Opinion

Une marche pour l'Histoire... Et après ?

Ce week-end en France, des millions de personnes défilent suite aux attentats de cette semaine ayant fait 17 morts. Des mouvements spontanés jusque dans les plus petites communes pour lancer un défi à ceux qui voudraient que la peur s'installe. C'est historique, et tout le monde vous le dit. Déjà parce que c'est un mouvement citoyen, mais aussi parce que le monde entier défile (preuve en est le nombre de chefs d'Etats présents à Paris, de l'Espagne à la Hongrie, de l'Allemagne au Mali.

Ces prochains jours, on racontera l'émotion, on répétera les chiffres, on montrera les images... Mais demain, qu'est ce qui restera de tout cela ? Par exemple, on sent de la part de survivants de Charlie Hebdo une certaine gêne à se voir ainsi glorifiés alors que, jusqu'à mercredi, ils travaillaient le plus souvent dans l'indifférence et avaient même du mal à boucler les fins de mois. La question de savoir si Charlie vivra est essentiel. Mais il ne faut pas que Charlie vive parce que c'est un symbole mais queCharlie vive parce qu'il est utile, qu'il apporte un plus dans le paysage médiatique français. En clair, il faudrait rapidement que l'on laisse l'équipe travailler sans lui coller aux basques pour qu'elle n'est pas de pression. Donc, il va falloir se remettre à parler d'autre chose dans l'actualité et entre nous. Ca fera du bien à tout le monde.

Deuxièmement, que restera-t-il de la (fragile) union nationale née après les attentats de Paris ? Les politiques comprendront-ils que se déchirer sur des idées est légitime mais que se battre pour un égo est contre-productif ? Les chefs d'Etats venus à Paris (y compris des indésirables comme l'Arabie Saoudite, où les femmes n'ont pas le droit de conduire - niveau liberté on a vu mieux), se souviendront-ils que des hommes qui défendaient la liberté (que ce soit ceux de Charlie Hebdo ou les policiers) faisaient partie des personnes pleurées lors de cette marche ? Entameront-ils des discussions avec d'autres pays ou avec leur propre peuple pour engager des progrès dans les sociétés ?

Si toute cette mobilisation n'entraîne pas de changements dans le monde, ne débouche pas sur des mesures pour plus de paix, plus de vire-ensemble, plus de sécurité, plus de dialogue... Alors la France et le monde seront descendus dans la rue pour rien. Les gens continueront à faire la gueule dans les transports. Le racisme ne baissera pas. Les débats resteront stériles. L'humour restera risqué... Aujourd'hui, sous l'impulsion du monde médiatique  qui sait très bien s'organiser pour mobiliser en masse - la France manifeste pour la liberté de la presse, la liberté de culte, la liberté tout court. Et si on manifestait juste pour un monde meilleur ? Car à n'en pas douter cette semaine sera racontée dans les livres d'Histoire de nos enfants. Autant que le chapitre ait du sens. Lequel ? C'est notre responsabilité.

Olivier COLLET