Chalon sur Saône

Les petites histoires de la grande histoire de la Madeleine Proust bientôt en virée à Chalon

Les petites histoires de la grande histoire de la Madeleine Proust bientôt en virée à Chalon

Oyez, oyez, braves gens : la Madeleine Proust, ce membre à part entière d’une famille type, fête ses trente ans de vie publique sur scène. Elle sera à Chalon-sur-Saône le samedi 22 novembre pour deux représentations en la salle Marcel-Sembat : à 16h et 20h30. Avec la faconde dont elle est coutumière, il y a fort à parier que l’artiste saura vous séduire en vous prenant par les sentiments. Elle entame ci-dessous son travail de sape avec une sincérité qui l’honore.

On a l’impression que vous avez bénéficié d’une liberté totale dans votre carrière, n’ayant pas hésité à prendre vos cliques et vos claques ponctuellement ?

« En fait, c’est peut-être ça, éviter de faire carrière, parce que j’étais au sommet dans les années 90. J’ai tout arrêté du jour au lendemain, et j’ai passé beaucoup de temps pour être bien avec moi-même : cinq mois en Inde, un voyage en Chine de deux mois et demi, de la méditation dans le désert… La liberté a peut-être ce prix-là. Si à l’époque il y avait eu quelqu’un proche de moi, pour m’expliquer avec bienveillance qu’il fallait tenir, ne pas partir si longtemps, est-ce que je l’aurais fait ? Le temps a vraiment été une richesse, j’ai nourri ma créativité, même si je le paye au niveau des médias à Paris. Je suis un bélier et je m’accroche. Quand j’avais trop de notoriété je n’étais pas si solide que ça. J’ai acquis à présent beaucoup de maturité, et du coup ça m’évite de me faire entrer dans ma bulle ou d’être une éponge. Explorer qui j’étais m’a donné beaucoup de force. »

 

Depuis trente ans sur scène,  ce ne doit pas être une sinécure ?

«J’ai commencé en 1983. Pour les trente ans j’ai décidé de retourner jouer dans les villages, et de vendre mon spectacle aux communes et associations avec un tarif en fonction du nombre de places (pour ce faire aller sur [email protected] N.D.L.R.). Le public est super heureux que la Madeleine vienne à leur porte. J’ai énormément joué dans le passé en Bourgogne, et en Saône-et-Loire en particulier. C’est comme chaque vie, il y a des montagnes russes parfois. J’ai maintenant une conscience plus éveillée des autres, et un regard sur le Monde différent. J’ai toujours au fond de moi cet instant de ne pas vouloir me sentir enchaînée. Je suis quand même une femme libre, ça me plaît d’être ça. Par contre je suis engagée depuis toute petite contre les injustices. J’ai beaucoup de peine quand j’arrive à visualiser ce que les voraces, la cupidité, ont fait à notre planète et aux êtres humains, avec violence. Je me sens un peu à l’extérieur, et très reliée à ces gens-là. »

Est-ce qu’il y a beaucoup de vous dans cette Madeleine Proust jamais reniée ? Quelle signification a-t-elle ?

« Le personnage est réellement une composition de théâtre. Je suis par exemple quelqu’un de sportif, je ne serai jamais bossue. C’étaient vraiment deux mondes, sauf que la Madeleine m’a beaucoup apporté, et je l’ai fait évoluer au fil des spectacles. Je l’ai amenée vers de l’ouverture. Elle a été réac, elle est devenue bienveillante. »

Quel est votre meilleur souvenir ?

« Au Théâtre du Gymnase je jouais tous les jours avant 91. Je pense que j’étais fatiguée, et ne savais pas vivre dans l’instant présent. Au lieu de savourer cette merveille quotidiennement, six cents personnes pour vous applaudir, moi dans ma tête j’aurais voulu être ailleurs. Un jour un mec, au premier rang, n’a pas bougé de tout le spectacle. Il est resté sans rire, dans ma tête il a cassé l’ambiance. Je le maudissais pendant que je jouais, même si par expérience je sais que souvent les premiers rangs ne s’exclament pas comme derrière, c’est plus pudique. A la fin je vais saluer, il s’approche de moi, il avait trente ans à peu près, et me dit ceci : »Je vous remercie, c’est le plus beau jour de ma vie. » Il fallait que j’arrête d’interpréter, ça a été énorme, j’ai pris une leçon sur les a priori, les jugements. C’est la vie qui m’a envoyé cet ange. Je voudrais bien le revoir pour lui dire merci en face. »

La Franche-Comté serait-elle le nec plus ultra pour la native de Morteau ?

