Saint-Marcel

L'atelier Patois Bressan a accueilli une ethnologue

L'atelier Patois Bressan a accueilli une ethnologue

Vous avez certainement déjà entendu parler de l'Atelier Patois bressan, d'autant plus si vous lisez assidûment Info-Chalon.com ( www.info-chalon.com/articles/saint-marcel/2014/10/03/8914-an-crampe-a-saint-marcel.html ). Il a été mis en place par le Centre Socio-Culturel de Saint-Marcel depuis le 1er octobre 2014. Initialement prévu à un rythme d'une séance par mois, il est passé, depuis janvier 2015, à 2 séances par mois, qui ont toujours lieu le mercredi de 18 h à 19 h 30 salle de l'Ancienne Poste. 

L'atelier patois animé de main de maître par le journaliste-écrivain Michel Limoges a accueilli dernièrement l'ethnologue Caroline Darroux.  Interviewée par Info-Chalon.com, elle nous explique les raisons de sa venue et de son enquête à Saint-Marcel.

Caroline Darroux, vous êtes ethnologue. Qui êtes-vous ? Qu'étudiez-vous exactement ? 

 Je suis originaire du Morvan. Je suis Docteure en anthropologie ; j’ai soutenu ma thèse en avril 2011 à Aix-en-Provence, sur la circulation de récits anciens et contemporains au sujet de figures de vieilles femmes dans les villages du Morvan. Je suis actuellement ingénieur de recherche pour le Centre Georges Chevrier de l’Université de Bourgogne dans le cadre d’un programme sur le patrimoine culturel immatériel en Bourgogne. Cette enquête scientifique est soutenue par la Région Bourgogne dans le cadre du dispositif FABER (Favoriser l'accueil en Bourgogne d'équipes de recherche).

En quoi consiste cette recherche ?

 Elle consiste à comprendre ce que cette nouvelle catégorie arrivée en 2007, le patrimoine culturel immatériel, a produit au sein de la région. Quelle prise en compte dans les politiques publiques ? Quelle appropriation par les acteurs? Mon travail d’enquête s’oriente autour de l’émergence et des actions de la Maison du Patrimoine oral de Bourgogne. La MPOB est une fédération d'associations engagées dans le patrimoine oral de Bourgogne. Parmi les priorités identifiées par ce centre de ressources, les langues de Bourgogne affichent une dynamique importante et de plus en plus visible depuis quelques années. Des ateliers de pratique des langues de Bourgogne se font connaître ou se créent dans tous les secteurs de la région, en milieu rural, en milieu urbain, en Saône-et-Loire, en Côte-d’Or, dans la Nièvre et dans l'Yonne. 

Vous vous déplacez pour voir comment fonctionnent les différents ateliers patois de la région. Où êtes-vous allée ?

 En mars, je suis allée dans l'Auxois voir les ateliers des "Rabâcheries du Bochot", qui rassemblent chaque mois une centaine de participants. Dans le Chalonnais, deux ateliers s’adressent à des territoires voisins en toute complémentarité : l'atelier patois bressan animé par Michel Limoges à Saint-Marcel (il réunit environ 25 membres) et l'atelier itinérant du Sud-Chalonnais animé par Pierre Léger autour de Varennes-le-Grand (il rassemble aussi environ 25 participants). Je suis allée voir ce dernier à la mi-février.

 Que se passe-t-il au sein de ces ateliers patois ?

 Des pièces de théâtre se créent, des comédies musicales, des textes d’auteur d’une belle qualité poétique s’écrivent et se lisent en public. A Saint-Marcel, par exemple, c'est un animateur de renom, Michel Limoges, chroniqueur au Journal de Saône-et-Loire, qui anime son atelier deux fois par mois, sur l’impulsion du Centre socio-culturel. Pendant l’atelier, j’ai pu observer le plaisir éprouvé par chacun à écouter et parler cette langue (moi y compris !). Il y a ce voyage dans le temps que permettent des textes bien choisis. Comme dans tous les autres ateliers auxquels j’ai participé, la langue a ce pouvoir de ressusciter des images, des gestes, des personnes. Il y a aussi cette force  créative d’une langue qui vit. A Saint-Marcel, on interprète une chanson détournée de Johnny Hallyday (Oh Marie) ou une vieille chanson bressane (Les gaudes). Des participants deviennent conteurs pour quelques minutes
et racontent des épisodes de leur vie avec beaucoup d'humour. Lorsque je suis arrivée, Michel Limoges m'a dit : « On invente la méthode ». En effet, une méthode très spécifique s’invente dans ces ateliers de patois : plus d’égalité entre celui qui apprend et celui qui transmet, car tout le monde transmet à un moment de l’atelier ; plus d’ouverture d’esprit sur le savoir : on tient compte de la diversité de la langue en notant les mots, leurs variantes, les écarts de sens d’un village à l’autre. On privilégie la convivialité, le plaisir d’être ensemble et de partager la langue. On donne une place de choix à la création. Bien peu de langues sont transmises de cette manière. 

 Quand pourrons-nous connaître les résultats de toutes vos enquêtes ?

Je ferai une restitution de mes travaux lors des "Troisièmes Rencontres des Langues et Patois de Bourgogne" qui auront lieu le 13 juin prochain à Saint-Brisson, à la Maison du Parc naturel régional du Morvan. Cette journée a pour but de faire le point sur cette dynamique à l’échelle régionale et invite tous ceux qui ont quelque chose à en dire.

 Nous vous remercions pour cet entretien et nous vous souhaitons une bonne continuation dans le déroulement de vos enquêtes sur les ateliers patois qui sont très passionnantes.
  

Entretien réalisé par Emmanuelle Thomassin et Olivier Gaudillat