Chalon sur Saône

Hubert-Félix Thiéfaine en gladiateur des temps modernes

Hubert-Félix Thiéfaine en gladiateur des temps modernes

Le Dolois d’origine Hubert-Félix-Thiéfaine a annexé une salle Marcel-Sembat archicomble jeudi soir à Chalon-sur-Saône, rien qu’avec le petit doigt. Il faut dire à sa décharge qu’il n’a même pas eu besoin d’avoir recours à l’impérialisme, tant le public transgénérationnel n’avait émargé que pour capitaliser la plus grande somme possible d’ébranlements internes.

Des textes à l’acuité certaine

Chanteur ne pactisant pas avec les circuits commerciaux en vigueur, il n’en attire pas moins beaucoup de monde à chacun de ses concerts, preuve flagrante d’une singulière alchimie. Seul derrière son micro, avec sa guitare, complice de ses musiciens : batteur, bassiste, claviériste, deux guitaristes, dont l’un n’est autre que son fils Lucas, coréalisateur de son dernier album studio « Stratégie de l’inespoir » tombé dans les bacs en 2014, H.F. ne fait jamais dans la demi-mesure. Sur fond de rock aux accents ténébreux et psychédéliques marquant son territoire par une forme de gravité lorsque ce n’est pas par une atmosphère glauque voire de la noirceur, Thiéfaine a des choses à dire, gangrenées peu ou prou par un assombrissement des états d’âme. Disciple du grand écart entre la quintessence de la vie et l’inexorable finitude, Hubert-Félix jette en pâture des textes qui n’ont rien de sirupeux ni d’évanescent. Il n’a de cesse d’apporter de l’eau au moulin des assoiffés de vocabulaire éloquent, frappé du sceau du blues, du spleen, ou bien d’un état des lieux pas toujours bon chic bon genre. Si l’amour est effeuillé, l’auteur-compositeur ne peut s’empêcher de s’acoquiner avec la folie, la désespérance, la consommation de substances licites ou non, l’impudence, la satire sociétale, la décrépitude, la mort…Dans la salle on adore ces énumérations quasi libertaires, ces saillies verbales d’une efficacité redoutable à nulles autres pareilles piochées dans ses différentes créations en remontant le temps, sans primauté aucune envers la promotion du dernier album en date... « En remontant le fleuve », « Amour désaffecté », « Errare Humanum est », « Mediocratie », « Confessions d’un never been », « Angélus », « Karaganda (camp 99) », «Femme de loth », « Sentiments numériques revisités », « La fille du coupeur de joints », etc. pendant deux heures et demie Hubert-Félix Thiéfaine n’aura pas donné a minima. Mais usé à bon escient des secousses telluriques augmentant la fracture avec l’indigente superficialité.

 

Nadège reconnaît ses mérites artistiques

La Lyonnaise Nadège, qui ne revendique pas le statut de groupie, était aux aguets, applaudissant, se trémoussant, bref vivant chaque instant avec un égal bonheur. Quelles sont les raisons de sa venue ? « J’ai dû le voir quatre-cinq fois. J’aime beaucoup ces chanteurs-là, je l’ai écouté très tôt. Mon mari, issu de Franche-Comté, a été bercé par lui. On aime l’homme tel qu’il est. J’aime bien les textes qu’il écrit, et sa façon d’être. Je l’apprécie énormément. Je l’écoute régulièrement, c’est un de mes chanteurs préférés. Il a son public qui le suit, il n’a pas besoin de faire beaucoup de pub. Ce qui me plaît sur le dernier album, c’est qu’il partage ça avec son fils Lucas. »

                                                                                                Michel Poiriault