Châtenoy le Royal

A Châtenoy-le-Royal la vigne est une denrée rarissime

A Châtenoy-le-Royal la vigne est une denrée rarissime

Certes, s’agissant de sa surface cultivée en vignes, la commune de Châtenoy-le-Royal n’est plus ce qu’elle a été. Il y a cependant une poche de résistance qui tient bon contre vents et marées rue de la Liberté, et les irréductibles Gaulois (dans les deux sens du terme) qui n’ont de cesse de faire perdurer une tradition qui ne remonte, il s’en faut, pas à la dernière pluie tombée, viennent de mettre le fruit aux « vertus parfois étourdissantes », en lieu sûr.



Cent litres à l’arrivée, ce n’est pas la mer à boire !

C’est même une saga familiale, chose d’autant plus remarquable. Au sommet de la pyramide se trouve la matriarche et propriétaire de la petite parcelle, Mme Marguerite Mercey (qui doit donc s’acquitter de la dernière déclaration de récolte sur Châtenoy) depuis le décès il y a cinq ans de son mari Paul, laquelle gagnera un galon supplémentaire le mois prochain : 93 printemps. Elle pourrait d’ailleurs avec fierté se targuer d’une descendance à en donner le tournis à plus d’un(e) : sept enfants, douze petits-enfants, quatre arrière-petits-enfants, et trois arrière-arrière-petits-enfants ! Si aucun grain de sable (ou grosse pierre) n’enraye les rouages de la mécanique, gageons qu’on lèvera encore très longtemps son verre à la santé des ancêtres ! En l’espace d’une poignée d’heures samedi, les zélés serviteurs de la cause vineuse ont réglé leur sort aux ceps pour cette année. « C’est un amusement pour rigoler un bon coup », tel est le leitmotiv en vigueur. Gérard, le fils, Patrick Descharrières (lequel entretient la vigne en cours d’année) et Daniel Remandet, deux des gendres, sans oublier Bernard Jacqueson venu les soutenir moralement, peuvent désormais dormir sur les deux oreilles. Le jus de la treille, corsé à ce qu’il paraît (du baco noir principalement et un peu de chardonnay) est passé de vie à trépas à cause de sécateurs sans pitié.

Une « grosse » récolte est annoncée par les oracles : si le millésime 2013 n’avait représenté que cinquante litres (les étourneaux ayant pris de vitesse les vendangeurs), le millésime 2014 passerait du simple au double en termes de quantité. Ici simplicité et convivialité sont les deux mamelles du lopin de terre qui alimentera la consommation personnelle de celles et ceux appartenant au microcosme, ne serait-ce que sous la forme d’œufs en meurette. Mais surtout sans doute, le sang des végétaux possédera-t-il la faculté d’alimenter la chronique locale, et, bien au-delà de refaire le monde avec d’interminables palabres…Alors d’accord, jamais la production ne garnira la table d’un grand chef, où se trouvera dans un guide ad hoc à une place de choix. Mais rien que pour ça, le fait de se baisser, mettre un genou à terre, courber l’échine, et cette sociabilité spontanément induite, ne risquent pas de mettre les joyeux drilles en danger critique d’extinction.  

                                                                                     Michel Poiriault