Cinéma

Jeudis de la Bobine à Chalon : Le secret de Kanwar

Jeudis de la Bobine à Chalon : Le secret de Kanwar

Jeudi 16 octobre, la Bobine, en partenariat avec l’Axel, projettera Le secret de Kanwar [1], d’Anup Singh. Un film qui mérite sans doute l’attention des lecteurs d’Info-Chalon.

Il faut l’admettre, quand on lit le synopsis du Secret de Kanwar, on n’éprouve pas forcément l’irrésistible envie de courir voir ce film à l’Axel. En effet, depuis les débats sur la loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe, les polémiques entretenues par la « Manif pour tous » sur ce que ses membres appellent la « théorie du genre », le spectateur peut y regarder à deux fois avant de jeter son dévolu sur un film mettant en scène un père décidant de changer la destinée de sa quatrième fille, en l’élevant comme un garçon et en « le » mariant à une jeune fille. Ce qui peut se comprendre : sur un sujet donné, « face à une lumière qui se fait de plus en plus brillante, il faut que les yeux s’habituent peu à peu, sinon, éblouis, ils se détournent » [2]. Par ailleurs, les documentaires sur les « bacha posh », ces filles élevées comme des fils dans les familles afghanes qui n’en ont pas, ne manquent pas [3]…Aussi le spectateur chalonnais pourrait-il légitimement s’interroger sur la nécessité de voir à tout prix le Secret de Kanwar.

Ceci posé, Info-Chalon serait néanmoins enclin à vous recommander d’aller faire un tour du côté de l’Axel ce jeudi soir. D’abord, parce que, contrairement aux apparences, ce n’est pas à la société afghane que le réalisateur s’intéresse, mais aux conséquences de la partition, en 1947, de l’Inde et du Pakistan, ceci au travers d’une famille Sikh, semblable à celle dans laquelle Anup Singh a lui-même grandi. Parce que, ensuite, le choix de se focaliser sur ceux qu’une loi votée au Parlement de l’Inde en 1971 définit comme des personnes ne se coupant pas les cheveux et croyant dans les dix Gurus humains et dans le Guru intemporel, le Guru Granth Sahib, permet d’envisager la cohabitation du féminin et du masculin en une même et seule personne [4], et donc de poser en des termes nouveaux la question de l’identité sexuelle.

Ceci étant, si Info-Chalon vous incite vivement à voir le Secret de Kanwar, c’est surtout parce que le réalisateur a entendu s’efforce de répondre à une interrogation, la suivante : dans quels puits, nous retrouvons-nous à jeter ceux qui nous entourent, que ce soit pour des raisons politiques, religieuses, culturelles ou idéologiques ? Une question que le réalisateur se pose depuis qu’un Sikh assez âgé lui a confié qu’il ne cessait de rêver que sa fille, morte à seize ans, l’attendait au fond du puits dans lequel elle avait sauté, pour protéger son « honneur ». On ne vous en dit pas plus. Si vous voulez comprendre le pourquoi du comment, vous savez ce qu’il vous reste à faire…

 

S.P.A.B.

 

[1] 2014. Durée : 1 h 49

Bande-annonce :

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19547410&cfilm=216870.html

[2] Mazarin, Bréviaire des politiciens, Arléa, p 59, 7 euros

[3] On pense notamment à celui-ci : http://www.arte.tv/guide/fr/048190-000/les-bacha-posh-afghanes

[4] En effet, dans la tradition Sikh, se couper les cheveux est tabou. Ainsi les Sikhs hommes grandissent-ils, comme l’explique le réalisateur dans une interview, en voyant pousser leurs cheveux jusqu’à leur taille. Puis ils font un nœud avec leurs cheveux et les placent dans un turban. Et tout d’un coup, l’affirmation de leur part féminine disparaît au profit d’une apparence masculine et guerrière. Pendant un temps, donc, cohabitent en eux féminin et masculin.