Opinion de gauche

Kerviel à la fête de l'Huma : une mise en scène indécente pour le NPA 71

En pleins tsunamis divers, de la tonitruance des alcôves présidentielles aux exils amoureux des parangons de la fronde gauchiste sur la côte ouest de la mère-patrie du libéralisme, nombreux sont les brûlots et pamphlets sur la déliquescence de la gauche française.

 

Pour autant, le vrai signe de la perte de la structure idéologique des gardiens du temple de la pensée de gauche, c'est bien l'invitation d'honneur de Jérôme Kerviel à la fête de l'huma. Quand Marcel Cachin l'a créée il y a un peu plus de 80 ans, l'objectif de la Fête de l'Humanité était d'en faire le grand rassemblement de la fraternité prolétarienne, certainement pas "un show marketé" entre capitaines mégalos.

 

Kerviel, condamné pour des faits extrêmement graves, peine non purgée, a été reconnu coupable d'abus de confiance, faux, usage de faux et introduction frauduleuse de données dans un système de traitement automatisé. Cette peine a été confirmée en appel et en cassation.

 

Ivre du pouvoir que son employeur lui a, semble-t-il à tort, laissé, il a grugé cette confiance en produisant 900 faux en écriture. Pas un, pas dix pour tester les limites du système : 900 ! Pour un montant proche de 5 milliards d'euros..... 

 

Inviter un tel personnage qui, sans état d'âme, spéculait sur l'avenir de milliers de travailleurs, pour le compte des gros portefeuilles et des grands patrons, c'est  montrer bien peu de respect pour l'argent gagné durement et honnêtement par les plus humbles dont on prétend représenter les intérêts. C'est dramatiquement indécent que d'ériger en héraut de la lutte contre les dérives de la finance, un escroc qualifié qui s'amusait avec des milliards d'euros.

 

Je ne suis pas un légaliste à tout prix, et je crois parfois en la désobéissance pour dénoncer des dérives qui nuisent à la collectivité. Mais la rédemption de Kerviel, a posteriori, orchestrée par ce formidable manager qu'est son avocat David Koubi et la complicité de Jean-Luc Mélenchon, sonne faux.

 

La mise en scène indécente de sa rédemption par la marche,  ses tentatives de soustraction à la police, la fausse réception privée par le Pape, la constitution d'un réseau social de groupies émoustillées par sa démarche de loser magnifique et sa barbe de trois jours, sont aussi grotesques qu'insultantes pour les vraies victimes du système ultra-libéral. Quitte à mettre en avant des victimes de la banque, pourquoi ne pas se pencher, par exemple, sur ces cadres d'UBS dont la vie a été mise en danger lorsqu'ils ont voulu dénoncer les pratiques de leur employeur ?

 

À l'heure d'une crise sociale majeure, au point de rendez-vous des divers mouvements censés représenter les intérêts de ses nombreuses victimes, la captation de l'espace médiatique par deux égos au désespoir de leur popularité personnelle, est un signe des temps politiques aussi dommageable qu'une trahison des idéaux invoqués.

 

Quand on n'a plus rien de nouveau à proposer, que l'on se vautre dans le règne de l'image, de l'ultra-personnalisation du sujet politique, c'est aussi vain pour la collectivité que désespérant pour ceux qui luttent encore et encore, aux côtés de ceux qui se donnent en spectacle et dont certains avaient annoncé il n'y a pas si longtemps souhaiter prendre du recul.

 

Jean-Guy Trintignac NPA 71