Politique

Pour François Lotteau, "le système politique Français est devenu inadapté"

Pour François Lotteau, "le système politique Français est devenu inadapté"

L'écologiste convaincu livre ses pensées à info-chalon.com.

On a reparlé dernièrement du TISA, et de l’accord transatlantique, le TSCG, ces deux accords sont jugés dangereux pour la démocratie, pouvez-vous préciser l’enjeu et les conséquences locales de ces traités en cours ?

C’est une phase dangereuse pour l monde. Ce traité TSCG permettrait aux multinationales américaines de faire un procès à toute collectivité locale, jusqu’à un simple commune, si elle estime que les mesures prises sont un manque à gagner pour elle, et les cours de justice ne seront pas les tribunaux locaux mais des tribunaux arbitraux c’est-à-dire une justice privée sans citoyens

Par exemple : le texte préconise 20% de bio à la cantine, tel que c’est mis dans le texte, un groupe d’agro-alimentaire américain pourrait attaquer la commune sous le prétexte que cela favoris un type de produits par rapport à eux.

L’Europe a été créée pour lutter contre ce genre de situation et défendre la production locale, la politique va dans ce sens, de favoriser la production locale avec un circuit court …

Mais la configuration du monde a changé, il faut penser mondial même à un niveau local et la construction de l’Europe à l’origine n’avait pas envisagé cela, on ne pouvait pas prévoir l’évolution des choses de cette manière après la guerre. Certains alors parlent de défaire l’Europe, il faut au contraire la renforcer, défaire n’est pas une solution, ce genre de discours sape en sous-main.
 
Les sénatoriales approchent…

C’est une période d’incertitude car le rétrécissement du champ politique gouvernemental va déboucher sur quoi ? Mais un champ politique nouveau s’est ouvert, Verts, Front de gauche, Montebourg, pour les régionales et les sénatoriales. Les candidatures seront dévoilées le 7 septembre, les divisions internes au Ps empêchent les accords à un niveau national et n’a pas permis de soutenir une candidature unique

Il faut faire évoluer les choses dans le parti (les Verts) et dans la société. La situation générale est désespérante, il faut trouver une direction qui redonne espoir et dynamisme. Il ne faut pas tout casser au nom de la croissance, d’ailleurs la prospérité n’est pas croissance, la croissance ne signifie pas forcément prospérité. Il y a un besoin de liberté et d’autonomie par rapport à tout cela.

Quelles solutions proposez-vous ? Un nouveau système politique ?

Il y a des solutions multiples qui ne sont pas toujours simples à formuler. Il faut traiter chaque problème à sa juste échelle. Le regroupement des régions ne les rendra pas plus fortes. Il faut mettre du contenu dans ce qu’est une région et en mettant pouvoir et contrôle citoyen au bon niveau. Une bonne solution est commune, intercommunalité et région, avec disparition du département car il y a doublet entre intercommunalité et département, avec une élection à chaque échelle et à la proportionnelle.

Le système politique français est devenu inadapté. Quand il y a une recomposition de gouvernement en Allemagne, ils discutent pendant des semaines pour trouver un accord cohérent, ici cela se fait du jour au lendemain sans discussion, cela crée plus de problèmes que cela n’en résout. Ce système gouvernemental a été créé par de Gaulle pour protéger des partis et cela n’existe plus. Il faut réformer. Notamment le Sénat, il faudrait un nouveau Sénat, surtout si on fait une réforme territoriale, soit une vraie Chambre des Territoires, qu’ils soient représentés chacun réellement, avec égalité de territoires.

Par rapport à cela, un exemple local ? Comment développer le territoire ?


Le tourisme a sa place évidemment, mais pas en développant des center park sous prétexte que cela apporterait de l’emploi ce qui n’est pas le cas. Et sûrement pas sous la forme d’une société d’économie mixte créé pour obtenir des subventions. Tout cela c’est de l’argent public. Si la société ne fonctionne pas bien, c’est l’argent public qui paie. Il n’y a pas de garantie d’emplois. En plus, les problèmes environnementaux ne sont pas réglés (l’eau).

