Chalon sur Saône

A Chalon comme ailleurs... Avocats, notaires, huissiers combattent le projet de loi Macron

A Chalon comme ailleurs... Avocats, notaires, huissiers combattent le projet de loi Macron

On n'a jamais vu cela... Des avocats, des notaires, des huissiers de justice ainsi que des commissaires-priseurs judiciaires, des mandataires de justice ou encore des greffiers de tribunaux de commerce, battant le pavé parisien, tous ensemble, pour crier leur mécontentement.

Ce mercredi après-midi ils sont plusieurs dizaines de milliers, venus de toute la France, à manifester dans les rues de la capitale, de la place de la République à l'Opéra, afin d'exiger le retrait immédiat du projet de loi Macron, présenté le même jour en Conseil des ministres.

Dans le cortège ils sont une quinzaine d'avocats du barreau de Chalon, revêtus de leur robe noire avec un rabat de couleur rouge à la place de l'habituelle couleur blanche. Rouge aussi est la couleur de l'écharpe, que portent les notaires de Saône-et-Loire et leurs collaborateurs, attendus par dizaines à Paris pour une manifestation, qui, quoiqu'il arrive, fera date. 

« C'est du grand n'importe quoi. Depuis de longues semaines on a travaillé avec la chancellerie sur la justice du 21e siècle et puis à l'automne fini Christiane Taubira, Emmanuel Macron arrive, et comme il faut satisfaire Bruxelles, il nous pond cette loi » souligne Frédéric Hopgood, bâtonnier du  barreau de Chalon, rappelant que les avocats n'ont jusqu'à présent jamais eu pour tutelle le ministère de l'Economie. 

En ce qui les concerne la principale pierre d'achoppement est « l'extension de la territorialité de la postulation à la cour d'appel ». Jusqu'à présent le justiciable est obligé de s'adresser à un avocat rattaché au Tribunal de Grande Instance du ressort de son domicile mais avec cette loi ce ne serait plus le cas. Inacceptable pour Me Hopgood, car cela aurait pour conséquence « d'éloigner le justiciable d'un avocat proche ». De gros cabinets parisiens, lyonnais, ou encore marseillais, et même dans l'absolu de New-York, s'ils sont déjà installés en France, pourraient en effet ouvrir un cabinet secondaire à Chalon ou à Mâcon. « C'est l'accès au droit de tous les citoyens où qu'ils soient qui pourrait être remis en question. Avec cette mesure on va nous enlever progressivement un certain nombre de dossiers et avec moins de clients on ne pourra donc plus payer nos charges, plus payer notre personnel », fait observer l'avocat chalonnais, qui craint la suppression des barreaux locaux et la création d'un ordre régional pour régler les problèmes internes.
Le second motif de colère était la création du statut d'avocat salarié en entreprise. Mais devant l'ampleur de la fronde Bercy est revenu sur ce point très contesté et a préféré retirer cette disposition. « Nous avons déjà gagné une bataille » s'est réjoui le bâtonnier Hopgood, lors du rassemblement, qui a eu lieu mardi matin sur les marches du Palais de Justice de Chalon et qui a regroupé la moitié des avocats inscrits au barreau de la cité de Niépce. Au cours de ce rassemblement Frédéric Hopgood a réaffirmé « Nous ne braderons pas nos clients sur l'autel de l'économie et de la croissance ». Faisant allusion à une déclaration d'Arnaud Montebourg, alors ministre de l'Economie, affirmant qu'en s'occupant des professions réglementées juridiques « on allait donner de l'argent aux Français », Me Hopgood s'interroge « Dans tout cela où est vraiment l'impact pour le consommateur ? ».

Une utopie pure pour faire plaisir aux technocrates de Bruxelles 

« Nous sommes hélas gouvernés par des énarques qui ne connaissent pas le terrain, qui ne savent même pas ce que sont des charges ou le prix d'un stylo » confie Me Martine Thomas-Crolet, vice-présidente de la Chambre des notaires de Saône-et-Loire. « Ce projet est une utopie pure pour faire plaisir aux technocrates de Bruxelles » note-t-elle. « Une telle loi signifierait la fin de notre activité, telle qu'elle est conçue ». Les notaires redoutent que la liberté d'installation et le plafonnement de certains de leurs tarifs menacent directement la survie de certaines études. « Ils veulent réglementer comme dans les pays anglo-saxons mais ils vont démolir la profession. On ne pourra plus tourner et payer nos salariés » souligne Martine Thomas-Crolet en colère et qui ne mâche pas ses mots « On a les moyens de se faire entendre. On est en guerre contre le gouvernement, Bercy, Macron ». Près de 10 000 emplois pourraient en effet être menacés, selon le Conseil supérieur du notariat.  

Même son de cloche chez les huissiers de justice, qui redoutent par la voix de Me François Touillier, président de la chambre départementale de Saône-et-Loire, la création d'une seule et même « profession de l'exécution ». « Fusionner ces différents offices pourrait déboucher sur de graves conflits d'intérêts ».

Avocats et notaires de Saône-et-Loire n'ont pas attendu cette journée « Justice morte » ce mercredi 10 décembre 2014 pour exprimer leur ras le bol. Les notaires n'assurent plus les consultations gratuites et ne siègent plus dans les organismes d'Etat depuis le 1er décembre dernier. Quant aux avocats ils sont en grève d'audience, de garde à vue, d'hospitalisation d'office depuis lundi jusqu'à nouvel ordre. Une session de la Cour d'Assises de Saône-et-Loire doit normalement débuter ce jeudi à Chalon et pourrait donc être renvoyée à une date ultérieure si la grève persiste. Un mécontentement qui s'ajoute aussi à celui des tribunaux de commerce. Les juges consulaires de Chalon et de Mâcon ayant en effet suspendu toute activité juridictionnelle.

Gabriel-Henri THEULOT