Chalon sur Saône

Pile électrique, ressort comprimé puis détendu, l’insaisissable Plastic Bertrand incarne un fol enthousiasme

Pile électrique, ressort comprimé puis détendu, l’insaisissable Plastic Bertrand incarne un fol enthousiasme

Les ans n’ont, vu de l’extérieur, aucune prise sur lui, tant sa plastique de jeune premier n’a d’égale que son explosif plastique. Bref, Plastic Bertrand, au nombre des têtes couronnées de « Rendez-vous avec les stars » va faire comme à l’accoutumée aujourd’hui à 14h30 et 20h15 au Parc des expos de Chalon-sur-Saône : pousser à un moment donné la machine anti-calories à son maximum. Soupçons d’éruption volcanique en cours de journée…

« C’est peut-être l’artiste de la maturité que vous allez voir ! »

C’est vrai que l’on pourrait subodorer que, tout à son affaire, le longiligne Plastic s’en tienne là. Ce serait aller un peu vite en besogne et pécher par obscurantisme. Sous la tenue d’apparat il y a un artiste qui vibrionne certes, mais discerne également, ce qui ne gâche rien. « C’est un cadeau énorme, on peut se permettre de planer avec des noms aussi représentatifs que Dave, Petula Clark, Nicoletta…On se rend compte qu’on est dans cette catégorie-là ! » Ceci reste entre nous, mais depuis février dernier il fait partie du club des sexagénaires. Sincèrement, trouvez-vous qu’il accuse le coup du haut de ses soixante printemps ? « Ca ne change pas grand-chose, je me sens bien. C’est peut-être l’artiste de la maturité que vous allez voir ! » Sa boulimie existentielle n’a pas spécialement eu d’avaries. Dans ces conditions… » J’apprends toujours, ce sont des gens qui ont un tel métier, avec des monstres sacrés comme Petula. Elle a toujours son accent, cette légèreté. Ca reste frais, et ça c’est fondamental. » Sa recette n’a rien de révolutionnaire, elle ne dépasse pas l’entendement. « Je travaille beaucoup. C’est du cadeau. Comment peux-tu faire la gueule ? Les gens qui viennent savent très bien qui je suis.» Son hypertonicité pourrait, schématiquement et en transposant, s’apparenter pour partie à des ruades, bravades, une revanche envers l’adversité. Plastic parle de « passage en force dans ma vie d’artiste, car il n’y a pas que des gens bienveillants dans ce métier. »

Gai, vif et entraînant

Le natif d’outre-Quiévrain n’est pas habité par un rôle qu’il doit machinalement reproduire. Faire pour faire, circulez, y’a rien à voir. « Je ne m’ennuie jamais sur scène, c’est jamais pareil, je n’ai aucune lassitude. » En revanche, la fleur au fusil en sifflotant, très peu pour lui. « A chaque fois j’ai le trac, mais c’est un trac positif, il dure. On est lamentables avant le spectacle, et dès qu’on entre sur scène, tout est oublié.» Donne-t-il l’impression d’être un gaillard angoissé lorsqu’il met le feu aux poudres au su et au vu de tout le monde ? « Je n’ai pas dormi la nuit de jeudi à vendredi, j’étais tracassé par quelque chose, et j’en ai fait part à Guy Mattéoni (le chef d’orchestre). Je règle tout avant, et ensuite je suis libre d’improviser sur scène. » Son moral est d’enfer, il l’a promis, on va voir un Plastic des grands soirs, le frisson ayant émargé au développement durable. C’est presque un lieu commun d’écrire cela, même si ce n’est jamais gagné d’avance. « Avec Nicoletta, Dave, etc. on va bien s’amuser sur scène. C’est aussi une petite famille. » La sympathie qu’il dégage lui attire invariablement une notoriété qu’il n’est pas du genre à balayer d’un revers de la main. Ca le touche profondément. Des limites ne doivent toutefois pas être franchies, sous peine d’édulcorer son appétence au partage. « J’aime les gens. Je suis heureux de les rencontrer en tournée. C’est que du bonheur, je ne refuse pas un autographe, ni une photo. Mais tout le temps, après le spectacle, pendant une heure, par exemple, c’est autre chose. » A Chalon sa trilogie composite va à n’en point douter déclencher l’hystérie collective : Bambino, Sentimentale-moi, et le colossal Ca plane pour moi, tous morceaux d’anthologie tombés les armes à la main au champ d’honneur de la mémoire collective. Lesquels retrouvent de leur superbe à chaque exhumation. De toute façon Plastic ne se verrait pas tirer des plans différents sur d’autres comètes. « Je serais très malheureux si je devais arrêter la scène. Ca me tuerait. Il y a un truc chimique, une alchimie. » Il suffit de s’inspirer du grand Charles qui, à quatre-vingt-dix ans bien sonnés déplace encore les foules…As-tu conscience que si le facteur chance se range à tes côtés, trois décennies à permettre aux publics de ne pas avoir les pieds sur terre te tendent les bras ? Plutôt chouette, non, de bluffer quantité d’admirateurs durant encore un bail de x années ?

                                                                                                 Michel Poiriault