Un vrai tourisme de proximité est plus adéquat, aider les hébergeurs, améliorer l’infrastructure, tout cela ferait faire un bond au tourisme réel local et les bénéfices seraient locaux et sociaux.

Un exemple de réussite, c’est bien sûr le Puy du fou, mais c’est une création locale, avec les locaux, pour une histoire locale.

En Sologne, cela marche, mais en Isère l’enquête publique est négative, dans le Morvan la méga scierie est refusée. C’est ainsi quand on examine attentivement les choses. Notre-Dame des Landes ne se fera pas car c’est anti-environnement et il n’y a pas d’argent pour le faire.

Car tout cela, sous une forme déguisée, c’est détourner l’argent public au profit de quelques grands groupes, sans bénéfices pour la population. C’est pour cela que des gens s’attellent à la tâche et prennent le temps d’agir pour le démontrer, grâce aux associations. Paradoxalement, la politique manque parfois de moyens pour agir.

Une société d’économie mixte peut se faire s’il y a un volet d’intérêt général et par là on entend "création d’emploi", mais en fait il n’y a aucune garantie, et en général, ils emploient des précaires. Ils prétendent aussi que cela offre des possibilités aux producteurs locaux et aux artisans locaux, mais en fait ces grands groupes font un appel d’offre en pratiquant le système du moindre coût.

 Vous parliez de territoire, des listes citoyennes seraient une solution pour les élections ?

Les listes citoyennes permettent de sortir du clivage habituel gauche-droite qui n’est plus adapté. Les clivages ne sont plus représentatifs par les noms qu’on leur donne, à partir du moment où on fait du social-libéralisme comme Valls. La lutte contre les inégalités n’existe plus à la même échelle qu’avant. Les équilibres mondiaux se font autrement, autour de la question des énergies. Donc le concept de gauche classique n’est plus valable, il faut ajouter l’Ecologie. Il y a une dimension écologique dans la crise mondiale actuelle. Même le conflit israélo-palestinien est lié à cela, l’enjeu de l’eau.

En ce sens, l’Ecologie n’est ni de gauche ni de droite, mais du côté des gens, et défend l’autonomie et la liberté des peuples. On ne représente pas d’intérêts contradictoires comme le Ps et l’Ump, ou gauche-droite.

C’est la rentrée scolaire, quelques mots sur l’éducation ?

Il aurait fallu une vraie réforme scolaire. Il n’y a pas d’égalité d’accès en fonction de la taille des communes. Les petites communes n’ont pas les moyens de réaliser cela et cela tourne à la garderie. Il y a une inégalité des territoires à ce sujet. La nouvelle ministre devrait s’attaquer à cela. Retirer des milliards aux collectivités et leur demander d’en mettre sur la réforme des rythmes scolaires est une contradiction. Il aurait mieux valu travailler sur le programme, Philippe Mériot avait proposé quelque chose.

Le régime de la culture demande aussi une réforme ?

On a réussi à maintenir le régime des intermittents, c’est déjà bien, mais il faudrait lutter contre l’utilisation de ce régime par les grands groupes comme TF1, ce régime a des effets pervers utilisés par les grands groupes à leur profit mais ce système qui maintient dans la précarité. C’est de l’argent public au profit de grands groupes et pas au bénéfice de ceux qui travaillent. Il faudrait simplifier la législation du travail.

Le rayonnement culturel est une valeur nationale, ce n’est pas dissociable du sens de ce qu’est le bien commun. C’est un patrimoine vivant. Ce sens du bien commun n’est pas compatible avec la logique immédiate. C’est la même problématique que la recherche fondamentale. Cela ne peut être lié à une rentabilité immédiate. La notion de bien commun est un patrimoine hors circulation de marchandises. Il y a une notion de don et contre-don. C’est une économie de la prospérité, pas une économie du Pib ni de la croissance.
 
