Faits divers

« Je ne suis pas violent, j’étais alcoolisé... »

En comparution immédiate au TGI de Mâcon lundi 15 septembre après-midi, Lotfellah était poursuivi pour violences envers sa compagne et dégradations commises au domicile de cette dernière.

Deux fois de suite, ce samedi 13 septembre, la police est intervenue au domicile mâconnais de la compagne du prévenu. La première fois, la jeune femme n’a pas voulu porter plainte. Au deuxième passage des policiers à son domicile, elle s’est décidée à le faire. Parce qu’elle avait peur de la suite et des violences déjà subies à deux reprises.

Quatre ans que Tamara (prénom changé) et Lotfellah sont ensemble. Il travaille comme chauffeur routier, accumule les kilomètres, la fatigue. Samedi, se rendant au domicile de Tamara, le ton est monté, il a cassé la télé, des verres, un ventilateur. « ça n’est pas la première fois qu’il casse des choses chez moi sans les remplacer » a précisé la victime dans sa déposition. Elle n’est pas venue à l’audience. Deux fois, suite à des disputes violentes, la jeune femme s’est fait délivrer des soins et a établi des certificats médicaux. Une première fois en 2013 de retour d’une fête à Lyon, où Lotfellah était resté dans son coin alors qu’elle s’amusait. « Il m’a reproché d’être trop sociable » écrit la jeune femme. « Elle se faisait draguer par tout le monde à la fête, », précise l’homme, depuis le box des prévenus. Sur la route du retour, dans la voiture, il lui cogne le visage contre le tableau de bord. Comme elle tente de s’enfuir, il la saisit par les cheveux, les lui tire, la frappe. « J’étais alcoolisé, je ne suis pas violent », Monsieur le juge, dit-il. Deux certificats médicaux établis en mai 2013 et juin 2014, avec le constat d’hématomes, de traumatisme crânien disent le contraire. « La violence ne fait pas partie de ma personne, avance Lotfellah. Elle me rabaisse psychologiquement sans arrêt. C’est beaucoup de frustration que j’ai, M’sieur le juge ».

Son casier judiciaire, où figure parmi cinq mentions une condamnation à 4 ans de prison pour viol par la cour d’assises du Rhône, (et une condamnation pour violation de domicile et appels malveillants ) raconte le contraire. « C’était mon ex-femme » reprend-il. Il est père de trois enfants, âgés de 11 à 14 ans. Il travaille régulièrement depuis 2006, a un CDI. Il signale qu’il a payé ses impôts, reconnaît aussi des dettes : « J’essaie d’avoir une vie stable. Je vous demande de l’aide, M. le juge ».

« Et vous voyez l’avenir comment là ?, demande le juge Guesdon, président de la collégiale.

- Là, je le vois sans elle, répond le prévenu.

- Vous ne trouvez pas que vous avez un problème, vous aviez eu un suivi psychologique, non ?

-Oui en prison, mais je ne pense pas en avoir besoin. 

-Vous donnez l’impression d’être quelqu’un de psychologiquement blessé. Quand on vous critique, cela vous affecte au-delà du raisonnable. Vous avez tout de même été condamné pour viol… », tente l’un des assesseurs.

- Je veux travailler, je veux la rembourser, je ne veux pas la harceler ! », répond le prévenu, qui ne semble pas foncièrement très conscient d’un problème comportemental de sa part…

« Ces violences sont intolérables, assène la procureure Malara. Votre amie a le droit de ne pas être facile à vivre. Vous n’avez pas le droit de la cogner. Les violences, confirmées par deux certificats médicaux, sont significatives. Et votre état alcoolique, d’ailleurs contestée par la victime, n’est pas une excuse. La violence ne s’arrête jamais toute seule.» Et de requérir trois ans de prison assortis d’un sursis mise à l’épreuve de deux ans, la réparation des préjudices, l’interdiction d’entrer en contact avec la victime et l’obligation de se domicilier loin, hors du département. Elle reconnaît un passé familial difficile au prévenu.

Me Gras-Comtet, l’avocate du prévenu dira de son client « qu’il n’est pas un fou furieux ». Insiste sur l’aide financière fournie mensuellement à la victime. Minimise évidemment pendant sa plaidoirie les épisodes violents, « deux en quatre ans de relation » et conteste l’obligation de résidence hors du département puisque « sa famille est mâconnaise ».

Lotfellah a été reconnu coupable des dégradations et des violences reprochées et a été condamné à 18 mois de prison avec sursis mise à l’épreuve (SMAE) et obligation de soins. Pendant dix mois, il doit strictement observer le non-contact avec la victime, l’indemniser et surtout suivre des soins. En cas de dérogation à l’une de ses obligations, il va directement en prison. Les 8 mois restant à purger , varieront selon son comportement soit en détention, soit avec bracelet électronique, après avis du juge d’application des peines. Tout dépendra de son comportement pendant les dix mois à venir. « Oubliez Tamara », a conclu le juge Guesdon.

F.G