Chalon sur Saône

TRIBUNAL DE CHALON - Poursuivi pour outrage à magistrat par gestes ou menaces lors d’une audience au TGI de Chalon

TRIBUNAL DE CHALON - Poursuivi pour outrage à magistrat par gestes ou menaces lors d’une audience au TGI de Chalon

C’est un homme tendu et stressé qui se présente à la barre du TGI de Mâcon. Stéphane B., 43 ans, est un ancien militaire, un « para », plus précisément. Costaud, fort, courageux, il faut l’être pour participer à des opérations lors de la guerre du Golfe, des missions à Sarajevo, ou au Rwanda. Mais c’est un homme blessé, que l’on sent vulnérable. Le sang affleure sous une peau fine, et son débit de parole parle pour lui : déterminé, volontaire, et secoué par un bégaiement violent qu’il affronte courageusement (il n’a pas d’avocat), mais qui signe son trouble, violent lui aussi, d’où qu’il vienne exactement.

Le 28 février 2014 il comparaissait devant le Tribunal de Chalon-sur-Saône, pour dénonciation calomnieuse et détournement de données personnelles. Les juges rendent leur verdict : 6 mois de prison avec sursis et 2 ans de mise à l’épreuve. Stéphane explose alors de colère, les traitant de « cons », leur demandant d’être « compétents », etc. Et, se saisissant d’une chaise, la lance sur le Tribunal. Ce geste aggrave son cas.

Deux magistrats chalonnais se portent parties civiles et demandent l’euro symbolique. L’affaire passe au TGI de Mâcon, nul ne pouvant être à la fois juge et partie.

L’ancien para ne cesse de se (dé)battre

Si la beauté cachée des laids se voit sans délai, la faiblesse cachée des costauds n’apparaît, elle, qu’avec le temps et à la faveur d’événements dont la nature, ou la configuration, provoquera un effondrement du plancher. Ça tenait jusque là, tant bien que mal, et un jour, ça ne tient plus.  Stéphane B., lui, invoque l’effet d’un effondrement du ciel sur sa tête pour expliquer pourquoi l’an dernier il a « pété les plombs » : « J’ai vu le monde s’écrouler. Je me suis dit ‘j’ai 43 ans, qu’est-ce que je vais devenir ?’ ».

En 2000 Stéphane quitte l’armée et devient fonctionnaire des douanes. En 2009, première condamnation pour conduite sous l’empire de l’alcool, en 2012, deux autres condamnations dont l’une pour violences, en 2014, c’est le TGI de Chalon et la voltige de chaise.

L’ancien para est pris dans un filet aux entrées multiples, et semble se cogner aux portes de sortie. Il a des problèmes avec son employeur, se bat pour sa réintégration, le Tribunal Administratif vient de l’ordonner, dit-il. Il a divorcé, et cela fut sanglant : il ne voit plus son fils, et là aussi se bat pour le revoir. Des expertises sont prévues, la procédure suit son cours.

Tout avance, mais il est prisonnier d’un dédale qui intérieurement ressemble à l’enfer, et dont son bégaiement sévère est comme l’illustration.

Il a refusé une mesure de composition pénale, alternative aux poursuites

Le Parquet a la possibilité de proposer aux prévenus des alternatives aux poursuites, pour certains délits. Autrement dit tout le monde ne passe pas devant le Tribunal. La Procureur pensait pouvoir régler les choses avec Stéphane directement, et avait cadré une mesure de composition pénale : 300 € d’amende, mais Stéphane a refusé. Pourquoi ?

« On me demande 300 €, je ne peux pas. Je ne perçois qu’un demi-traitement. »

On finit par penser, à l’écouter, qu’en réalité Stéphane a recherché l’audience publique : il demande « Justice », et son adresse ne saurait se satisfaire des murs du bureau d’un Procureur.

Il revient à chaque fois qu’il le peut sur un point qui au fond ne regarde pas le Tribunal Correctionnel, mais qui le persécute : il porte des plaintes contre son ex-épouse, qui selon lui sont classées sans suite. Est-ce en rapport avec son fils ? On ne saura pas, ce n’est pas l’objet des débats, et il le sait, mais il y revient sans cesse : cela éclaire le besoin de cette audience publique, malgré ses conséquences de publicité justement, dont celle qui passe par les journaux.

En effet il n’est pas fier d’être poursuivi, il voudrait que la mention de cette condamnation n’apparaisse pas au bulletin n°2 de son casier judiciaire, mais il refuse le règlement discret et rapide de cette histoire. Quand on demande « Justice », à qui s’adresser sinon à Dieu ou à des juges ?

Alors Stéphane est debout, bégayant son histoire, bégayant des excuses, et rappelant qu’il demande que ses plaintes soient entendues.

 

Verdict

Le Tribunal, lui, entend qu’un homme qui a participé activement à des conflits de guerre dans l’armée française est tombé sur le champ de conflits internes et privés, aux effets de mine antipersonnel, et ordonne la dispense de l’inscription du verdict au B2 de son casier judiciaire.

Stéphane est condamné en répression à 100 jours amendes à 3 € (il a 100 jours pour s’acquitter de 300 € ou alors il fera 100 jours de prison). Les deux magistrats chalonnais recevront chacun un euro symbolique pour l’outrage. La mise à l’épreuve imposée l’an dernier se poursuit, Stéphane a une obligation de soins.

Florence Saint-Arroman