Chalon sur Saône

La Madeleine Proust, notre madeleine à nous

La Madeleine Proust, notre madeleine à nous

Trente ans de scène, cela valait bien à la Madeleine Proust un arrêt sur images, elle qui a fêté en deux fois (en matinée et en soirée, preuve s’il en est de sa solide constitution) ses 76 printemps (fictifs) samedi en la salle Marcel-Sembat de Chalon-sur-Saône. Une fois encore elle a fait tout un roman des choses simples de la vie, ce qui, dans sa bouche, prend une dimension distincte, ravissant son peuple d’inconditionnels.

Une terrienne qui appelle un chat un chat

Impayable, presque inénarrable Madeleine, l’une des plus nobles conquêtes de la paysannerie et de son solide bon sens, dont l’apologie est faite par voie de conséquence ! La culture ancestrale, ce qui fleure bon le terroir, le ferment de la France profonde, les valeurs- refuges, « la » Madeleine a brassé tout cela depuis sa commune franc-comtoise qu’elle ne quitterait pour rien au monde, imbibée jusqu’à l’os des us et coutumes locaux. Pis même, elle a pris perpette ! A bien y réfléchir, nous sommes tous de ses descendants, pour peu que l’on prenne conscience de la ruralité qui était monnaie courante jadis. Dans son seule-en-scène Madeleine (Lola Sémonin en vérité) s’affaire uniquement dans sa cuisine, y effectue les tâches ménagères, et soliloque beaucoup aussi. Entre passé et présent, elle se permet de cohabiter, situation paradoxale, avec du matériel high-tech, comme son portable, son ordinateur portable, ou son aspirateur autonome. Très tendance, la valeureuse septuagénaire ! Ce qui ne l’empêche par ailleurs pas de manger à moitié une brassée de mots lors de leur prononciation, et d’utiliser un langage argotique à tout le moins fleuri. Son classicisme désarmant donne à rire de bon coeur plus souvent qu’à son tour, sa fraîcheur d’âme, voire sa jobarderie y contribuant pour beaucoup. Brut de décoffrage, elle sait également s’adapter avec l’intention de tirer les marrons du feu en se montrant maligne comme un singe. Mine de rien, insère-t-elle de temps à autre avec son franc-parler des messages, subliminaux ou non, à portée sociétale, en somme son côté philanthrope inhérent au Docteur Jekyll. On ne se refait pas ! Madeleine séduit, Madeleine attendrit. Elle est des nôtres. Une bonne fois pour toutes.

 

Florilège de phrases à sensation

  • « A mon âge, quand tu te réveilles et que tu n’as pas mal, c’est que tu es mort »
  • « Les vaches elles mangent du diesel sans le savoir, et quand elles pètent ça sent le gas -oil» (à propos du carburant du tracteur qui contamine l’herbe NDLR)
  • « Avant, la bouse elle sentait le purin, maintenant elle sent le vaccin »
  • « Ma soeur Paulette dit : « Vaut mieux mourir tard que jamais »
  • « Ma maman disait : « La saleté ça sent bon quand c’est lavé »
  • « Moi, les 35 heures je les fais dans une journée »
  • « Autrefois André faisait 25 km pour me dire qu’il m’aimait. Kamel il a dit : « Il avait grave la dalle, l’ancien »
  • « J’ai dit à la Sainte Vierge qu’il y avait trop de morts à se rappeler, alors maintenant je les regroupe, j’en fais un filet garni »
  • « Jésus est né à la crèche parce que ses parents travaillaient toute la journée »
  • « Les hommes politiques ils sont toujours à la télé, mais quand c’est qu’ils bossent leurs dossiers ? »
  • « Il vient du 9-3 pour aller dans le 2-5, Kamel il dit : »Je viens du dur pour aller dans le Doubs »
  • « Dans le temps on n’avait rien et on faisait avec »
  • « On était pauvres, mais comme on ne le savait pas on n’était pas malheureux »
  • « Quand un Parisien s’arrête en Franche-Comté c’est qu’il a pas les moyens d’aller en Suisse »
  • « Tu sais pourquoi les retraités ils ont toujours la casquette sur une oreille ? Parce que c’est tout ce qu’ils ont réussi à mettre de côté »
  • « Moi, je trouve que le progrès c’était mieux avant, on avait le temps à cette époque »

 

Retrouvez la Madeleine dans ses oeuvres

Sur son site : www.madeleineproust.fr; [email protected]www.facebook.com/lamadeleineproust A noter le roman disponible (tome 1, de 1925 à 1939) de Lola Sémonin : « La Madeleine Proust, une vie ». Le tome 2, lui, est en cours de rédaction, et devrait être mis en vente à l’orée du dernier quadrimestre 2015. Patience d’ange…

                                                                                             Michel Poiriault