Chalon sur Saône
Les troubles bipolaires, ces montagnes russes usantes et nullement plaisantes pour l'entourage
Publié le 27 Mars 2015 à 17h38
Pour la 26ème semaine d’information sur la santé mentale, l’U.NA.F.A.M. (Union nationale des Familles et Amis de Malades et Handicapés Psychiques), fondée en 1963 et reconnue d’utilité publique en 1968, a jeté, via sa délégation saône-et-loirienne (basée à Chalon-sur-saône, 06.41.06.21.75), son dévolu sur les troubles bipolaires. L’une des dix maladies considérées comme préoccupantes par l’O.M.S…A Chalon la plus grande salle de la Maison des Syndicats a été prise d’assaut jeudi soir à la faveur de la conférence-débat du psychiatre chalonnais Pierre Cézanne. Et le lundi 30 mars sera la Journée mondiale des troubles bipolaires.
L’humeur en dents de scie
Une atmosphère prégnante a régné durant le temps de l’exposé, puis la souffrance morale de gens démunis a fait surface lors des questions-réponses, dans une assemblée où manifestement les personnes étaient confrontées à nombre d’interrogations. Cette affection qui touche approximativement autant les hommes que les femmes, est à l’origine de 25% des tentatives de suicide, souvent à l’origine de la perte d’emploi (50% des malades sont dans ce cas), le point de départ d’addictions…Cette nébuleuse a été décortiquée par M. Cézanne, lui qui a déjà apporté une aide régulière à la délégation 71, de par une conférence en 2009 sur la dépression, et en 2012 sur la schizophrénie. « Les troubles bipolaires, ce sont des troubles de l’humeur (euphorie, tristesse, etc.). Avant, on disait psychose maniaco-dépressive. Les choses ont beaucoup changé. On entend partout bipolaires, une mise au point est nécessaire. Ce terme est un peu utilisé à tort et à travers, comme le mot dépression d’ailleurs. Les deux pôles sont au-dessus et au-dessous de l’humeur variable. Tout est question de proportion. Les différents troubles se définissent en fonction de ces proportions. Le diagnostic est en général retardé, voire très retardé. Ce retard est surtout le fait de pathologies dépressives Il y a parfois dix ans entre la première manifestation et le diagnostic. Depuis, trente, quarante ans, énormément de recherches ont été effectuées. »
Cinq types différenciés
Pierre Cézanne a répertorié plusieurs profils. «Au début du XXème siècle les gens qui présentaient un épisode maniaque pouvaient mourir, car c’était une exaltation extrême, et il n’existait pas de traitement. Il y avait la fureur maniaque ou de la dépression mélancolique (la plus grave et dangereuse). Dans les deux cas c’est une psychose momentanée et délirante. Aujourd’hui on peut parler de cinq types de troubles bipolaires. Ca s’oppose à unipolaire, où là il n’y a que des périodes de dépression ou d’euphorie. Le trouble bipolaire 1 est la forme majeure la plus dommageable. Il y a une perte du rapport ordinaire à la réalité. Ensuite nous trouvons le trouble bipolaire atténué. Les gens oscillent toute leur vie entre le haut et le bas avec des temps libres. Ils sont très souvent fatigués et énervés. C’est le quotidien des psychiatres, ce qui est beaucoup plus fréquent, avec en particulier des dépenses somptuaires. Troisièmement, les troubles iatrogènes causés par les médicaments comme les antidépresseurs, mais tous ne sont pas sujets à de tels virages. Quatrièmement, un type pas si fréquent que ça : la cyclothymie. C’est un trouble d’une humeur haute à une humeur dépressive très rapidement avec assez peu de périodes entre les deux. Ce ne sont pas des états contenus. C’est invalidant, mais de moindre amplitude par rapport aux trois formes précitées. Enfin nous avons les hyperactifs et les hyperthymiques, des gens qui sont toujours dans une certaine exaltation (au travail, dans leur vie de couple, vie amoureuse…). Ils ont une hypersensibilité permanente. De temps en temps ils peuvent virer très rapidement vers une dépression et faire un geste grave, comme une tentative de suicide. »
Améliorations, oui, guérison, non
Si rien n’est fait pour contrecarrer les effets nocifs de la maladie, en aucune manière le mal ne battra peu ou prou en retraite. « C’est un diagnostic grave. Il est illusoire de penser qu’on puisse les traiter sans médicaments (il convient de faire appel à la psychoéducation, l’hygiène de vie, la psychothérapie), ni avec les seuls médicaments. On ne guérit pas des troubles bipolaires, on peut cependant soigner, stabiliser le patient. Il faut beaucoup de recul, de prudence, de temps, de patience avant de poser un diagnostic. Pour convaincre la personne concernée de sa pathologie, il faut plusieurs hospitalisations, et lui faire renoncer aux périodes d’euphorie. » Il y a encore loin de la coupe aux lèvres. « On sait beaucoup de choses…et pas grand-chose. Il y a des recherches sur les gènes, les protéines, mais on en reste à ce stade. Ce sont juste des pistes. Les causes sont bio-psycho-sociales. C’est un ensemble, à ne pas confondre avec vulnérabilité, élément déclencheur, et stresseurs. Les troubles doivent être traités, car il y a le risque suicidaire et les dégâts collatéraux. Les troubles bipolaires sont souvent masqués par les toximanies et autres addictions, contre lesquelles il faut aussi lutter (alcool, cannabis, achats compulsifs, facilitation sexuelle …).
Michel Poiriault
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