«La Franche-Comté –l’instance- m’a longtemps ignorée. Depuis une dizaine d’années je suis encouragée, et c’est hyper précieux pour moi. Il a fallu que la gauche arrive au pouvoir. C’est un terreau extraordinaire, mais j’aime bien en partir aussi. Si je vais jouer ailleurs il y a une espèce de filiation. Avec un public non franc-comtois il y a de la distance avec mon travail, on va alors me parler de finesse de l’interprétation, etc. L’autre fois j’ai été intronisée à Paris à l’Académie Alphonse-Allais, en même temps que Gonzague Saint-Bris, Gérald Dahan, Hélène Delavault, et le dessinateur Jean-Claude Marchoisne. Ils ont diffusé dix minutes de mon spectacle. Il y a beaucoup de nuances dans mon humour : gestuelle, sous-entendus, les 2ème, 3ème…degrés, le passage du coq à l’âne… »

A Chalon-sur-Saône en deux fois le samedi 22 septembre, la Madeleine aura-t-elle des sautes d’humeur ?

« Ces spectacles sont comme une partition de musique. Chaque geste est écrit avec le texte, c’est très, très précis, et j’aime quand ça tombe pile-poil. Dans cette partition il y a le public, c’est comme si c’étaient tous les violons, c’est génial. Le public n’en a pas conscience, mais c’est lui qui fait le spectacle, car s’il vient avec moi dans l’émotion qui monte, le souvenir, tout d’un coup le rire revient. J’adore être sur scène et jouer avec lui. »

« La Madeleine Proust, une vie », votre dernier ouvrage en date, couvre la période 1925-1939, une sacrée remontée dans le temps. Quelle en est la teneur ? Aura-t-il une descendance ?

«Il y a eu « Le Cri du milan », disponible à la fin de mes spectacles, un polar écolo-mystique à l’écriture très ciselée, affûtée, puis trois livres de brèves regroupant les phrases cultes de la Madeleine. Les Editions Flammarion m’ont demandé pour les trente ans d’inventer une vie à la Madeleine. Moi qui adore écrire, j’ai jamais pensé à ça. Alors je suis entrée dans son enfance, ça lui donne de l’épaisseur. Le premier tome va de 1925 à 1939, il s’arrête quand elle a 14 ans, puisque dans un spectacle j’ai dit qu’elle allait rencontrer André Proust. Le 2ème tome s’attachera uniquement à la guerre de 40, il s’agit de réinventer la vie à chaque instant. Il devrait sortir début septembre 2015. Elle raconte sa vie, toute l’histoire des personnages que je raconte dans mon spectacle. Pour « La Madeleine Proust, une vie », on me dit qu’on rit et qu’on pleure, qu’on le dévore. Je suis contente de les emmener dans une émotion. J’ai des fins de chapitre qui font froid dans le dos, qui incitent à tourner la page pour aller voir après. J’ai relu tout Stendhal, reprendre les classiques à différents âges de votre vie c’est génial. Mon livre a quelque chose de la tradition, des romans du XIXème siècle, avec beaucoup de détails comme dans mon spectacle. Ecrire c’est rêver, j’ai toujours aimé les histoires, qu’on nous raconte, qu’on s’invente. La vie de chacun est incroyable. Quand j’écris je vois, je ressens les choses, c’est très vivant, je suis surprise aussi. La Madeleine va tomber amoureuse d’un garçon, on est le premier lecteur. Il faut qu’on aime ce qu’on écrit avec l’exigence qui est au fond de nous. »

Y a-t-il encore quelque chose que vous n’ayez pas accompli ?

« J’ai adoré faire des lectures-spectacles, en lisant mon premier roman, qui est l’état des lieux de la France entre les deux guerres. Il a fallu beaucoup de recherches historiques. Il y a eu deux spectacles, l’un avec un orchestre de Dijon, un ensemble avec de la musique classique, l’autre avec un orchestre symphonique de cinquante musiciens. Le problème, c’est que je manque de temps, mais qu’est-ce que j’adorerais faire une tournée dans toute la France avec des orchestres du coin ! J’aimerais que quelqu’un s’en occupe. Autrement je n’ai pas le trac. Mes seules tensions sont dues au texte, lorsque je n’ai pas joué depuis un moment. Je déteste apprendre par cœur. »

 

Renseignements complémentaires :

www.madeleineproust.fr Pour le spectacle (placement numéroté), placé sous l’égide d’A Chalon Spectacles, location au 03.85.48.37.97 5 (Office du tourisme et des congrès du Grand Chalon). Points de vente habituels : Fnac, carrefour, Leclerc, Géant, Cora, Auchan. Infos et réservations PMR : 03.85.41.50.04 ; [email protected]

                                                                                        Michel Poiriault