A la mosquée du centre ville
 de Chalon sur Saône - Rencontre interreligieuse suite aux drames de début janvier

« La communauté musulmane est très heureuse de vous recevoir » a déclaré l'imam Ahmed Belghazi, en s'adressant mercredi soir aux participants à la rencontre organisée à la mosquée El Fath du centre ville par le secrétariat interreligieux de Saône-et-Loire, sur le thème « Lumière dans cette obscurité ».

Une rencontre qui se déroulait juste trois semaines après les terribles événements qui ont ensanglanté notre pays et à laquelle avait tenu à prendre part Francis Cloris, sous-préfet de Chalon.
Après avoir rappelé en préambule que « ces criminels n'ont rien à voir avec la communauté musulmane », l'imam Belghazi a convié l'assistance, composée de catholiques, de protestants, de bouddhistes, de juifs et de musulmans, à vivre ensemble un moment de recueillement, afin de rendre hommage aux dix-sept victimes des 7, 8 et 9 janvier dernier et de partager la tristesse de leurs familles. Et plus particulièrement à prier pour la République et ses trois valeurs : la liberté, l'égalité et la fraternité. Ahmed Belghazi a aussi souligné qu'Allah était miséricordieux, que c'était lui qui donnait la vie et que c'était lui qui la reprenait et signalé qu' « au début, le Prophète a dit à ses compagnons d'aller chez un roi chrétien ». L'imam Belghazi a également confié qu'il ne fallait pas faire un amalgame, ne pas mettre de l'huile sur le feu, ne pas susciter des actes islamophobes ou antisémites. Il a encore indiqué que « l'ennemi numéro un, c'est l'ignorance, la méconnaissance de l'islam », précisant que le mot « islam » voulait dire « paix », « apaisement ». Ahmed Belghazi a continué son message, en faisant remarquer « Pour nous tous, la laïcité, ce n'est pas la négation de la religion, chacun peut exercer sa religion dans le cadre de la loi ». Et de conclure « Que notre Dieu accorde sa bénédiction et sa protection, que Dieu nous enveloppe dans sa miséricorde et protège nos fils, que Dieu rapproche nos familles, nos communautés, nos peuples. Qu'on soit tous frères ! ».

Temps fort de cette rencontre, un jeune musulman a lu le message de paix proclamé à tous les habitants de Saône-et-Loire à l'occasion de la 5^e rencontre interreligions, qui a eu lieu le 18 mai 2014 au carmel de la Paix à Mazille. Un message dans lequel il est notamment dit « Tous, nous croyons, au sens fort, que nous ne sommes pas seuls. Que nous sommes précédés et accompagnés par un Amour qui donne sens à nos engagements en faveur de la paix. La foi est espérance. Tous, nous faisons l'expérience que dire sa foi en toute simplicité, c'est se placer dans la disponibilité de cœur pour entendre une affirmation différente de la nôtre, qu'elle vienne de notre propre communauté de foi ou d'une toute autre. La foi est confiance. Tous, nous sommes convaincus que le dialogue, dans une écoute attentive de l'autre, nous fait grandir dans notre propre foi et dans notre humanité. La foi est respect. Tous, nous témoignons de notre foi. Une foi qui n'exclut pas l'épreuve du doute mais qui favorise le lien entre tous, venus d'horizons divers. La foi est un acte de paix ».
Au nom de la communauté catholique, Nicole Séjourné, responsable diocésaine représentant Mgr Benoît Rivière, évêque d'Autun-Chalon-Mâcon, a ensuite pris la parole pour évoquer « un texte qui parle de guérison. Car actuellement on a bien besoin de guérison ». Le texte relatant l'histoire de Pierre et de Jean, se rendant au Temple pour prier et qui rencontrent un impotent faisant l'aumône, afin de survivre. Handicapé, l'impotent subit l'exclusion, qui s'ajoute à la pauvreté... Nicole Séjourné a ainsi invité les participants à cette rencontre à tendre la main, comme l'ont fait les deux apôtres pour aider l'impotent à se relever, afin de faciliter l'intégration de l'autre. « Nous sommes tous entrés dans cette mosquée pour dire notre volonté de vivre tous ensemble » a-t-elle encore ajouté.

