Chalon sur Saône

A l’amour ! A l’amitié ! A Michèle Bernier !

A l’amour ! A l’amitié ! A Michèle Bernier !

Dans la pièce « Je préfère qu’on reste amis » qui se jouera à guichets fermés le vendredi 27 février à Chalon-sur-Saône, le duo Michèle Bernier-Frédéric Diefenthal cohabitera avec les relations platoniques. Ce je-ne-sais-quoi d’inobservable, cette connexité altérable, ces liens ténus entre un homme et une femme fournisseurs d’une alchimie mystérieuse vont dans ce cadre trouver matière à épanouissement. Très gentiment Michèle a accepté d’apporter de la clarté au mobile.

Quand on est que deux sur scène avec en plus une intrigue amoureuse, vaut-il mieux avoir au départ des atomes crochus avec son coéquipier pour paraître crédible sur les planches ?

« C’est mieux, de toute façon dans la vie en général d’avoir des atomes crochus avec les gens avec qui on travaille, autrement ça devient une galère. Mais là, nous on s’aime en vrai, pour de vrai, et on est amis. C’est super, beaucoup de chance. »

Rassurez les contradicteurs : ça n’a rien à voir avec une histoire lénifiante à l’eau de rose ?

« Non, non, non, c’est une comédie romantique comme dans les grandes heures des comédies romantiques anglaises, « Rendez-vous à Nothing Hill », des choses comme ça. C’est une écriture qui ressemble beaucoup à celles-là, comme toutes les comédies que l’on aime bien à l’image de « Love Actually », où normalement les deux êtres qui commencent ensemble ne devraient pas finir ensemble, et l’écriture fait que c’est une histoire profonde. C’est à la fois tendre, drôle, c’est une histoire d’amour. Il y a beaucoup de rebondissements malgré tout, et donc voilà, c’est une vraie comédie romantique comme je les aime. »

 Eprouve-t-on intérieurement le même plaisir à parler de sentiments forts, après maintes et maintes fois ?

« Je pense que les acteurs ne vivent que sur les sentiments, enfin, c’est ce qu’on essaie de retranscrire le mieux, et c’est ce qui nous anime tous, les sentiments. Sans sentiments, on ne serait pas un être humain déjà. Ce qui est bien, c’est quand les sentiments sont bien écrits, bien exprimés, et nous, plus il y a de sentiments, moins on se lâche d’ailleurs de jouer, parce que ça nous permet encore d’avoir plus de panache pour pouvoir exprimer les sentiments. Je suis très attachée à ça. Je trouve qu’aujourd’hui tout le reste change tout le temps, mais les sentiments c’est ce qu’il y a de plus beau, l’être humain ne vit que comme ça, c’est grâce à ça. Comme je dis toujours, le public n’est pas le même chaque jour, donc pour nous c’est différent  chaque fois malgré tout. Comme vous, quand vous écrivez un papier, vous n’écrivez jamais sur le même sujet, pourtant vous écrivez. Le plaisir que vous avez c’est d’écrire sur un nouveau sujet avec un même support. Nous, chaque jour c’est un rendez-vous d’amour avec le public, c’est-à-dire qu’il faut le séduire, le convaincre, le rassurer, et lui donner le meilleur. Pour nous ce n’est jamais pareil. » 

A quelles catégories d’âge s’adresse-t-elle ? Finalement, beaucoup de gens peuvent constater des similitudes avec leur cas, dans cette situation énigmatique ?

« Oui, mais justement la pièce a cet avantage que nous n’avons pas d’âge. On ne parle pas de ça, ce sont deux amis, et elle décide de lui dire qu’elle l’aime, donc ça n’a rien à voir avec l’âge, je pense qu’on peut être amoureux de quelqu’un à 12 ans, 15 ans 30, 50, 80, ne pas oser lui dire, et la différence c’est qu’elle, elle revit. Au début, il lui dit : je préfère qu’on reste amis. C’est pour ça que c’est une vraie comédie romantique, dans le sens où ne sommes que sur des sentiments et sur le fait que quelqu’un veut quelque chose que l’autre ne veut pas.  »

Vous avez une carte de visite extrêmement bien fournie. Qu’aimeriez-vous y ajouter ?

«Je vais tourner la suite de « La stagiaire » pendant tout l’été, et puis repartir en tournée à la fin de l’année prochaine avec ce spectacle. »

On a l’impression que l’humour est un automatisme chez vous. Est-ce vital ?

« C’est indispensable pour tout supporter ! Comment ferait-on autrement, comment ferait-on ? Je plains les gens qui ne savent pas apprécier la distance, le recul, l’ironie. Ca doit être beaucoup trop triste à vivre cette vie, mais pour moi c’est super important de pouvoir s’échapper, c’est une belle échappatoire, une manière de regarder les choses qui est moins pénible. C’est indispensable à mon existence. »

Que penserait votre papa, alias le professeur Choron, cofondateur d’Hara-Kiri, l’ancêtre de Charlie hebdo, après le désastre de début janvier ? Et quelle a été votre réaction à chaud ?

« Je pense que mon père aurait été bouleversé de tout ça. Ce sont des gens avec qui il a commencé comme Cabu et Wolinski. Je suppose que ça aurait été une catastrophe sentimentale, et aussi cette manière de fermer la bouche des gens à coup de kalachnikov, eh bien c’est tout ce qu’ils ont combattu toute leur vie. J’ai été très émue de tout ça, et d’avoir connu évidemment en tant qu’enfant et adolescente surtout Cabu et Wolin, donc c’est très violent. Il faut s’en relever comme on peut. Heureusement que la vie continue. Il ne faut pas se laisser menacer. Je pense qu’aujourd’hui tout le monde l’a bien compris. La liberté d’un pays ça passe aussi par son droit à l’humour, et il n’y a aucune dictature où il y a des humoristes. Donc je crois que c’est ça qu’il faut que l’on garde bien en tête. »

 

Crédit photos : Gaël Rebel et Bernard Richebé

                                                            Michel Poiriault