Faits divers

Il accuse sa femme devant le juge de "s'auto-infliger" des violences...

Nourdine , âgé de 32 ans, est père de deux enfants et mariée à Laurence (prénom changé) . Il était poursuivi pour violences habituelles suivies d’incapacité sur son épouse. Cette dernière n’était pas présente à l’audience. Elle a souffert d’hématomes, de marques de strangulation et d’un décollement de la rétine. Des blessures « auto infligées », a expliqué Nourdine, dues essentiellement selon lui à la « mythomanie » et à « la jalousie maladive » de sa femme…

Le jeune homme présente bien, parle avec fluidité à la barre. Polo blanc et bleu impeccable, jean délavé, crâne rasé, très poli. Il a un casier judiciaire vierge, a toujours travaillé, se définit comme un bon père de famille. Il est marié depuis 2010 avec Laurence, qui est Marocaine et maman de ses deux enfants, de 3 ans et 18 mois. Ce Mâconnais de naissance réfute les accusations de violence contre sa femme.

Laurence a pourtant fourni trois certificats médicaux, correspondant à trois séries de coups précis. Nourdine réfute tout.  Dans son rappel des faits, la présidente Catala évoque deux épisodes violents au Maroc et trois en France. Le 31 mai 2013, sur les quais mâconnais, des témoins voient une jeune femme, Laurence, le visage ensanglanté, s’écrouler à terre et appeler les secours. Le temps que les témoins se renseignent, trois hommes surgissent et leur affirment qu’ils vont l’amener  à l’hôpital. En février 2013, la jeune femme souffre de l’épaule, a divers hématomes au visage. On lui diagnostique aussi un décollement de la rétine. Le 20 mai, une altercation entre les époux  a lieu devant leur immeuble. La jeune femme parle de tentative d’étranglement, de coups sur la tête, affirme avoir été jetée violemment au sol. Trois séquences, avec certificat médical et mains courantes au commissariat.

Pour chaque date, Nourdine a une explication claire. Il insiste sur « le comportement anormal de sa femme, dit qu’elle l’a menacé avec un couteau, affirme avoir peur pour ses enfants et envisage son hospitalisation d’office. En mai, il a aussi fait faire un certificat médical, qui atteste de griffures. « Elle est devenue méchante en France. Au Maroc elle avait un super comportement». Et de toute façon, s’il avait porté les coups, « elle aurait eu des blessures plus importantes ».

« Vous dîtes toujours que c’est elle qui vous a agressée, note la présidente. Elle dit que vous mentez ».

-          Moi je suis surtout inquiet au sujet de son changement de comportement. Pour l’histoire sur les quais, elle est venue m’agripper, je l’ai repoussée et elle est tombée. C’est pour cela qu’elle était en sang.

-           

-          Expliquez-moi, reprend la présidente, comment on repousse quelqu’un en l’agrippant par le cou, puisqu’elle avait des traces ?

-          Si c’est moi qui l’avait frappé, reprend Nourdine elle n’aurait pas eu le temps de m’agripper. Et de toute façon, je ne suis pas du tout violent. »

 

Etonnamment, le couple après des vacances au Maroc cet été  (ensemble, dirait l’avocat de Nourdine. Séparément, dira l’avocate de l’épouse) vit à nouveau ensemble... « On se donne une dernière chance, on a deux enfants » insiste Nourdine.

Laurence ne travaille pas. « On est face à une situation paradoxale, plaide Me Quoizola, l’avocate de Laurence. Il décrit sa femme comme mythomane, malade manipulatrice mais voilà quinze jours qu’ils revivent ensemble. D’autre part, je ne vois pas comment elle peut simuler. Pour souffrir d’un décollement de rétine, il faut recevoir un coup de poing dans l’œil. » Me Quoizola raconte aussi que Nourdine et sa sœur ont écrit à la préfecture de Mâcon pour tenter de nuire au renouvellement du permis de séjour de Laurence en dénonçant un mariage « gris »… La partie civile a réclamé 3000 € de dommages et intérêts pour sa cliente.

La substitut du procureur, s’est dite « très gênée par la situation », car la reprise de la vie commune après des violences qui pour elle, ne font aucun doute, lui paraît « problématique ». « J’ai des doutes sur la prospérité de leur vie conjugale, Monsieur ayant, notamment dans ses courriers de dénonciation à la préfecture, exprimé beaucoup de haine envers son épouse. » Elle a requis six mois de prison assortis du sursis simple.

Me Louard, l’avocat de Nourdine , a présenté la victime comme une personne déséquilibrée, d’une jalousie maladive. « La seule possibilité pour elle de garder son titre de séjour en cas de divorce est d’obtenir un divorce pour faute. Ce sont des allégations ». De plus, il a souligné « l’incohérence de son comportement puisqu’elle vit à nouveau avec son mari. Vous n’avez aucune preuve de violence de la part de mon client envers son épouse, qui d’ailleurs n’est pas venue».

Me Quoizola interviendra à l’issue de la plaidoirie de son confrère pour préciser que le titre de séjour de sa cliente a été délivré voilà quatre ans et qu’elle ‘est pas en situation irrégulière.

Le tribunal a jugé Nourdine coupable de violences régulières envers Laurence et l’a condamné à six mois de prison avec sursis.

 

Florence Genestier