Bouddha : « On ne répond pas à la haine par la haine mais par l'amour »

Succédant à Nicole Séjourné, Jean-Claude Bligny, pour les bouddhistes, a confié « La paix extérieure ne peut intervenir que si chacun développe la paix intérieure. Nos religions sont faites pour ça ». Avant de poursuivre « La République, c'est l'art de vivre ensemble dans le respect des lois du pays. Elle laisse aux religions la liberté de trouver un sens profond à nos vies ». Jean-Claude Bligny a conclu son intervention en faisant sienne cette parole de Bouddha « On ne répond pas à la haine par la haine mais par l'amour ».
Prenant à son tour la parole, Marcel Mbenga a fait allusion à tous ces villages brûlés, rasés par les humains au Cameroun, son pays d'origine, et s'est dit « profondément bouleversé par tous ces drames ». Le pasteur de la paroisse de Chalon, Tournus et disséminés de l'Eglise Protestante Unie de France a ensuite mis en exergue un passage de la Bible. L'épisode de la Tour de Babel. La Terre ayant été repeuplée après le Déluge, alors qu'ils parlent tous la même langue, les hommes s'arrêtent dans le pays de Shinéar, afin d'édifier une tour dont le sommet atteindrait les cieux. Pour les punir de leur ambition démesurée, Dieu décide de brouiller leur langue, afin qu'ils ne se comprennent plus et de les disperser sur toute la surface de la Terre. « Dieu a voulu des lieux différents, des communautés différentes, des langues différentes. Cette diversité crée l'autre et par conséquent le respect de l'autre » a indiqué le pasteur Mbenga, avant d'ajouter « Comment allons-nous nous reconnaître frères ? Comment allons-nous respecter l'autre ? C'est ça ce que nos religions veulent dire ».
Représentant de la communauté juive, Michel Oiknine a témoigné de son soutien à toute la communauté musulmane. « On ne veut pas connaître l'islamophobie, nous qui connaissons déjà l'antisémitisme ». Et de poursuivre « Nous pouvons vivre ensemble, nous devons vivre ensemble et bien vivre ensemble ». Après avoir évoqué la Création du Monde, et plus particulièrement le 6^e jour, lorsque Dieu a créé l'homme, Michel Oiknine a fait observer « Nous sommes tous de cette même motte de terre, de cette unique souffle humain ». Ayant rappelé qu'Abraham était le premier grand prophète du monde juif, Michel Oiknine a également confié « Puisque nous nous disons tous, à l'exception de nos amis bouddhistes, fils d'Abraham, allons vers les autres, allons vers les autres cultures ».

« Nous sommes tous frères en l'humanité »

Fait inhabituel, un représentant de l'Etat a pris la parole dans un lieu de culte. Francis Cloris a en effet souligné que la laïcité était le meilleur rempart pour permettre la liberté de conscience et a indiqué que des mesures avaient été prises, afin que les lieux de culte soient protégés. Après avoir signalé que des centaines d'assassinats ont eu lieu au nom de cet islam dévoyé et après avoir rappelé que l'islam était une religion de paix et de lumière, le sous-préfet de Chalon a déclaré « Toutes les communautés musulmanes ne se reconnaissent pas dans cet islam-là ». Enfin le sous-préfet Cloris a affirmé « Nous sommes tous frères en l'humanité. N'ayons pas peur ! Ayons confiance en nous pour  construire une société qui nous permettra de vivre dans un monde meilleur ».

Le mot de la fin est revenu à Camil Sari, vice-président du centre culturel musulman. « Tous, juifs, chrétiens, musulmans, bouddhistes, empruntons les mêmes mots pour parler de nos croyances respectives et de nos valeurs spirituelles. Ces mots sont : respect, tolérance, amour, fraternité. Ce sont des mots chargés de sens, auxquels j'ajouterai les mots suivants : sincérité, conviction, persévérance et espoir. Des mots auxquels nous devons nous raccrocher et auxquels nous tenons particulièrement, pour avoir un but dans notre vie, aujourd'hui plus qu'hier ». Et de continuer « Nous devons plus que jamais être persuadés de la sincérité de nos paroles, de nos actes, de notre espérance de pouvoir vivre et partager un espace commun avec nos croyances, nos opinions différentes, acceptées et assumées. Nous devons surtout faire appel au discernement et à la clairvoyance si nous voulons persévérer dans nos efforts et démontrer la nécessité d'agir ensemble comme nous le faisons aujourd'hui, dans cette mosquée ».

Gabriel-Henri THEULOT