Saône et Loire
Une femme, une quiche et deux andouilles
Publié le 30 Janvier 2015 à 15h26
Frédéric et Manuel, 36 et 55 ans, mariés et pères de famille ont comparu hier pour agression sexuelle commise en réunion. Un soir de septembre 2013, à Digoin, ils se sont autorisé des attouchements sur une femme qu’ils connaissaient depuis quelques heures.
Dans un bar de Digoin, un soir de septembre 2013, deux amis lient connaissance avec un couple. Les demis de bière s’enchaînent, les sujets de conversation aussi. Frédéric, dont l’épouse est enceinte, trouve à son goût Evelyne (prénom de substitution), il lui fait quelques avances. « T’es une belle femme » lui lâche Frédéric dans la soirée. « Je ne suis pas Miss Monde » répond-elle. Evelyne est une jolie brune, aux cheveux longs bouclés, plutôt frêle et très féminine. A l’audience, elle serre très fort les deux pans de son manteau, dans lequel elle donne l’impression de vouloir disparaître, sur le banc des victimes. Vers 22 heures, la faim tenaille la tablée. Evelyne propose d’aller chercher chez elle une quiche, préparée dans la journée afin de la manger tous ensemble. Manu, puis Frédéric demandent à l’accompagner. Le copain d’Evelyne reste au bar.
L’épisode scabreux se déroule chez elle. Manu remarque que le bouton du pantalon de la jeune femme est cassé. Ils la coincent dans le couloir, en sandwich, l’un derrière, l’autre devant. Manu descend le pantalon de la jeune femme qui dit-il « est tombé tout seul avec la culotte». Ce qui semble bien improbable. La jeune femme porte un legging, pantalon aussi serré qu’un collant. Elle essaie de le remonter, coincée entre ses deux agresseurs, crie, insulte, se débat. L’un colle ses mains sur la poitrine de la jeune femme, dans son soutien-gorge. L’autre se livre à des attouchements plutôt brutaux, introduit ses doigts dans l’anus et le vagin. Elle se dégage. Les gars arrêtent. De retour au bar, les témoins notent le visage bouleversé de la jeune femme. Elle raconte la scène à son copain. Le ton monte. L’un des deux agresseurs va chercher un manche de pioche, on frise la bagarre générale.
A la barre, les agresseurs minimisent. Ils n’ont pas d’avocat, ne mesurent pas la gravité de leurs actes. Manu parle beaucoup. D’« amusement », de « pelotage ». Or, dès qu’il y a pénétration, quelle qu’elle soit, l’agression sexuelle est considérée comme un viol, ici « correctionnalisé ».
« Vous reconnaissez l’avoir « tripotée » comme vous dîtes, intervient le président Santourian mais vous appelez ça : « rien » ? Passer ses mains sur le sexe et la poitrine d’une femme que vous ne connaissez pas, ça vous arrive souvent ? Les plans à trois aussi ? » Dénégation outrée des deux acolytes.
« Un inconnu touche les seins et les sexes de vos épouses, vous réagissez comment ? » interroge Bénédicte Masson, le substitut du procureur. Les prévenus s’offusquent. Pour leurs épouses, « ce n’est pas pareil »...
Me Bernigaud, avocate de la victime, déplore le comportement des prévenus. « Ils reconnaissent a minima. On a des pénétrations digitales, qui ont provoqué des hématomes dans les zones anale et vaginale. » La victime qui souffrait a fait établir un certificat médical le lendemain. Evelyne, après l’agression, s’est réveillée en panique à 2 heures du matin. Elle a alors appelé la gendarmerie qui lui a appris qu’elle avait subi non seulement une agression mais un viol. « Il faut savoir, reprend la défense, que les prévenus dans leurs auditions ont tout de même qualifiée ma cliente d’ « allumeuse », voire de « chaudière » ! » Des mots non répétés à l’audience.
« Je trouve que les prévenus comparaissent de manière très légère. Ils n‘ont aucune parole d’excuse ou de compassion pour la victime. Finalement ils nous disent : « elle nous a un peu allumé, elle a eu la monnaie de sa pièce ».» Le parquet requiert pour les deux hommes une peine de deux ans de prison avec sursis simple.
Les prévenus paraissent s’étonner du procès qu’on leur fait. Déplorent que le tribunal ne les croit pas mais oublient que leurs déclarations ont varié au fil de l’instruction.
Frédéric et Manu ont été condamnés à deux ans de prison avec sursis simple et devront verser 2500 € à leur victime. Nul doute que leur inscription à vie au fichier des délinquants sexuels plaira autant à leurs épouses, avec qui les relations se sont tendues, que l’agression. Après le jugement, les deux hommes envisageaient de faire appel. Sans donner l’impression d’avoir compris pourquoi ils se retrouvaient face aux juges.
Florence Genestier



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