Bourgogne

La Bourgogne défend ses vendangeurs

La Bourgogne défend ses vendangeurs

La profession viticole bourguignonne – et au-delà même – a fait front commun vendredi 24 octobre à Beaune pour défendre et conserver en l’état ses Contrats Vendanges. La Loi de Finances 2015 - qui sera votée le 3 novembre à l’Assemblée Nationale – menace en effet de limiter son intérêt pour les saisonniers. Les vignerons bourguignons veulent eux garder l’attractivité des vendanges manuelles traditionnelles.

Cette modification n’est pas acceptable, elle décourage, démotive et engendrera sur un plan national, une perte de 17 millions d’euros de pouvoir d’achat pour les vendangeurs signant un des 350.000 Contrats Vendanges chaque année.

 

« Alors que notre vignoble n’est pas délocalisable, ce serait dommage de tuer l’emploi local pour ne plus faire venir que des bus de salariés étrangers », reste dubitatif Robert Martin, pour la FRSEA Bourgogne. « Ce Contrat Vendanges faisait l’unanimité et n’a jamais été attaqué par les salariés », rajoute Jean-Michel Aubinel de la CAVB. Tout deux veulent « garder en l’état » le Contrat Vendanges. Ils sont rejoints en cela par les Vignerons indépendants, la fédération des Caves coopératives et les Maisons de négoce. Mais pas seulement. La CGPME de Bourgogne et de Côte d’Or aussi soutiennent cette volonté car « au delà du Contrat vendanges, c’est toute la réforme des temps partiels qui va créer d’autres problèmes », renchérit Olivier Tricon, président régional de la CGPME Bourgogne et vigneron à Chablis.

Car la Loi de Finances 2015 qui sera votée le 3 novembre – avant de partir pour le Sénat – prévoit de supprimer l’exonération de la part salariale des cotisations d’assurance sociale et la possibilité de cumuler temporairement deux activités pour les salariés. Ce sont donc en premiers les vendangeurs qui seront impactés. De l’Ordre des experts-comptables de Bourgogne Franche-Comté, Thierry André fait rapidement le calcul : « En supprimant l’abattement de 7,8 points sur les charges, sur une fiche de paie de 1.000 €, le vendangeur va percevoir 78 euro de moins en salaire net ». Une mauvaise nouvelle donc pour tous les saisonniers, étudiants, chômeurs ou salariés. Ces derniers ne pourront tout simplement plus venir vendanger et gagner un complément de salaire.

Vendanges moins attractives

Donc, « on rend les vendanges moins attractives ». Un fait confirmé par Christophe Bouchard, négociant propriétaire qui donnait un exemple dans sa Maison : « Jusqu’à l’an passé, on refusait 50 personnes pour employer 230 à 250 personnes. Cette année, l’érosion des demandes a été telle que nous avons recruté des vendangeurs jusqu’à 80 km de là ! Qu’est-ce qui va se passer l’an prochain ? », questionnait-il en guise d’alerte en direction des députés. Pour l’heure, des amendements seront vraisemblablement déposés. Le député-maire de Beaune, Alain Suguenot ou le président de la Région, François Patriat – pour le vote au Sénat – ont déjà annoncé leur soutien à la profession viticole Bourguignonne.

Le Gouvernement fait miroiter le Crédit impôt compétitivité emploi (CICE), aux chefs d’entreprise pour compenser la baisse de salaire. « On améliore la complexité du travail sous couvert de vœux pieux de rendre de la compétitivité aux entreprises et du pouvoir d’achat aux Français.  », dénonce Benoit Willot, président de la CGPME Côte d’Or. Le CICE « ne s’attaque pas au fond du problème, explique Thierry André sur la compétitivité des entreprises, permettant de créer de l’emplois en théorie. Le CICE a zéro impact sur la trésorerie puisqu’il s’agit d’une exonération d’impôt un an après, à négocier avec la BPI (Banque publique d’investissement) et donc cela coûte à l’entreprise de faire des prêts à court terme en attendant ». Conclusion logique : « quand l’entreprise souffre, tout le monde souffre : le chef d’entreprise, les salariés et le Trésor public » lâche lucide Robert Martin. « Les entreprises viticoles en Bourgogne sont des TPE de 2-3 salariés et des saisonniers. Si cela continue, nous n’aurons plus aucune compétitivité », insiste Jean-Michel Aubinel.

La Bourgogne toute entière « défendra bec et ongles » le Contrat Vendanges actuel « dans son intégrité ». En attendant cette fameuse « simplification », il aurait été tellement plus simple de ne pas casser ce qui marche !

Cédric Michelin

L’Exploitant Agricole de Saône-et-Loire