Faits divers

Des locataires au poil

Ils ont 24 et 39 ans, ils sont collègues, travaillent dans le BTP. Et s’amusent dans leur immeuble, à faire péter des bombes aérosols dans leur barbecue, défoncer les portes et à tirer au pistolet dans les vitres des autres appartements. Les voisins n’aiment pas ça, leur propriétaire non plus.

Franck, 39 ans, est poursuivi pour dégradation de bien d’autrui. Loïc, 24 ans doit aussi répondre de recel, acquisition, détention non autorisée d’armes. Locataires dans un petit immeuble de 5 appartements, ils ont l’habitude de faire des apéritifs entre copains joyeux fêtards. Ils aiment faire du bruit, boire, manger et faire des « burns »  (NDLR : freiner sur le parking jusqu’à en faire crisser les pneus et marquer le sol).

 

« Alors, vous, Loïc vous avez filmé un apéro où vous vous amusez à jeter une bombe aérosol dans le barbecue, c’est ça ?  interroge le président.

- Euh, oui.

- Et pourquoi ? Vous trouvez ça intelligent ? »

 

Les voisins se plaignent régulièrement de tapage nocturne, et de dégradations. Un couple avec enfant vit dans l’immeuble. En perquisitionnant l’appartement, les enquêteurs ont trouvé un fusil derrière la machine à laver, un pistolet à billes de 4,5 mm et un autre pistolet à plomb.

 

 « Un bel arsenal …», résume le président Santourian. « Votre fusil a été volé à une armurerie de Haute-Saône… A qui l’avez-vous acheté ? » poursuit la collégiale de magistrats. Loïc l’a acheté à une connaissance, croisée à Lyon. La crosse du fusil a été sciée par ses soins « Je trouve ça plus joli », dira-t-il. « Mais je l’ai acheté pour l’esthétique, hein, pas pour l’utiliser ». Une mouche vole du côté du ministère public, qui s’enfonce dans son siège.

« La déclaration n’est pas faite, reprend le président à l’adresse du jeune prévenu. C’est pas des jouets. Y a une règlementation. »

Silence à  la barre.

« Vous vous entendez bien avec le voisinage ? tente le juge

-          - Maintenant, non ! , répond Loïc.

On lit le témoignage d’un voisin qui décrit les agissements des prévenus : défonçage de portes, tirs dans les fenêtres (d’un appartement inoccupé, bruits divers...). L’une des avocates de la défense précise dans sa plaidoirie que ledit voisin, avant de se brouiller avec Loïc et Franck, avait les mêmes pratiques…

 Le propriétaire de la maison estime que Loïc « a sans doute envie de se retrouver tout seul dans ce coin de la maison. Je demande réparation et surtout qu’il aille habiter ailleurs ».

Pour le parquet, Frédéric Jacques tire à vue : « Vous êtes propriétaire d’une maison et vous avez des locataires, des énergumènes qui se comportent comme des voyous et pourrissent la vie du voisinage. Il interroge le prévenu : « L’éventualité de la provenance douteuse de votre fusil ne vous a pas effleurée ?

-   - - Douteuse, oui. Mais vu son état, elle était saine » répond Loïc.

Le parquet a requis 10 mois d’emprisonnement avec sursis pour Loïc et deux mois ferme pour Franck et la confiscation des armes. Me Escaut, avocate de Franck a insisté sur ses responsabilités de père de famille. Me Gemma qui plaidait pour Loïc s’est insurgé contre les propos du vice-procureur. « Les locataires bien sages qui se plaignent sont aussi des fauteurs de troubles ! Des mois de prison pour trois vitres et une fenêtre abîmées me paraissent excessifs». Elle a demandé la relaxe pour le recel du fusil.

Le tribunal de Mâcon a relaxé Loïc pour le recel mais l’a condamné à six mois de prison avec sursis pour les autres délits. Franck a eu deux mois de prison avec sursis. On peut parier que les barbecues deviendront plus rares dans l’immeuble…

 

Florence Genestier