Faits divers

Un phénomène presque inexplicable

Un phénomène presque inexplicable

Cheveux blancs, anorak noir, lunettes carrées et allure boitillante. A la barre, Antonio ne dégage pas une impression de forme olympique. Ce quinquagénaire, au casier judiciaire bien rempli par des faits d’escroquerie comparait à nouveau ce mercredi 25 mars pour une affaire de chèques volés et falsifiés.

« Je vous assure, Monsieur le Président, je ne sais pas comment ces deux chèques se sont retrouvés sur mon  compte...

- Vous devez avoir un généreux bienfaiteur. Vous en avez de la chance, Monsieur… », ironise le président Santourian.

Le 21 août dernier, Benoit (prénom changé), étudiant, qui loge rue Porte-de-Paris à Cluny dans une résidence, rentre de vacances. Très vite, il se rend compte qu’on lui a subtilisé trois chèques dans son chéquier, laissé dans un tiroir le temps de son mois d’absence. Deux ont déjà été encaissés. Le jeune homme ne remarque aucune effraction dans son petit appartement. En revanche, des traces de pas avec de la peinture attirent son attention. Vite, les enquêteurs remontent jusqu’à une entreprise de travaux qui avait accès à l’immeuble Clunisois. Et sont intrigués par le casier judiciaire d’un intérimaire : Antonio. Si ce dernier reconnaît avoir travaillé l’été dernier pour cette entreprise, il réfute le vol. Et dit-il, comme sur tous les chantiers, il y a beaucoup de passage. Un chèque de 800 €, puis un autre de 300 € avec des signatures différentes lui sont crédités. Un phénomène « inexplicable », d’après le prévenu. L’un des assesseurs demande s’il a communiqué son numéro de compte à quelqu’un. Si, via un automate, une erreur aurait pu se produire. Non, Antonio ne s’en souvient pas, il n’a donné son numéro de compte à personne. Le quinquagénaire vit chichement, il est chômeur en fin de droits. Ses problèmes de santé ne lui permettent pas de travailler longtemps. Un dossier d’invalidité est à l’examen, il espère bientôt toucher une petite retraite.

« On peut qualifier tout simplement ce monsieur d’escroc, assène la procureure Malara. Il tente de nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Deux chèques seraient arrivés sur son compte par l’opération du Saint-Esprit ? » Et de relever le peu de personnes présentes dans le bâtiment cet été-là. Et d’insister sur le casier judiciaire conséquent du prévenu : escroquerie, dénonciation mensongère, usage de faux… « Je ne comprends pas qu’il persiste dans ses dénégations » s’étonne-t-elle. Le parquet requiert une année de prison ferme assorti de huit mois de sursis : « Il faut marquer le coup de sa mauvaise foi »

Pour la défense, Antonio n’était pas le seul à être présent sur le chantier, d’accès facile. Une chambre inoccupée permettait à l’équipe de déjeuner. Deux écritures différentes ont été relevées sur les chèques encaissés, une troisième sur le bordereau. « La dernière condamnation de mon client pour des faits d’escroquerie remonte à sept ans. Je n’ai certes pas la preuve de l’existence du généreux donateur anonyme mais le parquet n’a pas, non plus la preuve du contraire ! » plaide Me Quoizola, en demandant la relaxe.

Antonio a été reconnu coupable de vol et contrefaçon de chèques et condamné à quatre mois de prison ferme. Il a rendez-vous avec le juge d’aménagement des peines.

 

Florence Genestier