Chalon sur Saône

Compagne, amante, Nina en tout cas porte haut l’étendard de l’amour avec un grand A

Compagne, amante, Nina en tout cas porte haut l’étendard de l’amour avec un grand A

« C’est dans les vieux pots qu’on fait la meilleure soupe », a-t-on coutume de clamer sur tous les toits. Ce n’est pas peu dire avec la comédie « Nina », laquelle a été portée sur les fonts baptismaux en 1949 par André Roussin ! L’adultération le cocuage, et l’insigne faiblesse de la gent masculine dans certaines formes relationnelles ont fait pencher la balance mardi soir à Chalon dans une salle Marcel-Sembat bondée en faveur de séquences hilarantes de vie non surfaites. Avec un tel thème indémodable…

La puissance du prédateur-rival se délite, le mari trompé baisse sa garde

Trois personnages composent le fonds de commerce de la pièce : le mari, le greluchon et la femme-maîtresse. L’amant se disperse au gré de ses conquêtes féminines en édulcorant l’essentiel, se contentant de papillonner en faisant le joli cœur. Mais un jour l’époux (François Berléand) de l’une d’entre elles, Nina (Mathilde Seigner), fait irruption sans crier gare dans la garçonnière du séducteur Gérard (François Vincentelli) avec une seule idée en tête : abattre froidement sa victime, pistée depuis trois mois. Le cornard est au bord de l’exaspération : « Ma femme a des loisirs que vous vous chargez de combler », lui reproche-t-il vertement. Adolphe, le mari, ne mettra toutefois pas sa basse besogne à exécution, car les mouches ont changé d’âne. Petit à petit la situation envenimeuse va perdre le contrôle d’elle-même, être désarçonnée. Le preneur de plaisir craque : « Ma vie n’a pas de sens, elle n’a aucune valeur ». Au point d’attendrir le légitime, touché par tant de vague à l’âme. « La vie est admirable pour qui veut vivre, mais ouvrez les yeux ! On tue pas un homme qui souffre. Vous m’êtes très sympathique, c’est ce qui rend ce geste si difficile », compatit le mari à l’honneur bafoué, qui travaille au ministère des finances. D’un scénario classique les fondements battent de l’aile, ce qui, par la surprise générale induite, incite à emprunter de bien singuliers chemins de traverse pour mieux batifoler devant ces scènes antinomiques des originelles.

 

A une contre deux sa bonne foi triomphe

Lorsqu’elle intervient entre ses deux hommes, Nina ne fait pas étalage de qualités de diplomate, le consensus n’est pas son mode opératoire préféré. L’honnêteté intellectuelle qui l’agite n’a pas une contenance mi-figue mi-raisin. Entière, elle rentre dans le lard. « Adolphe n’est pas un homme, c’est une serviette », caricature-t-elle, avant d’enfoncer le clou en déclarant au sujet de son tourtereau caché : »On se voit trois fois par semaine pendant deux heures et on fait l’amour. Tu ne vas pas cracher sur quatorze ans de bonheur parce que depuis douze heures tu sais que tu es cocu ! ». François le fautif veut rompre. « J’ai d’autres femmes que toi dans ma vie,  c’est pour ça que je ne veux plus te voir », lui décroche-t-il comme un uppercut. D’imbroglio en quiproquo, d’incompréhension en erreur de jugement, la comédie sort contre-pied sur contre-pied. Ayant trouvé un révolver dans la poche de son bien-aimé, Nina, qui a subodoré un temps la mort violente de son concubin illicite par son conjoint officiel, suppose qu’il voulait se suicider car il ne pouvait l’épouser. Un brin provocatrice, elle adresse à son mari cette exhortation ne souffrant d’aucune discussion : »Quand on aime on tue la femme ». Finalement ce dernier tente de l’empoisonner. En vain.

Le sexe fort a eu des ratés

Mollassons, pleutres avec une vision à court terme, les hommes ne sont pas sortis grandis de cette mascarade. Même à son complice au comportement usurpatoire, la femme au caractère bien trempé n’a pas décerné de lauriers. « Il est léger, infidèle. Il n’a pas de femme, alors il prend celle des autres. » La moralité s’en tire cependant avec dignité. « L’amour, c’est ma patrie à moi. Ne continue pas à jouer avec les femmes, elles ne sont pas faites pour ça. Adolphe est un enfant, et toi aussi. » La vengeance est un plat qui se mange froid. Habitué des émoustillations de l’esprit, le climat passionnel engendré par la pasionaria de l’amour a éclaté au grand jour. Au grand dam de ceux qui en usent avec modération coupable et pusillanimité, même si « toutes les femmes se ressemblent quand elles enlèvent leur manteau… ». Mathilde Seigner, François Berléand, François Vincentelli, une triade de comédiens très crédibles, aux alibis plausibles. Du talent à la solde de causes gagnées ou perdues…

Fermez le ban le 10 avril

Les Théâtrales 2014-2015, entente entre Pascal Legros Productions et A Chalon Spectacles, s’achèveront le vendredi 10 avril à 20h en la salle Marcel-Sembat. Ce sera par « Le fils du comique », une pièce de Pierre Palmade où l’artiste en particulier évoluera, que les feux de la rampe s’éteindront. Infos et réservations : A Chalon Spectacles au 03.85.46.65.89 ; www.achalon.com – www.les-theatrales.com  

                                                                                           Michel Poiriault