Chalon sur Saône

A Chalon, des conseillers prud’homaux qui grognent, un procureur qui cogne...

A Chalon, des conseillers prud’homaux qui grognent, un procureur qui cogne...

Depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois, le projet de loi Macron fait grincer des dents les conseillers prud’homaux chalonnais. Ces derniers n'ont pas eu l'occasion de retrouver leur sourire, en écoutant les réquisitions prononcées par le Procureur de la République de Chalon Christophe Rode...

... lors de l'audience solennelle de rentrée, qui s'est tenu mardi après-midi, en présence notamment de Fabien Sudry, préfet de Saône-et-Loire, Henry Robert, premier président de la Cour d'Appel de Dijon, Jean-Jacques Bosc, procureur général près la Cour d'Appel de Dijon, Frédéric Pillot, président du Tribunal de Grande Instance de Chalon, Jean-Charles Meunier, bâtonnier de l'ordre des avocats de Chalon, et Nathalie Leblanc, vice-présidente, représentant Rémi Chaintron, président du Conseil général.
Après avoir souligné la durée anormalement longue des procédures initiées devant le Conseil de Prud’hommes (15,6 mois contre 7,6 mois devant le TGI), le taux d'appel particulièrement élevé (64 % contre 19% en ce qui concerne le TGI) et le taux de réformation de plus de 70% alors qu'il est d'environ 50% pour les autres juridictions, le chef du parquet de Chalon a en effet clairement dit que « la juridiction prud’homale est sans doute arrivée en fin de cycle et doit nécessairement évoluer ». Un constat qui n'a évidemment guère fait plaisir au président sortant Francis Gutierrez, au président  entrant Jacques Millot et à l'ensemble de leurs collègues.


Des juges prud’homaux mieux formés

Christophe Rode en a ainsi profité pour livrer quelques pistes de réflexion. « Il m'apparait fondamental, s'agissant des juges prud’homaux, outre la question délicate de leur élection qui ne me semble pas pleinement satisfaisante, de valoriser leur rôle en leur proposant par exemple une formation juridique et déontologique qui serait dispensée, à l'instar de ce qui existe pour les juges consulaires, par l'Ecole Nationale de la Magistrature et non plus par des organisations ou groupements dont sont issus les juges prud’homaux qui sont par nature partiaux ».
L'évolution de la juridiction prud’homale, telle que la conçoit le procureur Rode, pourrait passer également par une indemnisation des juges « à hauteur de la qualité du travail que la société moderne exige », par une réforme de la procédure en favorisant la phase de conciliation. « Mais cette nouvelle conception de la conciliation suppose que le juge agisse moins en fonction du mandat que les électeurs de son collège lui ont confié mais plus en fonction des règles de droit et de l'équité  en conformité à l'éthique du juge souhaitée à juste titre par nos concitoyens » a-t-il précisé. L'évolution pourrait passer aussi par l'instauration d'une véritable mise en état des affaires, y compris en phase de conciliation, avec l'adoption de contrat de procédure permettant ainsi qu'une décision soit rendue dans des délais raisonnables. Parmi les autres suggestions énoncées par le procureur de la République de Chalon, figure, outre la mise en place de circuits de procédure simplifiés, l'introduction dans les Conseils de Prud’hommes de magistrats professionnels. « Cet échevinage rendrait la justice prud’homale plus conforme aux principes dégagés par les juridictions et instances européennes ».

Le procureur Christophe Rode a conclu son intervention en affirmant «Cette vénérable juridiction ne peut se réfugier dans un immobilisme mortifère et doit, tout comme les autres juridictions, accepter voire suggérer des évolutions. En effet, l'objectif est non pas de préserver des traditions supposées intangibles mais bien de rendre une meilleure justice dans l'intérêt de tous les justiciables confrontés à l'incontournable évolution des règles du marché du travail ouvert désormais à la mondialisation et donc soumis à des influences et à des conceptions diverses ».

Suspension des audiences de jugement 

Les conseillers prud’homaux chalonnais sont en complet désaccord avec les différentes dispositions concernant la justice prud’homale contenues dans le projet de loi Macron, des dispositions, qui, aux dires du président Gutierrez, « s'inscrivent dans une démarche claire : installer un échevinage déguisé »...  Et ils n'ont pas manqué de le faire savoir, en décidant à l'unanimité de ne pas communiquer sur l'activité du Conseil en 2014. Francis Gutierrez dans le cadre de son discours en a expliqué les raisons. « Des statistiques ont déjà été évoquées dans les différents rapports commandés par le ministère. Je ne ferai qu'un seul commentaire sur les statistiques déjà publiées. Nous ne savons pas comment elles ont été établies et quels sont les effets attendus. Car de toute évidence, elles ne correspondent pas à la réalité sur la juridiction chalonnaise ».

Les conseillers prud’homaux chalonnais ne veulent pas entendre parler du projet de loi Macron et ils vont le faire savoir en dehors d'une salle d'audience. Le président Millot a en effet annoncé qu'à l'issue d'une assemblée générale en date du 9 janvier 2015 il avait été décidé la suspension des audiences de jugement jusqu'au 31 janvier 2015, à l'exception des audiences de référés et des audiences de conciliation.

Gabriel-Henri THEULOT

 

   

L'année 2014 en quelques chiffres

Affaires enregistrées : 606 affaires, se répartissant comme suit : industrie : 214 (35%), commerce : 168 (28%), activités diverses : 116 (19%), encadrement : 96 (16%) et agriculture 12 (2%).
Affaires devant le bureau de conciliation : 496 affaires audiencées, se répartissant comme suit : renvoi au bureau de jugement avec délai de communication des pièces : 392 (79%), renvoi à une autre audience de conciliation : 44 (9%), désistement-caducité : 29 (6%), conciliation totale : 27 (5%), radiation : 3,  renvoi au bureau de jugement avec mesure provisoire : 1.

Affaires en bureau de jugement : 1 342 affaires audiencées.

Stock au 31 décembre 2014 : 583 affaires se répartissant comme suit : industrie : 206 (35%), commerce 193 (33%), activités diverses : 87 (15%), encadrement : 87 (15%), agriculture : 10 (2%).

Pourcentage d'appel : 146 appels sur 281 jugements rendus en premier ressort, soit 51,96%. Et par section 70% en agriculture (7 sur 10), 56,56 % en commerce (69 sur 122), 54,55% en encadrement (12 sur 22), 49,21% en industrie (31 sur 63) et 42,19% en activités diverses (27 sur 64).