiner une librairie dans son désir de faire vivre le monde des livres et ses auteurs. Ce sera plus intelligent que tenir une profession à bout de bras avec des subventions, car, quand il y a une restriction de budget, tout s’écroule.

Un livre… n’est pas un livre seulement. Il apporte plaisir et connaissance, objet durable, qu’on peut lire et relire, que l’on possédera toute sa vie, qu’on partage avec ses amis, qu’on transmettra à ses enfants, petits-enfants… 

Donc, la librairie du Châtelet cherche un repreneur.

En attendant, elle continue à servir ses clients et le magasin est toujours aussi bien achalandé, les commandes honorées dans les délais impartis. Geneviève et Jean-Yves Blard continuent à répondre aux attentes de la clientèle et à lui donner leurs conseils éclairés au meilleur de leurs possibilités. Une présence dans la ville, précieuse pour la vie.

Librairie du Châtelet, 23 rue du Châtelet, 03 85 48 07 19

S.B.