Le Bhoutan a inventé le Pib : produit intérieur de bonheur. La prospérité est liée au bonheur, vous êtes d’accord ?

Un pays prospère, c’est lié au bonheur, oui. C’est une économie de troc. Le don/contre-don crée un lien social, et ici cela n’a pas disparu sous le diktat de la croissance. C’est donc un facteur d’espoir de pouvoir redévelopper une économie fondée sur des critères plus larges que les statistiques. Tout n’est pas une marchandise.
 
Arte a diffusé un documentaire sur cela, ce phénomène de la vente des terres, montagnes, parcs, forêts à des privés. Les habitants se sont révoltés …


La terre n’appartient pas aux hommes, les hommes appartiennent à la terre. Toutes les cultures proches de la Terre, tous les hommes conscients, le disent.

C’est la légende de Midas. En occident, par les moyens techniques on a cru pouvoir passer au-dessus de la terre, et aujourd’hui on a les limites de cela. C’est l’illusion de la machine qui remplace l’homme au travail. Alors taxons les machines plutôt que l’homme (loi Tobin, américain)

On ne peut accumuler le capital de manière infinie. Que fait le capital quand il ne peut plus accumuler ? Il casse ou fait des guerres. Avec les problèmes d’énergies et des matières premières comme les terres rares, on arrive à un point de tension. Comment faire pour éviter que cela n’éclate en guerre…

Que proposez-vous ?

L’Ecologie propose : "penser global, agir local".

Il faut défendre aussi la liberté individuelle, cela passe par l’émancipation de l’individu. En philosophie, cela se rapproche du personnalisme, une forme d’existentialisme chrétien, celui de Charbonneau.

Une bonne ligne de travail pour la rentrée !

Oui, en 2015, aura lieu la réunion mondiale sur le climat à Paris. Europe écologie aura un rôle à jouer, les associations aussi. Il y a un mouvement qui se développe actuellement en France et à l’international, Alternativa, qui vient du pays basque. Participer à ce mouvement donnera plus d’ampleur à la conférence. Alternativa rassemble le Comité Notre-Dame des Landes, Attac, Acte… Ils sont présents et actifs ici à Chalon

L’écologie politique est une alternative à cette doxa ambiante. L’économie vue à travers la croissance est une illusion et ne sert qu’à maintenir le pouvoir en dehors des citoyens. On peut rappeler le discours de La Boétie : "ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux".

On pressent une catastrophe mondiale à venir. Peut-on prévenir cela ? Agir à son niveau sans baisser les bras, dénoncer les abus, résister, s’indigner… être activiste est devenu indispensable.

Comme le disait Gandhi : "soyez le changement que vous voulez dans le monde"

Comme les Colibris, de Pierre Rabhi. Le colibri de la légende, pour éteindre le feu de la forêt, prend un peu d’eau dans son bec, quand les oiseaux l’interrogent et se moquent, il répond "au moins je fais ma part". Tous ensemble, se grouper pour faire face…

Comme dans la Bible, "être doux comme la colombe et rusé comme le serpent".

Il y a la petite étincelle à mettre en commun …

 
Notes

-TISA : trades in services agreement

-Midas : mythe de l’antiquité grecque. C’est l’histoire de ce roi qui avait souhaité recevoir le don de tout transformer en or, mais quand il doit manger, la nourriture devint de l’or, l’eau se transforme en or. Il se rend compte de son avidité, et il gémit…

-Bernard Charbonneau : penseur français, 20e s, pionnier de l’écologie politique. (voir Wikipedia)

 

 

Infos

www.europe-écologie.fr

www.contrelacour.fr

www.mediapart.fr/journal/economie/180912/les-atterres-contre-le-tscg

voir france.attac.org, tempsreel.nouvelobs.com, lafinancepourtous.com,

european-council.europa.eu/media/639232/08_-_tscg.fr.12.pdf

etc.

 


S .B.