Chalon sur Saône

Pas de Culture sans artistes – Entretien avec Philippe Buquet, Directeur de l’Espace des Arts de Chalon sur Saône

Pas de Culture sans artistes – Entretien avec Philippe Buquet, Directeur de l’Espace des Arts de Chalon sur Saône

Il s'est confié à info-chalon.com.

Photo Julien Piffaut

« Parce que nous sommes le cœur battant de notre société », extrait de l’appel des artistes – La Colline du 10/12/2014

Tout débute mi-décembre par un bruit de couloir puis par une rumeur qui enfle et gagne l’ensemble des professionnels du monde culturel. Pourtant, depuis 2 ans, la Région organisait des ateliers de travail afin de contribuer en l’émergence d’une politique culturelle régionale, une collaboration constructive dont tout le monde s’est félicité. Mais alors que les esprits sont déjà aux célébrations des fêtes de fin d’année, le 22 décembre, à l’issue d’un entretien avec le 1er Vice-Président, Michel Neugnot et Françoise Tenenbaum, Conseillère Régionale en charge de la Commission Culture, la nouvelle tombe comme un couperet : "sans concertation aucune, la Région Bourgogne s’apprête à baisser significativement les subventions régionales dédiées à la Culture pour 2015 et pour les années à venir".

Très vite, le Syndéac et les acteurs culturels du territoire lance un appel invitant les artistes, les compagnies, l’ensemble des professionnels, les établissements artistiques et culturels à se mobiliser le jeudi 8 janvier à 14H30 devant le Conseil Régional de Bourgogne. En peu de temps, ce sont 250 personnes, qui en dépit de délais très courts, ont répondu à cet appel, au lendemain du massacre perpétré contre l’hebdomadaire Charlie Hebdo. « Cela aurait été une erreur d’annuler cette mobilisation, c’est comme si Charlie Hebdo ne sortait pas cette semaine. Nous sommes complétement relié à ce qui s’est passé car la cible était bien le monde artistique. Nous avons le devoir d’agir, de défendre la Création. Le monde artistique est toujours un monde de l’action. C’est pourquoi, nous n’avons pas déprogrammé nos spectacles et concerts. On doit jouer, surtout ne pas fermer le rideau », nous a confié Philippe Buquet et de poursuivre « Il nous fallait impérativement honorer ce rendez-vous. Etre présent, c’était marquer, doublement, notre combat pour la liberté d’expression, fondement de la démocratie sans lequel, les valeurs d’un monde libre, nos idéaux, nos rêves et nos espérances n’ont plus de réceptacle. Le spectacle vivant nous donne, également, l’occasion de partager, d’échanger, de discuter… le mettre à mal, c’est poser un genou à terre. » Si les voix sont un peu enrouées par le trop plein d’émotion que suscite le contexte dans lequel se déroule cette mobilisation, la volonté de faire bouger les lignes reste intacte. « Si on n’est pas au centre de ces enjeux qui lient  cette présence politique pour atteindre l’objectif qui est de préserver la dimension culturelle, on ne fait pas notre travail ! ».

Ce que tous déplorent, c’est que la Région ne se fait pas l’écho des engagements pris par l’Etat à l’endroit de la Culture. Le 1er Ministre, Monsieur Manuel Valls a d’ailleurs, une fois de plus ces derniers jours, posé des actes forts concernant le dossier des Intermittents et a également renouvelé sa prise d’engagements, pas plus tard que Mercredi 7 janvier, envers la Culture et la Création. « Le Conseil Régional doit décliner cette politique sur notre territoire or la réalité est toute autre sous couvert qu’elle est une compétence optionnelle » s’insurge Philippe Buquet. « L’Espace des Arts a déjà souffert d’une baisse des dotations de 6% en plus des contraintes économiques que nous subissons depuis des années. Pourtant considéré comme équipement structurant, aujourd’hui la Région envisagerait une baisse de 30%  concernant l’Espace des Arts et 13% sur l’ensemble de la Culture en sachant qu’une réduction identique serait prévue en 2016 et 2017, c’est un non-sens. Les Directeurs d’Equipement Culturel ont un rôle important à jouer et une lourde responsabilité car ces restrictions budgétaires vont impacter les compagnies et les personnels. La Région ne peut pas rester sourde à 2 ans de concertation et de travail ainsi qu’à l’appel de jeudi dernier. Ce serait là, le signe d’un incroyable et cuisant échec. Ceci n’est pas acceptable, il va de soi que la mobilisation perdurera si les choses restent en l’état ».   Sur les 780 millions d’euros du budget de la Région, la Culture ne représente que 12 millions d’euros. Dans un contexte où il faudrait la consolider, l’annonce de ces baisses drastiques sonne comme une décapitation. Une Délégation a bien été reçue par François Patriat, lui-même, jeudi dernier ; heure pendant laquelle, de vrais arguments ont été avancés par les acteurs culturels. Reste à savoir s’ils pèseront sur les élus présents ce jour-là autour de la table. « Là où c‘est un peu frustrant, c’est qu’ils n’ont pas dit : on ne peut pas faire autrement. Nous sommes pourtant convaincus qu’il existe une solution. Pour cela, je veux croire que le fil du dialogue n’est pas rompu et nous sommes prêts à reprendre le travail là où nous l’avions laissé à l’issue de ces deux années de consultations, à savoir : œuvrer pour un renforcement de l’action culturelle en Bourgogne. De plus, alors que nous sommes sur le point de fusionner avec la Franche-Comté, quel message envoyons-nous ? Que nous ne sommes ni préoccupés par notre dynamisme, ni préoccupés par notre attractivité ? La Région Bourgogne a tout à y gagner » conclut Philippe Buquet.

Le budget est voté lundi 12 janvier, espérons que nos élus aient entendu cet appel du 8 janvier.

S.B.R