Chalon sur Saône
Jos Houben : le rire n’est pas le rire !
Publié le 28 Septembre 2014 à 11h16
L'artiste s'est prêté au jeu des questions-réponses avec info-chalon.com.
Jos Houben a rendu au public son bon rire bonhomme, celui où on ose être soi-même avec le corps qu’on a, sa dignité et ses maladresses. Un spectacle bien mené, au tempo bien rythmé, sans temps mort ni improvisation. Tout est dit et joué avec tellement de calme que très vite on se laisse mener par le bout du nez.
Jos Houben donne un cours sur l’art du rire : il pose les situations du rire, les illustre par la pratique -avec sa fameuse scène des accidents, imitant avec brio les animaux, et son camembert est inénarrable- mais à travers tout cela, il parle de nous, de notre corps, notre place dans la société, il effleure la philosophie du rire et donne le "la" de la conclusion, laissant les applaudissements éclater en bouquet pour cet artiste du rire, avec trois rappels.
Un mélange d’humoriste, de comédien et de danseur de music hall, entre le mime, le masque et le cours, pour figurer l’homme et son corps dans son quotidien. A voir de toute urgence. Pourquoi ? Parce que c’est drôle !
Après le spectacle, conversation libre avec Jos Houben pour Info-Chalon :
Vous faites rire le public et cela fait du bien, ce sont toujours de bonnes soirées comme celle-ci ?
Je parle aux gens, je m’adresse à eux, je suis à l’aise, le spectacle est bien construit, je me sens en sécurité et les gens aussi, le rire est un sujet mais c’est aussi la petite porte pour parler d’autres choses, du corps dans la société, ma mission n’est pas d’expliquer tout sur le rire, mais de redonner le corps aux gens.
C’est la possibilité d’être soi-même…
Je suis rabelaisien. Le corps est bon et fédérateur.
Il y a des salles qui ne comprennent pas tout de suite. Parfois en province, ou quand il y a un traducteur (Buenos Aires, en Espagne, ou en Italie…), on sent la réticence du public, là où les gens n’ont pas l’habitude du théâtre, alors il faut adapter le texte, mais quand je trébuche, ils rient, je goûte ce moment.
Comment travaillez-vous, vous partez de l’observation du monde ?
Le point de départ du théâtre est le corps, il est généré par le corps et le corps connaît les choses avant de les conceptualiser, l’enfant rit avant de parler. Les bases de cette approche du théâtre sont l’observation et la participation active de tout ce qu’on observe.
Comment est né ce spectacle précisément ?
J’ai travaillé à Londres. J’ai regarde de vieux messieurs sur scène de music hall, ce côté artisanal de leur manière, leurs gestes de vieux anglais, c’est comme les magiciens, cela me fascine car ils travaillent sur quelque chose d’universel de notre perception.
Vous êtes une sorte de révélateur…
Je sors les gens de cette amnésie d’eux-mêmes, ils se reconnaissent, ils sont nourris de quelque chose. Les gens viennent me dire merci, ils ne disent pas bravo mais merci, car ce sont eux le sujet.
Il y a une 3e chose qui me fascine aussi, cette liberté totale sur scène sans décor, pas de technique, je n’ai pas de micro : c’est un pur moment d’espace et de temps, dans lequel je sens qu’ils me suivent, un pur moment de rire sans artifices. Dans Fragments de Beckett, de Peter Brook, il n’y a rien comme décor, deux tabourets ! Quand il y a un décor incroyable, on est séduit mais au bout de deux minutes on se lasse.
C’est en fait assez proche du conte, pas de décor, mais la vie de l’histoire, et c’est magique cette attention du public !
Magique, c’est le mot. Peter Brook dit qu’on est tout le temps sur un fil, comme le fil du rasoir.
En fait, vous êtes entre le mime et le conteur ?!
Plutôt le masque
que le mime. Quand je joue la poule, je m’efface derrière la poule, on ne voit plus qu’elle. Le comédien disparaît dans le masque, quand il mt le masque d’Arlequin, il n’est plus qu’Arlequin. Le principe est de lutter contre l’ennui, c’est-à-dire de rester vivant. Quand j’ai joué l’art du rire aux Bouffes du Nord, il fallait trouver cette fluidité qui reste vivante. Une petite fille était venue sur scène car elle me connaissait au milieu du spectacle, je lui ai dit de retourner chez son papa, au lieu de jouer avec cet imprévu, ce n’est pas facile, on apprend tous les jours.
C’est une qualité de présence
Qui s’affine avec l’expérience, sur scène, c’est être généreux, sensible, pertinent. Un spectacle sur scène est un condensé de la vie, il ne faut pas aplatir la vie, mais la condenser.
Revenons au spectacle…
Ce spectacle s’est construit peu à peu. Un jour, au cours d’un stage, on m’a demandé de faire un résumé du stage pour les sponsors. Je l’ai fait avec les élèves sur scène, puis sans élèves…un jour quelqu’un m’a dit : "c’est pas mal, cela tient debout sur scène"… un théâtre m’a donné carte blanche sur scène pour plusieurs soirées… Mon principe est "avance", "un sujet et j’avance"… une amie m’a vu sur scène, en a parlé à Peter Brook, qui m’a alors demandé de le faire pour son théâtre aux Bouffes du Nord, c’est devenu un spectacle à part entière… ensuite le Rond-point m’a invité, puis c’est parti en tournée dans le monde.
De prochaines créations ?
Je crée un spectacle burlesque avec Marcello Magni, "Marcel".
Je serai au 104, avec Jean-François Peyret.
Ce sera l’art du rire, sans paroles.
Et le mot de la fin
"la seule chose qui se fait encore à la main, ce sont les applaudissements"
Infos :
L’art du rire, Jos Houben, espace des arts, dimanche 28 septembre 17h.
Marcel, Jos Houben, Marcello Magni, 29 janvier au 14 février 2015, Bouffes du Nord, Paris.
S.B.
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